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Le Pacte de Reims et la Vocation de la France

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Le Pacte de Reims et la Vocation de la France Empty Le Pacte de Reims et la Vocation de la France

Message par Her Dim 20 Mar - 0:06

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (1 / 1)

CLAIRE MARTIGUES

AVANT-PROPOS

Le succès réservé au livre de Pierre JOLIVET, faisant écho à la parole de Saint Pie X déclarant : «...Dites aux Français de faire leurs trésors des testaments de saint Remy, Charlemagne et Saint Louis», nous incite à publier cette nouvelle étude qui est comme son complément indispensable.

Dans le premier ouvrage, en effet, se trouvent rassemblés les principaux documents concernant la vocation de la France : ils sont comme les «lettres de noblesse» de notre patrie. Or, devant les reniements et les contradictions concernant la vocation de la France, il ne suffit pas d'affirmer, il faut aussi, comme dans un procès, reprendre les grandes lignes, vérifier ce qui était occasionnel et se trouve périmé, et ce qui, au contraire, fait partie intégrante de notre vocation fondamentale.

Ce travail a été réalisé avec scrupule et conscience à la fois par l'auteur Claire Martigues et par un groupe de personnes qui, depuis de longues années, se penche sur ces problèmes. Leur conclusion se dégage avec force, grâce à des documents récents, émanant notamment de Sa Sainteté Pie XII, qui ne permettent pas de douter.

Lorsque saint Pierre reniait son Maître par peur des quolibets d'une humble servante, qui, à ce moment-là, aurait pu penser qu'il deviendrait ce Rocher sur lequel toute l'Eglise serait bâtie et contre lequel se briseraient, jusqu'à la fin des temps, toutes les forces gigantesques déchaînées contre Elle ?

De même, il ne faut pas juger de la France d'après la situation présente, résultat incontestable de ses reniements et de ses apostasies... Il faut, avec le recul nécessaire, considérer et le passé, et le présent, et l'avenir. C'est alors que de façon éclatante la vocation de la France, Fille aînée de l'Eglise, s'impose !

Oui, il est proche ce jour annoncé par Saint Pie X : «...Un jour viendra, et il ne tardera guère, où la France, comme autrefois Saul sur le Chemin de Damas, sera enveloppée d'une lumière céleste et où elle entendra une Voix qui lui répétera : - Ma Fille, ma Fille, pourquoi me persécutes-tu ? et, sur sa réponse : - Qui êtes-vous, Seigneur ? la Voix répliquera : - Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes ; il t'est dur de regimber contre l'aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines Toi-même. Et Elle, frémissante et étonnée, dira : - Seigneur, Seigneur, que voulez-Vous que je fasse ? Et LUI : - Lève-toi, lave-toi des souillures qui t'ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le Pacte de notre Alliance. Et va, Fille. Ainée de l'Eglise, Nation prédestinée, Vase d'élection, va porter, comme par le Passé, mon NOM devant tous les Peuples et tous les Rois de la terre.


PREMIERE PARTIE


CHAPITRE PREMIER : LE PACTE DE REIMS

Ces mots évoquent, dans notre esprit, un souvenir lointain de la leçon d'histoire distraitement apprise... Une vision confuse, où se mêlent des casques gaulois, des guerriers aux moustaches tombantes, dont l'image nous faisait sourire une colombe étendant ses ailes au-dessus de Clovis, tandis que saint Remy versait l'eau baptismale sur la tête du vainqueur de Tolbiac. Et c'est tout... pour la majorité des Français...

Qu'importe, à nos lycéens d'aujourd'hui, cette vieille histoire qu'on apprend en dixième. Quel rapport y a-t-il entre ces faits anciens, d'un autre âge, et le progrès intellectuel, scientifique et philosophique moderne ? N'est-ce pas perdre son temps que de vouloir tirer des cendres de l'oubli cet événement historique ? Cependant, il n'en est pas de plus glorieux, mais, aujourd'hui, de plus tragiques... capables d'intéresser le lecteur.

Et c'est sur ce Pacte de Reims qu'il nous faudra, bon gré mal gré, replacer notre Histoire moderne, celle qu'on n'apprend pas dans les livres, mais celle que l'on vit soi-même au jour le jour...

LA VOCATION DU PEUPLE FRANC

Examinons, tout d'abord, ce que l'on entend par « Vocation de la France ».
Lorsqu'il s'agit d'une "vocation" dans le sens vrai du mot, quatre choses se rencontrent habituellement pour témoigner de la véracité de l'appel : la préparation, les instruments, l'appel proprement dit, qui revêt souvent la forme d'une épreuve, la ratification par l'autorité responsable.

Que la France ait reçu de Dieu une mission spéciale à remplir dans le monde, le fait n'est plus guère contesté, tant les preuves de son zèle missionnaire et de ses capacités civilisatrices abondent. Les plus sectaires de nos hommes d'Etat ont dû, eux-mêmes, en convenir. Mais, ce qui est moins connu, c'est la manière solennelle employée par la Providence pour signifier à notre Patrie sa vocation glorieuse. Ce passé débordant d'esprit chrétien et chevaleresque heurtait trop vivement les opinions athées de nos gouvernants d'hier pour qu'ils ne fissent pas l'impossible pour en voiler l'éclat aveuglant.

On a volontairement recouvert des cendres de l'oubli les faits imprégnés de surnaturel de notre Histoire nationale. La séparation de l'Eglise et de l'Etat a accentué cette démarcation, dont les conséquences se révèlent des plus graves et les générations instruites selon les méthodes de l'école publique en sont arrivées à ignorer complètement les événements qui décidèrent du sort de la France et fixèrent, à jamais, l'orientation de son activité diplomatique, politique et sociale.
On a voulu imposer d'autres mystiques, créer un idéal basé sur le progrès, la science, la technique, les vertus civiques, sans voir qu'en reniant les principes fondamentaux de la morale chrétienne on sapait, du même coup, nos plus solides assises nationales.

Examinons, maintenant, si la "vocation" de la France s'accompagne des signes cités plus haut.

LA PREPARATION

Dans notre précédent ouvrage (France, il faut revivre), nous avons vu comment nos premiers ancêtres connus, les Ligures, croyaient à la survie de l'âme, et dressaient des "dolmens" sortes de monuments de pierre, destinés à honorer leurs défunts.

Les invasions celtiques refoulèrent les Ligures jusqu'aux Pyrénées : il en résulta un mélange de races et les habitants de la Gaule prirent alors le nom de Gaulois. Ces hommes adoraient les forces de la nature, et chaque cité possédait son dieu protecteur.

«Les Druides de Gaule avaient, consciemment ou inconsciemment, préparé le règne du Christ». (Abbé Maynard, La Sainte Vierge)

Vers le milieu du deuxième siècle de notre ère, les débuts du christianisme furent sanglants dans notre pays ; les noms de nos premiers martyrs figurent dans tous les manuels d'Histoire de France. Jusqu'ici, rien ne distinguait notre Patrie des nations voisines ; l'évolution était générale ; les invasions rendaient les conquêtes et l'évangélisation précaires ; c'était encore la période d'enfantement.

Il manquait un lien moral à toutes ces peuplades sans cesse en guerre les unes contre les autres ; l'homme était un "loup" pour l'homme ; la loi du plus fort prévalait partout.

Peu à peu, les missionnaires chrétiens se multipliaient, cherchant à répandre la nouvelle doctrine d'amour et de fraternité destinée à pacifier le monde et à le rendre, enfin, habitable. Il fallait, pour cela, des instruments, car Dieu se sert des causes secondes pour accomplir ses desseins. Après s'être choisi les premiers apôtres, le Seigneur voulut s'allier une nation qui serait son "instrument" dans le monde et dont le "Chef" serait son "Lieutenant". Ce fut le peuple franc qui fut désigné.

«Au moment où se signa, dans l'Histoire, l'acte de naissance de la France, l'heure était mal choisie pour un pareil baptême. Le colosse romain venait de s'effondrer sous les coups des Barbares ; ses débris jonchaient l'univers. Des peuples, jusque là inconnus, arrivaient des plages glacées du Nord et se disputaient ses provinces. Vingt races ennemies passaient et repassaient sur la scène du monde, ravageant tout. L'ancienne Société n'existait plus ; la nouvelle n'était pas née...

«La race choisie du Ciel pour former la première nation du monde à venir ne paraissait pas destinée à cette vocation» .
Les Francs n'occupaient, à cette époque, qu'un mince territoire à l'embouchure du Rhin ; la Confédération française se divisait en deux groupes : les Saliens et les Ripuaires se partageant, à leur tour, en différentes familles rivales. Cette Confédération, si faible, si divisée, si mal organisée pour l'action, ne pouvait conquérir son territoire qu'en luttant contre de redoutables ennemis. Monseigneur Fèvre met bien en relief l'évolution de la nation franque :
«Au Nord, elle se voyait pressée par l'irrésistible torrent des invasions qui tombaient des hautes montagnes de l’Asie et se précipitaient jusqu'aux confins du monde connu ; au Sud, elle confinait à des peuplades barbares; plus outre, elle rencontrait les Romains avec la vaillance de leurs légions, les combinaisons de leur administration et la grandeur de leurs souvenirs.

«Plus outre, encore, elle se heurtait à la Confédération armoricaine, plus surprise que vaincue par César, au royaume des Burgondes, qui s'étendait de Langres à Marseille, à l'empire des Wisigoths qui se déployait des rives de la Loire aux Colonnes d'Hercule, au Sud de l'Espagne.

«En présence d'ennemis si nombreux et si puissants, il fallait, pour fonder la France, arrêter le flot des invasions germaniques, refouler les Barbares établis, abattre les derniers restes de la puissance romaine, briser les liens séculaires de l'Armorique, renverser les trônes des Burgondes, expulser les successeurs d'Alaric. Tache impossible, reconnaissons-le, pour une race si faible en d'aussi tristes temps.

«Eh bien ! cela s'est fait tout d'un coup et c'est à ce coup merveilleux que nous devons l'honneur d'être les aînés de l'Europe chrétienne. Les enfants connaissent cette histoire, mais les hommes inclinent toujours à l'oublier. Ne craignons donc pas de le redire : en vingt-cinq ans, avec quatre ou cinq victoires, sans extermination, par la conquête et la fusion des races, Clovis a donné à la France un territoire tel que ni Charlemagne, ni Napoléon n'ont pu en reculer les limites» .
Ici apparaît alors le signe habituel qui marque la préférence divine dans le choix de ses instruments : l'incapacité et la disproportion flagrante qui existe entre le moyen et le but. Un autre signe de la prédilection divine est l'épreuve qu'eût à subir le peuple franc avant de connaître le triomphe, ce furent les rudes combats qu'ils durent soutenir contre leurs voisins. C'est ainsi que le Seigneur forge ses meilleurs instruments.

Il ne suffisait pas de tenir en réserve une masse d'hommes pour en faire des disciples ; il fallait, en outre, leur préparer un Chef capable de les entraîner, de les discipliner. Ce fut Clovis, dont la merveilleuse épopée mériterait d'inspirer plus de chefs-d’œuvre. La conversion de Clovis ne s'est pas faite en un jour et, pour accomplir son œuvre, la grâce a dû briser bien des obstacles ; cependant, il est indéniable que le Chef franc a ressenti, à plusieurs reprises, de l'attirance pour la religion chrétienne ; son mariage avec une princesse catholique prouve que, loin d'avoir de la répulsion pour les disciples du Christ, il appréciait leur valeur. Les miracles opérés par les Saints Evêques de la Gaule l'impressionnaient aussi beaucoup et Clotilde pourra dire, plus tard, à ses petits-enfants : «Votre grand-père était tenté de se faire arien, comme les autres rois germaniques. Il s'est fait catholique parce qu'il a vu de grands miracles à Tours, au tombeau de saint Martin, tandis qu'il ne voyait pas de miracles chez les ariens».

Le moyen préparatoire le plus remarquable qui influença Clovis fut, sans contredit, la présence des chrétiens de choix, dont Dieu s'est plu à entourer le chef franc.

LES INSTRUMENTS

SAINT REMY

En même temps qu'elle disposait le peuple franc à sa mission civilisatrice future, la Providence plaçait çà et là, en Gaule, des "instruments" destinés à préparer les âmes à recevoir la foi. Ce fut un Grec d'Asie, saint Pothin, qui vint fonder, à Lyon, la première Eglise gauloise ; il fut martyrisé en 177 ; mais saint Irénée continua sa tâche. En 250, sept missionnaires partaient de Rome pour achever la conquête de notre pays. Saint Martial évangélisa Limoges ; saint Trophime, Arles ; saint Gatien, Tours, etc... Saint Denis prêcha à Paris ; enfin, au quatrième siècle, saint Martin illustra le siège épiscopal de Tours.

A mesure que les fidèles se multipliaient, les évêchés devenaient plus nombreux et on ne rendra jamais trop d'hommages aux premiers Pontifes gaulois, qui, presque tous, portèrent l'auréole de la sainteté. On distingue particulièrement saint Hilaire, saint Germain et surtout saint Remy, dont le rôle fut considérable dans l'histoire de notre Patrie.
Au commencement du cinquième siècle, la Gaule était devenue la proie d'une nuée de Barbares : tout avait été pillé, dévasté, mis à feu et à sang. Le découragement avait envahi les âmes et l'abattement régnait parmi les débris de la population.

Les erreurs d'Arius exerçaient de grands ravages dans la chrétienté naissante et menaçaient d'étouffer la bonne semence.
Les Francs, jusque là tranquilles entre la Meuse et l'Escaut, venaient de franchir leurs frontières ; païens et idolâtres allaient-ils faire disparaître les derniers vestiges de la foi chrétienne que l'arianisme n'avait pu détruire ? L'inquiétude des chrétiens, et surtout des évêques Gaulois, était grande ; et il est permis de supposer que saint Remy et ses frères dans l'épiscopat suivirent anxieusement la marche des événements et eurent les yeux fixés sur les faits et gestes de Clovis, le nouveau conquérant.

La vie de Saint Remy est remplie de prodiges marquant l'action providentielle à un degré éminent. Son Père, Emilius, était comte de Laon ; Célinia, sa Mère, sortait d'une famille gauloise distinguée ; ils avaient déjà deux fils, Principe, qui fut Evêque de Soissons, et un autre, dont on ignore le nom, qui fut le Père de Saint Loup.

Emilius et Célinia vivaient fort vertueusement ; lorsqu'ils furent très avancés en âge et n'attendaient plus d'enfants, un fait singulier se produisit : un vieux solitaire des environs de Laon, appelé Montan, était aveugle ; il priait dans sa retraite, durant les heures que sa cécité faisait paraître plus longues ; il suppliait le Seigneur de venir en aide à son Eglise et à ses fidèles, dans la grande misère du temps ; un jour, il s'endormit et Dieu lui fit connaître, en songe, la venue prochaine d'un homme qui mettrait fin aux maux de l'Eglise, en gagnant par son zèle les Francs à l'Evangile. Il lui fût prescrit d'aller annoncer à Célinia qu'elle était destinée à mettre au monde le nouvel apôtre, auquel le nom de Remy devait être donné.

Montan se demandait ce qu'il fallait penser de ce songe, qui se renouvela trois fois ; il se décida, alors, à faire part à Célinia des desseins que Dieu lui avait manifestés à son sujet. Grande fut la surprise de cette femme ; mais sa foi en la toute-puissance divine dissipa, chez elle, toute crainte ; elle accepta la mission qui lui était confiée et saint Remy naquit. Montan, ainsi qu'il l'avait prédit également, recouvra la vue en se lavant les yeux avec quelques gouttes du lait qui nourrissait l'enfant.

Saint Remy grandit et se fit remarquer par ses vertus et sa science ; il fut envoyé à Reims, à l'école fondée par les Empereurs romains, y obtint des succès et fut considéré comme l'un des orateurs les plus brillants de son époque. Cependant, Remy aimait la méditation et la solitude ; on dit même qu'il se retira dans un lieu désert ; mais l'heure providentielle allait sonner pour lui : l'Eglise des Gaules attendait son libérateur.

L'Evêque de Reims, Bennade, venait de mourir, laissant vacant le siège épiscopal ; le clergé et le peuple se réunirent
pour choisir un nouveau titulaire ; le nom de Remy fut prononcé à l'unanimité. On se porta vers sa retraite pour lui signifier le choix qu'on venait de faire en sa personne ; mais Remy se récusa, ne voulant pas accepter les hautes dignités sacerdotales: La multitude insista et le Ciel, lui même, intervint en l'occurrence, pour appuyer les désirs du peuple et manifester les desseins de Dieu : le front du jeune élu rayonna de lumière céleste et une huile sainte se répandit miraculeusement sur sa tête et sur son visage... A cette vue, l'enthousiasme de la foule redoubla et Remy ne crut pas devoir se dérober plus longtemps à la volonté divine, si extraordinairement manifestée... Les prélats et la province confirmèrent son élection et le sacrèrent comme Evêque de Reims.

La ville rémoise n'eut qu'à se féliciter de son nouveau Pontife ; plein de science, il traitait de tout avec une remarquable habileté et, rempli de vertu, semait les miracles sur son chemin. Il serait trop long de les relater ici ; nous n'en citerons qu'un seul, qui laisse présager celui de l'apparition de la Sainte Ampoule.

Saint Remy avait préparé au baptême un idolâtre qui, se trouvant gravement malade, dût recevoir tout de suite le sacrement régénérateur ; le temps pressait ; l'Evêque envoya chercher l'huile des catéchumènes ; mais le vase qu'on lui apporta était vide... L'apôtre se mit alors en prières et il fut immédiatement exaucé ; aussitôt, le vase se trouva rempli d'huile et le malade fut même guéri après la réception du saint baptême.

La renommée du thaumaturge s'étendit au loin et on lui amenait, de toutes parts, des infirmes, des possédés : Remy ressuscita même des morts.

Tel fut le serviteur que Dieu avait préparé à la Gaule. (cf. les écrits de A. HAUDECŒUR. Saint Remy, évêque de Reims, apôtre des Francs).

CLOTILDE - SAINTE-GENEVIEVE

Clovis n'avait que quinze ans lorsqu'il succéda à son Père Chilpéric ; la première guerre qu'il eût à soutenir fut la lutte contre Syagrius, qu'il vainquit à Soissons ; l'effet de cette victoire fut immense ; avec un sens politique remarquable, Clovis sut, par des ménagements et des égards, se concilier la bienveillance de l'Evêque de Reims. Ce fut son premier contact avec saint Remy.

Clovis reprit bientôt les armes ; il alla jusqu'à Nantes ; ensuite, il batailla contre les Thuringiens, sur le Rhin. Ses pérégrinations lui permirent d'entrer partout en relation avec les Evêques gallo-romains, dont il appréciait les vertus et les bienfaits. Au contact de ces saints personnages, un monde nouveau se révélait à lui et il est certain que cela pesa dans sa décision d'épouser une princesse chrétienne.

Il jeta les yeux sur Clotilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes bien que vivant parmi les ariens, cette princesse catholique avait une réputation de haute vertu. A peine fut-elle montée sur le trône des Francs qu'elle profita de son élévation pour la faire servir à la gloire de Dieu et pour préparer insensiblement son royal époux à renoncer au culte des idoles.

Sainte Geneviève, amie de Clotilde, la secondait puissamment. Saint Remy, qui n'était pas, croit-on, étranger au mariage, envoyait à Clovis des avis dont la sagesse étonnait le souverain mais, celui-ci demeurait encore païen.

L'APPEL

Les indigènes de la Gaule n'avaient aucune hostilité préconçue contre les Francs ; dégoûtés de l'empire romain, démembré et corrompu, ils aspiraient à la paix dans l'ordre matériel et moral, et voyaient plutôt dans les Francs des libérateurs que des conquérants.

De leur côté, les Francs, poussés par un providentiel besoin d'action civilisatrice (qui peut surprendre de la part de ces païens rompus aux rudes combats entre peuplades voisines), ne venaient pas avec l'intention d'envahir, de piller, de partager la Gaule, mais simplement pour la soumettre à leur Roi. Ils sentaient instinctivement les besoins des populations gallo-romaines ; cette nuance dans la façon de comprendre la conquête est tout à fait significative. En Gaule, tous eurent de l'indulgence : le peuple, les Evêques, les chrétiens.

Avant même que leur vocation leur fût signifiée, les Francs en avaient reçu l'intuition et il est permis de considérer ce fait (unique à cette époque parmi les peuples conquérants) comme un appel collectif en faveur de la vocation future. De leur côté, les évêques gallo-romains faisaient preuve d'une égale perspicacité, en préférant ces conquérants païens, mais pacifiques, aux Wisigoths hérétiques.

Lorsqu'on étudie ces faits anciens, on est surpris de constater à quel point le "climat favorable" existait et enveloppait Clovis, ainsi que ses guerriers, à mesure qu'ils avançaient sur notre sol.

Déjà, Chilpéric, père de Clovis, s'était montré respectueux de l'idée chrétienne ; il estimait le clergé et avait créé des liens de sympathie entre les populations gallo-romaines et la famille mérovingienne. Aussi, lorsque Clovis lui succéda, les catholiques aspirèrent à l'avoir pour chef.

Saint Remy se fit l'écho de tous lorsqu'il écrivit au jeune chef franc la lettre célèbre ; en le félicitant de son avènement, il lui donnait de paternels conseils et de chrétiennes exhortations. En voici des extraits

«Encouragez votre peuple ; relevez les affligés ; protégez les veuves, nourrissez les orphelins, faites que tout le monde vous aime et vous craigne. Avec ce que votre Père vous a légué de richesses, rachetez les captifs et délivrez-les du joug de la servitude. N'attendez rien des pauvres ni des étrangers, et ne vous laissez point offrir des présents par eux. Que votre Tribunal soit accessible à tous, que nul le quitte avec la tristesse de n'avoir pas été entendu... Vous devez vous entourer de conseillers qui puissent vous faire honneur... Montrez-vous plein de déférence pour vos Evêques et recourez toujours à leurs avis. Si vous vous entendez avec eux, votre pays s'en trouvera bien».

Ainsi parlait l'Eglise au futur fondateur de la monarchie franque ; ces lignes ne pouvaient qu'impressionner favorablement le jeune chef qui voyait successivement les pays passer sous son influence.

Le territoire situé au nord de la Seine ne fut pas conquis selon les rigueurs du droit de guerre, ni annexé, mais volontairement soumis à l'obédience de Clovis. Les indigènes restèrent en possession de leurs biens et les Francs qui voulurent s'établir dans ces contrées n'eurent pas besoin de dépouiller les habitants ; les terres du fisc, les domaines abandonnés leur furent attribués. La conquête n'avait consisté qu'à fondre les Francs avec les populations gauloises et à en faire un seul peuple.

C'est là la grande idée de Clovis et le mobile de sa politique. Les territoires compris entre la Seine et la Loire furent gagnés de la même façon. L'Armorique fut conquise à l'aide de mariages entre les deux peuples et on comprendra mieux comment, par sa conversion, la tribu franque amènera plus tard celle des habitants placés sous sa protection. Clovis avait conquis un immense prestige, non seulement dans les Gaules, mais au-delà.

A cette époque, eut lieu le mariage du jeune conquérant avec Clotilde, princesse chrétienne ; les historiens font remarquer qu'aucune idée de conversion n'effleurait encore l'esprit de Clovis ; son mariage révèle surtout l'intention d'entrer tout à fait dans les bonnes grâces de l'Eglise, en vue de s'en faire une alliée ; les talents politiques entrent seuls en jeu à cette date. Mais, le jeune roi allait avoir bientôt à donner sa mesure ; l'heure de Dieu approchait pour lui ; inconscient de la destinée glorieuse qui l'attendait, il lui fallait la mériter...

L'EPREUVE

A peine mariée, Clotilde s'employa avec zèle à lui représenter les beautés de la religion chrétienne et sa supériorité sur toutes les croyances d'origine humaine.

Il ne paraît pas que Clovis se soit laissé convaincre ; mais son épouse ne se décourageait pas pour autant... Elle crut avoir trouvé la bonne occasion lorsque, après la naissance de son premier enfant, Ingomer, il fallût le baptiser.
Clotilde prépara une cérémonie grandiose pour le baptême, auquel furent conviés de nombreux Evêques ; l'Eglise fut ornée de tentures ; mais, si la grandeur du culte et la pompe qui l'entourait ravirent le souverain, la mort d'Ingomer, au lendemain du baptême, changea en fureur les sentiments du malheureux père, qui s'écria : «Ah ! mon enfant vivrait encore s'il avait été consacré à mes dieux ; mais, baptisé au nom de votre Dieu, comment pouvait-il vivre ?»
Clotilde, surmontant sa douleur, essaya de lui faire comprendre que la mort, dans ces conditions, était l'entrée assurée au Paradis pour leur fils.

Lorsque naquit le second enfant, Clodomir, Clovis consentit encore au Baptême ; mais l'enfant, comme son aîné, tomba malade et fut en danger.

«J'en étais certain, dit le père, il en sera de lui comme de son frère : il a été baptisé, il mourra».
Cependant, Clotilde pria pour obtenir la guérison du bébé, qui survécut ; et c'est sans doute à cette occasion que Clovis se rendit compte de l'efficacité de la prière adressée avec foi et confiance au vrai Dieu.
Il ne s'en produisit pas moins, dans l'âme paternelle, une réaction violente, un retour vers le culte national aux faux dieux ;
Clovis prenait ici sa revanche et paraissait, moins que jamais, disposé à embrasser la religion chrétienne.

Il y eût certainement lutte entre la grâce et la volonté du chef franc ; les miracles qu'il voyait s'accomplir au tombeau de saint Martin l'impressionnaient malgré lui ; nous devons ces détails à saint Nizier, de Trêves, d'après les souvenirs de sainte Clotilde ; ce témoignage de saint Nizier est le plus ancien que nous ayons sur la conversion de Clovis.


Dernière édition par Hercule le Mer 23 Mar - 8:28, édité 4 fois
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Message par Her Dim 20 Mar - 0:09

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 1 / 2)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE DEUXIEME : LA CONVERSION

Lors de la guerre contre les Alamans, les historiens rapportent que c'est d'abord aux idoles que Clovis s'adressa pour obtenir la victoire ; mais, au lieu du succès espéré, ce fut la défaite qui s'annonça, avec la honte et la servitude ; le jeune guerrier ressentit plus que tout autre la tristesse de cette éventualité, à la suite des conquêtes brillantes auxquelles il était habitué. Nous pouvons nous imaginer le travail secret qui se fit dans cette âme encore barbare et deviner qu'il lui fallut un certain courage pour renoncer tout d'un coup aux croyances de sa race et invoquer, cette fois, le Dieu de Clotilde. La Providence n'attendait que cet acte de foi et de soumission pour ouvrir, toutes grandes les richesses de sa miséricorde. Ce fut, à n'en pas douter, un déluge de grâces (auquel les prières de Clotilde et de saint Remy n'étaient pas étrangères) qui inonda l'âme de Clovis au moment solennel de la conversion.

Il apparaît même que le vainqueur eut, à la fois, conscience de son adhésion à la foi du Christ et de sa vocation de Chef d'un peuple prédestiné.

Il faut distinguer deux choses dans le revirement de Clovis : la conversion proprement dite et la vocation de chef d'une nation missionnaire ; il n'est pas exact que le rôle civilisateur de notre patrie découle inévitablement du baptême du roi ; ce serait donner au Sacrement des conséquences qu'il n'a pas. Le Baptême engage seulement, en conscience, le baptisé à servir Dieu et à lui demeurer fidèle jusqu'à la mort. Ainsi, la conversion de Constantin, non seulement n'entraîna pas celle du peuple romain, mais ne parvint pas même à supprimer tout à fait le culte impérial.

Cette observation marque bien la différence qui existe entre la "conversion" et la "vocation" ; c'est en cette vocation, pleinement reconnue et acceptée, que consiste le "Pacte de Reims" ; nous en reparlerons plus loin.

LA RATIFICATION PAR L'AUTORITE ECCLESIASTIQUE

Il ne suffit pas qu'un attrait marqué se manifeste en faveur d'une vocation déterminée ; il faut, en outre, que la véracité de l'appel soit reconnue par l'autorité responsable ; c'est "l'élection", point principal sans lequel l'aspirant ne peut être sûr de sa voie.

Aussitôt après sa conversion, Clovis avait voulu se faire initier à la doctrine chrétienne par saint Waast. C'est donc déjà bien instruit que le royal néophyte arriva à Reims, où l'attendait Clotilde et saint Remy. Le prélat fixa la cérémonie à la nuit de Noël, toute proche.

Après avoir tout disposé pour ce grand événement, Remy acheva de préparer Clovis dans l'Oratoire de Saint-Pierre, quelques heures avant minuit.

LE BAPTEME

«Quand un homme providentiel atteint sa plénitude, le milieu où il doit agir l'invite à se produire ; les circonstances vont au-devant de lui ; de la même main qui crée les génies et les applique à son œuvre, Dieu conduit les événements où ils doivent prendre place. Entre le cours des uns et l'évolution des autres, c'est une harmonie préétablie, la même heure marque leur maturité» (Père Didon, Vie de Jésus, I, p. 108).

Empruntons à Grégoire de Tours la relation du Baptême de Clovis et de trois mille de ses guerriers :

«Remy, exactement informé par Clotilde des dispositions du Roi, achevait de l'instruire de toutes les vérités du christianisme et le pressait de déclarer enfin sa conversion. «Père très Saint, lui répondit Clovis, je suis prêt ; pourtant, une considération me retient encore : le peuple qui me suit ne veut pas qu'on abandonne ses dieux. Je vais convoquer les Francs et leur parlerai dans le sens de vos instructions». L'assemblée eut lieu. Sans doute le projet royal était-il connu de tous, car, avant même que Clovis eût pris la parole, aussitôt qu'on le vit paraître, une acclamation générale se fit entendre : «Pieux Roi, nous laissons les dieux mortels et nous voulons adorer le Dieu immortel de l'Evêque Remy».
«Le bienheureux Evêque Remy, en apprenant cette décision nationale, fut rempli d'une grande joie ; il prépara tout pour le baptême solennel». (Grégoire de Tours. Hist. Franc., lib. II. Cap. XXI. Patr. lat. tom. LXXI, col. 226).
Hincmar donne d'intéressants détails sur la veillée dont nous avons parlé précédemment.

«Dans la soirée qui précéda la cérémonie du baptême, le saint et vénérable Remy passa quelques heures en prières devant l'autel de l'Eglise Sainte-Marie, pendant que la reine Clotilde priait elle-même dans l'Oratoire de Saint-Pierre, à proximité de la demeure royale. Après ses oraisons, le Pontife se rendit près du Roi, voulant profiter du silence de la nuit pour donner ses dernières instructions au néophyte couronné. Les chambellans lui ouvrirent les portes et l'introduisirent près de leur maître. Clovis s'avança à sa rencontre, l'embrassa et le conduisit près de la reine, dans l'Oratoire de Saint-Pierre. On déposa des sièges pour le roi, la reine, les clercs qui avaient accompagné le Pontife et un certain nombre de serviteurs du palais, seuls témoins de cette scène imposante.

«Remy, dans une allocution paternelle, résuma pour la dernière fois les instructions évangéliques des jours précédents. Pendant qu'il parlait, une lumière céleste éclata soudain dans l'Eglise, effaçant la lueur des cierges allumés, et une voix se fit entendre qui disait : «La paix soit avec vous ! C'est Moi, ne craignez point persévérez dans mon amour».

«Après ces paroles, la lumière surnaturelle disparut et un parfum d'une suavité céleste se répandit dans l'enceinte. Le roi et la reine se précipitèrent aux genoux du saint Pontife, en versant des larmes d'émotion et de joie. L'homme de Dieu, illuminé par l'Esprit prophétique, leur tint ce langage :

«Votre postérité gouvernera noblement ce royaume ; elle glorifiera la sainte Eglise et héritera de l'empire des Romains. Elle ne cessera de prospérer, tant qu'elle suivra la voie de la vérité et de la vertu. Mais la décadence viendra par l'invasion des vices et des mauvaises mœurs. C'est là, en effet, ce qui précipite la ruine des royaumes et des nations».

«En parlant ainsi, le visage de l'Evêque resplendissait de gloire, comme autrefois celui de Moise; le législateur évangélique des Francs avait une auréole semblable à celle du chef des Hébreux». (Hincmar, Vie de Saint Remy, chap. XXXVII. Pat. lat. tom. CXXV., col. 1158).

«Cependant, continue Hincmar, le parcours, depuis la demeure royale jusqu'au baptistère de l'Eglise, avait été tendu de tapisseries et de guirlandes ; les rues étaient couvertes de riches étoffes ; le portail de la basilique étincelait de mille feux ; on brûlait des parfums qui embaumaient l'atmosphère. Clovis dit au Pontife qui le tenait par la main : «Père Saint, est-ce là le Royaume de Dieu que vous m'avez promis ? - Non, répondit l'Evêque; c'est l'entrée du che-min qui y conduit» (Hincmar, Vie de Saint Remy, chap. XXXVII. Pat. lat. tom. CXXV, col. 1158)

«Tous les assistants, dit Grégoire de Tours, partageaient l'admiration du Roi et croyaient entrevoir la splendeur du Paradis. Nouveau Constantin, Clovis s'approcha de la piscine baptismale, non pour y être purifié de la lèpre maté-rielle, mais de la lèpre du péché. Il demanda au Pontife le sacrement de la régénération. Remy, avec cet à-propos qui le caractérisait, lui dit : "Courbe doucement la tête, fier Sicambre ; adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as ado-ré !" (Grégoire de Tours, Hist. Franc., liv. II, cap. XXI).

«Avec le Roi, les membres de sa famille, les chefs francs et une multitude de 3.000 soldats remplissaient le bap-tistère ; or, reprend Hincmar, il advint que le clerc chargé de porter le Saint-Chrême, avait été séparé par la foule, sans pouvoir arriver près de la piscine sacrée. Le Pontife, après avoir béni l'eau régénératrice, demanda le Chrême pour l'y mêler, selon l'usage. Il ne s'en trouva point. L'affluence était telle qu'il fût impossible de fendre les flots serrés du peuple. Remy, les yeux et les mains levés au ciel, se mit en prière.

«Soudain, une colombe au plumage blanc comme la neige s'approcha de lui ; elle tenait dans son bec une petite ampoule pleine de Saint-Chrême ; le Pontife l'ouvrit : il s'en exhala une odeur délicieuse. La colombe disparût au même instant et le vénérable Evêque répandit l'huile sainte dans la piscine baptismale». (Hincmar, Vie de Saint Remy, chap. XXXVIII. Pat. lat. t. CXXV. Col. 1160)

Après avoir confessé sa foi à la Sainte Trinité, Clovis fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et reçut l'onction du Chrême en forme de croix. Albofiède, l'une de ses sœurs, reçut également le sacrement de régénération ; Lanthilde (ou Lantéchilde), une autre sœur, déjà baptisée, professait l'arianisme ; elle fit son abjuration en ce jour et reçut de Saint Remy l'onction du Chrême (25 décembre 496).

Le monde catholique put se réjouir ; saint Avit chanter la nuit de Noël, saluer le grand arbitre providentiel des peuples, prédire les incomparables destinées de la nation choisie ; le Pape Anastase, s'applaudir de voir son pontificat inauguré par une si belle conquête et l'Eglise fortifiée par le fer indestructible de cette nouvelle colonne. (nous citons un peu plus loin la lettre du Pape Anastase, au chapitre du "Sacre").

Une révolution complète s'opéra dans l'âme de Clovis ; ses progrès dans la vie chrétienne et dans la voie de la vertu seraient à peine croyables, s'ils n'étaient attestés par les plus respectables témoignages.
«Mais, si les catholiques de ce temps applaudissaient à la détermination de Clovis, les ariens, en grand nombre dans les Gaules, ne dissimulaient pas leur mécontentement. Saint Avit, Evêque de Vienne et, comme tel, sujet de Gondebaud, écrivit au Roi des Francs la lettre suivante :

«Laissez les partisans de l'hérésie et du schisme exhaler leurs plaintes inutiles. Votre choix règle le jugement des autres; la foi que vous avez confessée est notre victoire. La plupart de ceux que nous pressons d'embrasser cette foi sainte de Jésus-Christ ne manquent jamais de nous opposer les traditions et les coutumes de leurs pères. Un respect mal entendu pour les usages des aïeux leur ferme les portes du salut et les retient dans l'infidélité. Mais, après l'écla-tant miracle dont nous venons d'être témoins, tous les scrupules de ce genre doivent disparaître. Vous n'avez voulu tenir des rois, vos aïeux, que la noblesse du sang ; tout le reste de ce qui fait la gloire d'un grand prince vient de vous-même et rejaillira de vous sur vos pères. S'ils ont fait de grandes choses, vous en avez fait de plus grandes encore. Ils vous ont appris à régner sur la terre, vous apprenez à vos descendants à régner dans le Ciel...

«...II convenait que l'eau baptismale vous enfantât pour le salut à l'heure même où le Sauveur du Ciel voulut naî-tre pour la rédemption du monde. Donc, le Noël du Seigneur est aussi le Noël des Francs ; vous êtes né au Christ le jour où le Christ est né pour vous. En ce jour, vous avez consacré votre âme à Dieu, votre vie au bonheur des hom-mes, votre gloire à la postérité...

«Je ne puis former qu'un seul vœu, c'est que, non content de conquérir à Jésus-Christ votre nation tout entière, vous puissiez étendre ce bienfait aux peuples encore idolâtres de la Germanie ; ne dédaignez point de leur envoyer, à ce sujet, des ambassadeurs et de contribuer à l'extension du règne d'un Dieu, qui a tant glorifié le vôtre. Tout retentit de vos triomphes. Vos sujets ne sont pas seuls à y prendre part. Votre prospérité nous touche nous-même et nous sommes réellement vainqueurs toutes les fois que vous combattez». (Extraits lettre de saint Avit, P. lat. Tome LIX, col: 257-259, épist. XLI).

Ces paroles magnifiques expriment bien l'idée que se faisait l'épiscopat de l'époque du rôle missionnaire dévolu à la nation franque et ne fait que mieux ressortir le caractère antinational du sectarisme et de l'impiété.


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:13

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 1 / 3)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE TROISIEME : LE SACRE

Presque tous les historiens qui ont relaté les faits de Reims ont remarqué l'analogie des prérogatives accordées autre-fois à la tribu de Juda et celles qui furent octroyées à notre peuple depuis 496. Il est intéressant de constater qu'effecti-vement, si les Juifs furent choisis, dans l'Ancien Testament, pour conserver la "promesse"; les Francs sont désignés pour accomplir "les gestes".

«Le baptême de Clovis et de la nation franque marque dans notre histoire un point de départ et une destinée : la vocation de la France.

«L'Eglise avait besoin d'une nation qui fût le point où son cœur battait son plein, d'un peuple au milieu duquel sa conscience aimerait à s'incarner. Aussi, quand elle vit Clovis et ses leudes plongés dans la cuve baptismale, lors-qu'elle entendit retentir la clameur immense des Francs, saluant "Roi" le Christ, ses entrailles tressaillirent et elle s'écria : "Voilà ma fille aînée !» (Chanoine Cerf, Reims chrétien. Baptême de Clovis. Bulletin des Fêtes du 14è Cente-naire, 15 Nov. 1895)

Une allégresse générale, dans le monde chrétien de l'époque, accueillit la nouvelle de la conversion de l'élite des Francs. Le Pape Saint Anastase exprima sa joie en termes pleins d'espérance il écrivit au royal converti :
«Glorieux Fils, votre avènement à la foi chrétienne coïncide avec le début de notre pontificat et nous apporte une joie immense. Le siège de Pierre tressaille d'allégresse, en voyant la multitude des nations remplir le filet que le pé-cheur d'hommes, le porte-clef de la Jérusalem céleste, a reçu mission de jeter dans le monde : Nous adressons à vo-tre sérénité le prêtre Eumérius, qui vous transmettra nos félicitations, afin que, connaissant la joie du Père, vous la confirmiez par vos œuvres, que vous deveniez notre couronne et que l'Eglise, votre Mère, s'applaudisse des progrès du grand Roi, qu'elle vient d'enfanter à Dieu.

«Soyez, glorieux et illustre fils, la joie de votre Mère et son rempart inexpugnable. Nos malheureux temps ont vu bien des défections ; notre barque est assaillie, comme dans une tempête, par la malice et la perfidie des hommes. Mais nous espérons contre toute espérance et nous adressons nos hymnes d'action de grâces au Seigneur Jésus, qui vous a arraché à la puissance des ténèbres. En donnant à l'Eglise un roi tel que vous, Il lui envoie un protecteur ca-pable de la soutenir et de la défendre. Courage donc, glorieux et bien-aimé fils ! Que le Dieu tout-puissant daigne étendre le secours de son bras sur votre Sérénité et sur votre royaume ; qu'Il ordonne à ses anges de vous garder dans toutes vos voies et vous accorde la victoire sur vos ennemis s. (Saint Anastase, II. Epist. ad. Cludoirchum regem ; Labbe. Concile, Tome IV, col. 1282-1283).

On ne peut exprimer plus clairement que l'on reconnaissait le rôle providentiel de la nation nouvellement baptisée. M. de la Franquerie explique, dans son volume (La Mission divine de la France, p. 50 et sv), de façon très détaillée, la céré-monie du sacre et sa signification ; nous n'en citerons ici que des extraits :

«Jésus-Christ, Roi des rois, est le principe de toute royauté, puisque tout pouvoir émane de Lui, comme Dieu. Il est le modèle parfait des rois de la terre ; Il est Roi par droit héréditaire, comme Fils de Dieu, et sa souveraineté est in-finie, son pouvoir absolu. Il est Roi par le Sacre, par l'onction : Dieu vous a oint d'une huile de joie au-dessus de ceux qui ont été sacrés comme vous s (Ps. XLIV) et c'est «Dieu son Père qui le consacre de sa propre main», personne n'étant digne de sacrer le Christ...

«Mais, le Christ ne pouvait descendre que d'une famille royale, aussi Dieu le Père établit-il la royauté sur Israël... et Dieu fit choix de la maison d'Isaïe ; mais, avant de faire monter sur le trône cette Maison, il veut que les exemples et les fautes d'un Roi d'une autre race lui servent d'exemple, et ordonne au Grand Prêtre Samuel de sacrer Saül.
«Samuel prit une petite fiole d'huile qu'il répandit sur la tête de Saul et le baisa, et lui dit : «C'est le Seigneur qui, par cette onction, vous sacre prince sur son héritage. En même temps, l'Esprit du Seigneur se saisira de vous et vous serez changé en autre homme».

«Le Livre des Rois constate que «Dieu lui changea le cœur et lui en donna un autre».

«Ainsi, il n'est pas nécessaire que le Roi soit un homme de génie, puisque Dieu, par le Sacre, supplée aux quali-tés qui lui manquent. Le sacre est le lien qui unit le Roi à Dieu et le canal par lequel la puissance, l'assistance et le rayonnement de la majesté divine se communiquent au souverain au moment où il devient "l'oint du Seigneur"...

«...Cette étude sur le Sacre sous l'ancien testament n'était pas inutile pour mieux éclairer celle du Sacre des Rois de France, car les leçons qui s'en dégagent s'appliquent également à l'ère chrétienne».

LA SIGNIFICATION DU SACRE

«Le Roi prenait possession de son trône le jour du Sacre. Jésus-Christ lui conférait, dans la basilique de Reims, l'investiture du Royaume. II recevait du prélat consécrateur, avec le caractère royal, les aptitudes au gouvernement; nous les appelons : les devoirs d'état. Un caractère sacré s'imprimait sur toute la personne royale et en faisait un être à part, un consacré. Le peuple chrétien le prenait pour "l'élu de Dieu", l'oint du Seigneur. De son côté, le souverain ac-ceptait sa fonction comme un mandat; il régnait au nom du Tout-Puissant, en vertu d'une délégation officielle.

«Un lien religieux se formait, de plus, entre le Roi et son Royaume... leur union devenait ainsi plus forte et plus féconde. Le Roi appartenait à la France et la France appartenait au Roi...

«...L'Église, en consacrant cette union, lui donnait un nouveau droit au respect public ; ceux qui auraient tenté de le rompre se seraient rendus coupables d'un sacrilège. Le sacre faisait du prince un homme ecclésiastique; sa souve-raineté apparaissait comme une fonction sainte». (D'après Dom Besse, Eglise et Monarchie, chap. 8, p. 240).

Il faut remarquer que les autres nations reconnaissaient le caractère religieux des Rois de France et le manifestaient par des égards particuliers ; c'est ainsi que les ambassadeurs français avaient le pas sur ceux des autres pays ; en Eu-rope, lorsqu'on parlait du Roi de France, on disait simplement : le Roi. La cérémonie du Sacre comporte des prières et consécrations spéciales en faveur des souverains français.

La Providence, non contente d'envoyer du Ciel la Sainte Ampoule pour le baptême et le Sacre de Clovis (et, après lui, pour le sacre de tous les Rois légitimes de France), accorda aux souverains de notre pays le privilège insigne de guérir les écrouelles ; ce privilège: se manifestait dès la cérémonie du sacre terminée. Nous en parlerons plus loin.
Les preuves abondent pour affirmer qu'un caractère spécial est accordé au titre de Roi de France légitimement confé-ré par l'Eglise.

LA CEREMONIE DU SACRE

Avant le Sacre, des prières publiques sont ordonnées dans le Royaume ; le prince jeûne trois jours et se confesse avant de communier à la Messe du sacre. Dès son arrivée à l'Eglise, le Roi est mis sous la protection de l'Archange Saint Michel : «Voilà que je vais envoyer mon ange devant vous pour vous garder. Si vous écoutez mes paroles et si vous les observez, je serai l'ennemi de vos ennemis et j'affligerai ceux qui vous affligeront et mon Ange marchera devant VOUS».
Le grand Prieur de Saint Remy remet ensuite la Sainte Ampoule au Prélat consécrateur : «Monseigneur, je remets en-tre vos mains ce précieux Trésor envoyé du Ciel au grand saint Remy pour le sacre de Clovis et des Rois ses succes-seurs».
Le Consécrateur prononce l'Oraison suivante : «Prions Dieu tout puissant et éternel qui, par un effet de votre bonté avez voulu que la race des Rois de France reçut l'onction sainte avec le baume, qui est ici présent et que vous avez en-voyé du Ciel au saint Evêque Remy, faites que notre Roi, votre serviteur, ne s'écarte jamais de votre service et qu'il soit délivré par votre miséricorde de toute infirmité, par Notre Seigneur».

Le Roi prête alors le serment suivant : « «Je promets de conserver à chacun de vous (les Evêques) et aux Eglises qui vous sont confiées, les privilèges canoniques, les droits et la juridiction dont vous jouissez, et de vous protéger autant que je le pourrai, avec le secours de Dieu, comme il est du devoir d'un Roi dans son royaume de protéger chaque Evê-que et Eglise qui est commise à ses soins».

C'est maintenant au tour du peuple d'accepter son souverain ; lorsqu'il a fait connaître sa volonté, le Roi s'engage, la main sur l'Evangile :

«Je promets, au nom de Jésus-Christ, au peuple chrétien qui m'est soumis : premièrement, de faire conserver en tout temps, à l'Eglise de Dieu, LA PAIX PAR LE PEUPLE CHRÉTIEN.

«D'empêcher les personnes de tous rangs de commettre des rapines et des iniquités, de quelque nature qu'elles soient. De faire observer la justice et la miséricorde dans les jugements, afin que Dieu, qui est la source de la clé-mence et de la miséricorde, daigne le répandre sur moi et sur vous aussi.

«De m'appliquer sincèrement et selon mon pouvoir à expulser de toutes les terres soumises à ma domination, les hérétiques nommément condamnés par l'Eglise.
«Je confirme, par serment, toutes les choses énoncées ci-dessus : qu'ainsi Dieu et ses saints Evangiles me soient en aide».

Il s'agit là d'une véritable constitution, basée sur la Loi salique, dont nous allons dire un mot au chapitre suivant.
Après le serment, le souverain se prosterne tout de son long, tandis que les évêques, le clergé, le peuple fléchissent le genou. C'est la France entière qui est représentée là !

Avant de procéder à l'onction du Sacre, le Consécrateur remet l'épée entre les mains royales, en prononçant une oraison spéciale. Ensuite, a lieu la préparation du Saint-Chrême, pendant laquelle le chœur chante les versets suivants, qui affirment que c'est le Saint-Esprit qui est venu en personne apporter le baume destiné au Sacre des Rois de France.
«Le Bienheureux Remy, ayant pris de ce baume céleste, sanctifia d'une grâce sans fond la race illustre des Français, en même temps que leur noble Roi et les enrichit de tous les dons du Saint-Esprit, qui par l'effet d'une grâce singulière, apparût sous la forme d'une colombe et donna ce baume divin au Pontife».

Enfin, voici le Sacre : «Je vous sacre Roi avec cette huile sanctifiée, au nom, du Père, du Fils et du Saint-Esprit».

Le Prélat remet ensuite la main de justice, puis procède au Couronnement :
«Recevez la Couronne de votre Royaume, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
«Comprenez qu'elle symbolise la gloire de la sainteté, l'honneur et la force de la puissance ? N'oubliez point que, par elle, vous participez à notre ministère. Si nous sommes les pasteurs et les recteurs des âmes, chargés de leurs besoins intérieurs, soyez dans les choses extérieures, le véritable serviteur de Dieu. Assistez vaillamment la sainte Eglise contre toutes les adversités. Acquittez-vous utilement de la fonction royale que vous avez reçue de Dieu et qui vous est remise par le ministère de notre Bénédiction, au nom des apôtres et de tous les Saints».
Suivent encore quelques prières et celle-ci, adressée à Dieu plus directement :

«Soyez son aide et sa protection dans toutes les occasions, ainsi que de ceux en faveur de qui il vous implorera».
Le pouvoir de guérir les écrouelles découle de cette dernière phrase ; ce miracle n'était possible au Roi qu'autant qu'il était en état de grâce et venait de recevoir la Sainte Communion. Le roi touchait alors les malades et les embrassait en disant : «Le Roi te touche, Dieu te guérisse».

Ces différentes cérémonies montrent suffisamment que le Sacre conférait aux Rois de France un certain caractère sacerdotal et religieux, qu'on ne retrouve pas dans le cérémonial des autres nations.
La Sainte Ampoule, le pouvoir de guérir les scrofuleux sont des marques divines destinées à ne laisser subsister au-cun doute quant à la vocation providentielle des Rois et du peuple français.

Dans le serment du sacre, le Roi contracte un engagement vis-à-vis de Dieu, de l'Eglise, de son peuple. Ce dernier est intimement mêlé à la cérémonie ; certaines prières unissent le souverain et ses sujets dans la demande de bénédic-tions célestes ; on ne peut mieux exprimer le lien étroit qui unit le monarque à son peuple ; ils font cause commune ; leur mission est la même.

Après le Sacre, l'oraison suivante affirme au monde entier la suprématie de la Royauté française, suprématie motivée par la grandeur de la mission qui lui est confiée par le Seigneur.
«Qu'il soit honoré PLUS QUE LES ROIS DES AUTRES NATIONS : qu'il règne heureusement sur ses peuples ; QUE LES NATIONS LE COMBLENT DE LOUANGES ET CÉLÈBRENT TOUTE SA MAGNANIMITÉ».

Le Prélat conduit alors le Roi jusqu'à son trône, récite une nouvelle prière ; puis, lorsque le souverain s'est assis :
«Prions Dieu, auteur ineffable du monde, créateur du genre humain, qui consolidez les trônes, qui avez choisi dans le sein de votre fidèle ami Abraham, le Roi qui devait venir dans le suite des siècles, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie... enrichissez de votre féconde bénédiction ce Roi insigne ET SON ARMEE ; fixez-le sur son trône inébranlablement, visitez-le, comme vous avez visité Moise dans le buisson ardent... Répandez sur lui cette bénédiction céleste et cette rosée de sagesse que le bienheureux David reçut... Soyez-lui, contre l'armée de ses en-nemis, une cuirasse un casque qui le garantisse de l'adversité, le sagesse qui le modère dans le prospérité, le bou-clier qui le protège sans cesse. Faites que ses peuples lui restent fidèles, que les grands vivent en paix, qu'ils s'atta-chent à la charité et s'éloignent de la cupidité : qu'ils observent le justice et la vérité dans leurs discours.

«Que ce peuple, chargé de le bénédiction éternelle, se multiplie sous son gouvernement ; que tous tressaillent dans le paix et la victoire. Que Celui qui vit et règne avec vous dans l'unité du Saint-Esprit. Dieu, dans tous les siècles des siècles, daigne nous exaucer. Amen».

On remarque, au début de cette Oraison, l'allusion faite au Patriarche Abraham, ainsi qu'au Messie promis et le rap-prochement qui existe entre le rôle de la royauté française et la mission du peuple juif : «Visitez-le, comme vous avez vi-sité Moise dans le buisson ardent...»

Or, Dieu a visité Moïse pour l'instruire de ses devoirs de Chef et législateur du peuple d'Israël, et lui donner les tables de la "Loi", que nous appelons les commandements de Dieu. Cette "visite" que l'Eglise demande au Seigneur est pour instruire le Roi de France de sa mission providentielle et lui donner les grâces d'état nécessaires à l'accomplissement de sa lourde tâche d'apôtre dans le monde entier. On ne peut nier qu'il y ait bien, effectivement, une similitude frappante en-tre le rôle des descendants d'Abraham et celui des successeurs de Clovis et de ses Francs.

Lorsque la cérémonie du Sacre est terminée, la messe continue ; le Roi communie sous les deux espèces ; la tradition rapporte que le calice dont il se sert est celui de saint Remy. Lorsque l'office est achevé, le Roi appartient à son peuple, qui l'acclame au cri de : «Noël ! Noël ! Vive le Roi !» (Cf. De la Franquerie, op. cit. chap., Le Sacre des Rois de France)
Pour la première fois, le souverain guérit les scrofuleux qu'on a amenés sur son passage ; les chroniqueurs racontent qu'à cette occasion, Louis XIV a guéri plus de deux mille malades !

Ces miracles étaient destinés à persuader le peuple que le Seigneur avait bien "ratifié" l'onction Royale, faite au moyen de la Sainte Ampoule.

On comprend mieux, après cela, que nos ancêtres aient témoigné un si fidèle attachement à leurs souverains, malgré les fautes de certains d'entre eux.

On saisit mieux, aussi, que les ennemis jurés de la religion aient tout fait pour détrôner la Royauté en France ; ils sa-vaient que des liens étroits l'unissaient à l'Eglise, dont elle était le soutien. Cette évidence faisait dire à un religieux capu-cin de Toulouse, le Père Marie-Antoine, que "la République, en France, c'est le diable !" (Voir à ce sujet, France, il faut revivre, du même auteur, chap. La Faillite d'un Idéal).

LA LOI SALIQUE

Empruntons à M. de Maricourt quelques explications détaillées sur la Loi salique. On appelle ainsi le recueil des an-ciennes coutumes des tribus franques, modifiées sous Clovis, après sa conversion, sanctionnées par les Mahls, et rédigé sous Dagobert dans la forme qui est parvenue jusqu'à nous.
On peut s'étonner qu'une législation aussi ancienne ait survécu au point qu'on pense à la consulter encore dès qu'il est question de Restauration monarchique. C'est que contrairement à d'autres coutumes anciennes, qui paraissent péri-mées, la Loi salique jouit d'une remarquable pérennité, précisément parce qu'elle fait partie intégrante du Pacte de Reims ; sur elle, est basé le contrat qui lie la France au Christ et le Christ à la France.
La Loi salique se divise en deux parties : le Prologue, qui contient le "Décret" ajouté par Clovis après sa conversion et l'ensemble des coutumes et dispositions légales et juridiques. Seuls, prologue et décret nous intéressent ils contiennent l'essentiel, qui donne aux lois proprement dites tout leur sens. En voici le texte intégral .
«La nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur, forte sous les armes, ferme dans les traités de paix, profonde en conseils ; noble et saine de corps, d'une blancheur et d'une beauté singulières ; hardie, agile et rude au combat, depuis peu convertie à la foi catholique, libre d'hérésie ; lorsqu'elle était encore sous une croyance barbare, avec l'inspiration de Dieu, recherchant la clef de la science, selon la nature de ses qualités, désirant la justice, gardant la piété ; la loi salique fut dictée par les chefs de cette nation qui, en ce temps, commandaient chez elle.
«On choisit, entre plusieurs, quatre hommes, à savoir : le Gart de Wise, le Gart de Bade, le Gart de Sale, le Gart de Winde, dans les lieux appelés Canton de Wise, Canton de Bade, Canton de Sale et Canton de Winde.
«Ces hommes se réunirent dans trois Mahls, discutèrent avec soin toutes les causes du procès, traitèrent de chacune en particulier et décrétèrent leur jugement en la manière qui suit :
«Puis lorsqu'avec l'aide de Dieu, Clovis, le chevelu, le beau, l'illustre Roi des Francs, eût reçu le premier le bap-tême catholique, tout ce qui, dans ce pacte, était jugé peu convenable fut amendé avec clarté par les illustres Rois Clovis, Childebert et Clotaire, et ainsi fut dressé le "décret" suivant :
«Vive le Christ qui aime les Francs ; qu'il garde leurs Royaumes et remplisse leurs chefs de la lumière de la grâce ; qu'il protège leurs armées ; qu'il leur accorde des signes qui attestent leur foi ; les joies de la paix et la félicité. Que le Seigneur Jésus-Christ dirige dans les voies de la piété les règnes de ceux qui gouvernent, car cette nation est celle qui, brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains et qui, après avoir reconnu la sainteté du baptême, orna somptueusement d'or et de pierres précieuses les corps de saints martyrs, que les Romains avaient brûlés sur le feu, mutilés par le fer ou fait déchirer par les bêtes féroces».
La suite de la loi salique est le code chrétien des Francs, les dispositions législatives et pénales.
Le plus illustre historien moderne de nos origines, Augustin Thierry, frappé du lyrisme superbe de ce début de la loi salique, d'une certaine cadence qui a subsisté à travers ses traductions successives, a dit que le prologue de la loi nou-velle n'était que la réminiscence littérale d'une ancienne chanson germanique (Lettres sur l'Histoire de France, lettre 6e). Cela est très possible, car nos ancêtres avaient coutume de conserver la tradition par le chant et la promulgation de la loi constitutionnelle était un événement assez important pour en faire le sujet d'un hymne national.
Le chant de la Genèse rythmait la marche des Hébreux vers la Terre promise. Rien de plus vraisemblable que les Francs marchassent à la conquête des sols gaulois, en chantant l'origine de leur nationalité !
Mais, ce que n'ont remarqué ni Augustin Thierry, ni le plus grand nombre de nos historiens, c'est la frappante analogie entre l'hymne franc et les hymnes de Josué et de Néhémias, célébrant les grandeurs du peuple d'Israël et les faveurs dont Dieu l'a comblé. Le même lyrisme, le même style pompeux traduisent le même enthousiasme. C'est que les hymnes d'Israël, comme l'hymne des Francs, précèdent le pacte solennel d'un peuple avec le Seigneur .
Si les historiens n'ont pas compris la loi salique, c'est parce qu'ils n'ont pas su distinguer du "prologue" lyrique pro-prement dit le "décret" ajouté par Clovis, dans la joie surnaturelle de sa conversion. Les termes de ce décret expriment un magnifique programme, qui surprend chez un barbare récemment converti ! On devine l'action puissante de la grâce divine inondant de lumière le chrétien généreux, qui a pris conscience de ce que Dieu attend de lui. Il y a là plus que du lyrisme et de la poésie ; il y a là le "fiat" du serviteur qui entend demeurer fidèle à sa mission ; il y a surtout tous les élé-ments du "pacte" qui lie à jamais le Christ et la nation française.
Et ce pacte, redit, chanté, conservé, respecté par les Francs au cours des siècles, témoigne de la façon la plus pro-bante que notre peuple a toujours fait sienne l'idée de Clovis et que, par l'intermédiaire de ses Rois, c'est sous la Royauté même du Christ qu'il entend demeurer. Le Souverain fait bien, ici, figure de "Lieutenant", puisque c'est au Christ qu'on demande de garder le Royaume, de remplir les Chefs de lumière et de grâce, d'accorder des signes qui attisent la foi.
Ces signes n'ont pas manqué et ceci explique toutes les manifestations surnaturelles dont notre pays a été favorisé. Le décret salique appelait la guérison des écrouelles, le miracle de Jeanne d'Arc, les apparitions du Sacré-Cœur, voulant à tout prix sauver la France qui se détourne de lui...
Le décret salique explique les faits marquants de notre Histoire et donne le pourquoi de notre décadence actuelle ; en rompant le pacte salique, la Révolution a "tari" la source officielle des grâces de choix qu'en vertu de ce même contrat le Christ "devait" nous octroyer lorsque nous lui étions fidèles.
On doit faire remarquer ici que les autres peuples ont aussi recours à Dieu dans la plupart de leurs cérémonies offi-cielles, dont celle du sacre de leurs souverains. De même, les infidèles, les tribus les moins civilisées, pratiquent des rites religieux et offrent des sacrifices à leurs idoles, au cours de leurs fêtes guerrières et nationales. Ceci prouve que l'homme, chrétien ou encore égaré dans les ténèbres du paganisme, éprouve l'irrésistible besoin d'une croyance supérieure et d'un idéal surnaturel.
Les autres nations catholiques invoquent également Dieu, la Sainte Trinité dans leurs cérémonies officielles, tandis que dans le "décret" ajouté après leur conversion, les Francs s'adressent d'une manière toute spéciale au Christ, qu'ils reconnaissent pour leur "Roi" véritable. On devine l'épanchement confiant des guerriers envers leur Chef divin, non seu-lement en tant que Chef spirituel, mais aussi dans l'ordre temporel. Ce fait est très caractéristique et explique le singulier attachement de nos Pères pour leurs souverains, malgré les défauts de certains d'entre eux ; ces monarques incarnaient véritablement, pour eux, le Christ, "Roi" véritable de la nation.
Il apparaît donc que la base fondamentale de la Constitution du royaume des Francs (qui sera la France) c'est la pro-clamation du "Christ", dans le domaine spirituel, social et privé. Bien avant que l'Eglise ait établi la fête officielle de la Royauté du Sauveur, la France l'avait reconnue et l'honorait tout au long de sa vie nationale. C'est une réalité que les his-toriens n'ont pas assez remarquée.
M. de Maricourt met parfaitement en lumière la compénétration de la vie du Christ dans notre existence nationale :
«La base de la constitution du Royaume des Francs, c'est la proclamation du Christ-Roi. Voilà ce que les Francs apportent au contrat ; ce que Notre Seigneur doit donner en retour, son "apport", en termes légaux, est nettement spécifié dans la rédaction, si complète dans sa concision et qui paraît être inspirée par le Saint-Esprit :
«Qu'il garde leurs royaumes et remplisse leurs Chefs de sa grâce». C'est la soumission de tous les pouvoirs ad-ministratifs, judiciaires, législatifs de la nation au Seigneur-Jésus, qui doit leur communiquer sa force, son autorité, son intelligence.
«Qu'il protège leurs armées», c'est confier au Christ la défense nationale, la garde de l'Etat.
«Qu'il leur accorde des signes attestant leur foi». C'est reconnaître au Seigneur la souveraineté sur tout l'ordre gouvernemental, en lui demandant de manifester son autorité par des signes qui rappellent à tous les pouvoirs, que toute autorité émane de lui et doit être exercée en son nom.
«Que le Seigneur Jésus dirige dans les voies de la piété les règnes de ceux qui "gouvernent", c'est proclamer la souveraineté du Christ sur les souverains ou les dépositaires de l'autorité suprême sur la France, et lui demander qu'ils observent, avec fidélité et exactitude, les clauses du pacte national, dont l'autorité qu'ils exercent les rend gar-diens.
«LE PACTE EXISTE DONC, par échange réciproque d'avantages nettement déterminés. Nous ajoutons que son observation est jurée par serment. Le cri "Vive le Christ" le démontre. En effet, dans les coutumes des peuples an-ciens, des Germains en particulier, "l'appel au Dieu", c'est la formule du serment. Jusqu'à nos jours, dans le langage familier, "Vive Dieu" est une exclamation usuelle pour dire qu'on prend Dieu à témoin de la vérité de ce qu'on affirme.
«DONC, IL Y A PACTE, et pacte juré, et, comme la durée de ce pacte n'est pas spécifiée dans le texte de la ré-daction, il est juré pour toujours et ne peut être annulé que par la renonciation officielle, légale, solennelle de la seule des deux parties contractantes qui était sujette aux variations et aux défaillances, la nation des Francs, la France, jus-que là toujours liée par le pacte salique conclu entre le Christ et nos pères» .
Nous ajouterons que si la rupture de 1789 n'a pas été officiellement décrétée par le gouvernement responsable, si la violation n'a pas revêtu un caractère national et mûrement prémédité par le peuple, elle n'en subsiste pas moins depuis la honte des orgies révolutionnaires continuée par les lois sectaires de la troisième République.
On a endormi le Peuple, on a tout disposé pour qu'il oublie les engagements glorieux du Pacte de Reims ; mais les vi-sions prophétiques de saint Remy et les malédictions qu'il a annoncées en cas d'infidélité sont devenues une réalité cui-sante qu'on ne peut méconnaître...
C'est le propre de l'épreuve de faire réfléchir les enfants prodigues.


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LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 1 / 4)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE QUATRIEME : CLOVIS ROI DES FRANCS ET APOTRE DU CHRIST

Dès que Clovis eût conscience de sa mission et qu'il l'eût acceptée, il est manifeste qu'il reçut les grâces d'état indis-pensables pour la bien remplir. Avec nombre d'autres écrivains, Monseigneur Fèvre le remarque justement dans sa Dis-sertation sur le quarante-quatrième livre de Rohrbacher :
«On dira qu'il n'y a rien ici de prodigieux et que tout s'explique par le génie. Nous serions très mal venus de contester les mérites de Clovis ; c'était un rusé diplomate, un vaillant soldat, un politique habile ; mais il est égalé, si-non surpassé par d'autres chefs barbares. Genséric ne l'aurait pas redouté sur le champ de bataille ; Attila eût pu le vaincre ; Alaric avait été, comme lui, homme d'action et de conseil ; Théodoric était un Charlemagne barbare. Cepen-dant, ni Théodoric, ni Alaric, ni Genséric, ni Attila n'ont été fondateurs ou conservateurs d'empires.
«Evidemment, Clovis, seul, n'explique pas sa fortune ; lui-même est une énigme. Avec des talents inférieurs ou égaux, il surpassa par sa perfection les autres chefs et, dans des circonstances moins favorables, il remporta des succès plus durables. Qui donc a donné à Clovis ce talent continu du triomphe ?
«De plus, Clovis n'a pas fait les circonstances dont il a su tirer habilement profit. On ne peut attribuer à sa sa-gesse, ni la division des Gaules, ni l'imprévoyance de Syagrius, ni les dissensions des rois Burgondes, ni la présomp-tion d'Alaric II. Une puissance supérieure avait donc tracé les voies.
«Cette puissance a fourni aussi les éléments de succès. Qui donc a mené par la main Clotilde, après une vie si traversée, jusqu'au trône de France ? Qui donc a rendu indécise, un instant, la fortune de Tolbiac et montré à Clovis la conversion comme gage de la victoire ? Qui a placé sur le chemin du vainqueur et saint Waast et saint Remy ? Qui a donné au baptême de Reims de n'être point un baptême vulgaire, mais d'être le baptême de la France, son mariage indissoluble avec la foi catholique, le signe certain de sa mission providentielle, la pierre angulaire de l'édifice euro-péen ?
«A la rigueur, Clovis, arien ou idolâtre, eût pu faire de grandes conquêtes comme Attila, Gengis-Khan ou Timour ; mais Clovis, converti et entrant de plain-pied dans la politique chrétienne, Clovis acclamé comme libérateur par les Gallo-romains, Clovis accepte comme apôtre par les Wisigoths et les Burgondes, Clovis donnant la main aux évêques et se proclamant le dévot serviteur de Saint Martin, Clovis nommé Patrice par l'empereur d'Orient et salué comme fils aîné de l'Eglise par le Successeur de saint Pierre, ce Clovis là n'est point le Clovis barbare, c'est le Clovis baptisé, le néophyte de saint Remy. Non, Clovis seul n'explique rien et ne s'explique pas lui-même. Pour comprendre les facilités de la victoire, la prompte fusion des races, la rapide constitution de la nationalité franque, il faut s'attacher au Clovis prédestiné, plongé dans le baptistère de Reims, triomphant par l'assentiment des populations chrétiennes, régnant avec une sainte pour épouse, des évêques pour conseillers et scellant du sceau de la durée toutes ses œuvres seu-lement par l'appui de l'Eglise» .
Nous avons déjà relaté comment les peuples devinaient, dans le converti de Tolbiac, le pacificateur providentiel, le lé-gislateur éclairé qui saurait mettre fin aux rivalités sanglantes et unifier les Gaules.
Les Goths ariens persécutaient les évêques chrétiens et il s'ensuivait maintes dissensions troublant la vie des habi-tants. Ces persécutions des Goths furent un motif aux Francs de leur porter la guerre. Cependant, Clovis tomba malade d'une fièvre quarte qui durait déjà depuis deux ans, sans qu'aucun médecin eût pu le soulager. Enfin, l'un d'eux, Tranquil-lin, lui conseilla d'avoir recours à saint Séverin, abbé du monastère d'Agaune, dans le Valais, qui multipliait les miracles. Clovis lui dépêcha aussitôt son chambellan pour le prier de venir lui rendre la santé. Saint Séverin consentit à faire Ie voyage ; semant les guérisons sur son chemin, il arriva à Paris et s'arrêta d'abord à l'église, pour y prier ; après quoi, s'étant rendu chez le roi, il se prosterna en oraisons au pied de son lit et se dépouillant de sa robe de dessus, il en couvrit le malade. Clovis se senti guéri à l'instant, se leva de sa couche et, se jetant aux pieds de son libérateur, dit : «Mon Père, prenez, je vous en conjure, pour les pauvres, autant d'argent de mon trésor qu'il vous plaira ; j'accorde, à votre considéra-tion, la liberté à tous les prisonniers que vous en jugerez dignes».
Ainsi, au lendemain des faits prodigieux de Reims, le miracle continuait de fleurir sur notre sol, guérissant Clovis et les malades, confirmant dans la foi chrétienne la tribu choisie du Ciel pour être l'instrument, dans le monde, de la Providence.
On devine l'étonnement et l'admiration que produisaient ces miracles sur les autres peuples encore en partie païens ou livrés à l'arianisme ; on comprend l'irrésistible attraction produite par la nation franque. Ce n'était pas à Clovis lui-même, ni à ses guerriers, en tant que tels, qu'allaient les désirs de la multitude, mais vers le chef et la tribu qui se révé-laient comme les "instruments", du Dieu tout-puissant et bon. Ces peuplades, désolées par l'hérésie, désorganisées, as-piraient instinctivement à une union féconde, capable de satisfaire, à la fois, leurs aspirations de paix et de progrès maté-riel et moral.
Clovis, guéri, reprit sa marche triomphale ; Alaric, roi des Goths, voyant qu'il subjuguait une nation après l'autre, lui fit dire, par ses ambassadeurs : «Si mon frère voulait, le vœu de mon cœur serait que nous puissions nous voir». Clovis et Alaric se réunirent près de Tours et se promirent une amitié réciproque. Mais les populations des Gaules souhaitaient les Francs ; les persécutions qu'ils voyaient souffrir à leurs évêques, de la part des ariens, ne rendaient leur désir que plus vif. De son côté, Clovis supportait mal de voir l'Eglise offensée et, meurtrie.
«Je ne puis voir sans douleur ces ariens occuper une partie des Gaules. Allons les vaincre, avec l'aide de Dieu, et réduire leur pays en notre puissance».
Saint Remy l'ayant appris, crût devoir donner à Clovis quelques avis paternels de modération et de sagesse chré-tienne dans une lettre demeurée célèbre. (Cf. Rohrbacher, ouv. cit., p. 22, 1ère col.).
Clovis vainquit Alaric et se rendit maître de l'Aquitaine, tandis que son fils Thierry lui soumettait le Rouergue, l'Albi-geois et l'Auvergne, jusqu'aux frontières de Bourgogne. Après avoir passé l'hiver à Bordeaux et pris en route Angoulême, Clovis revint triomphant à Tours, où de nouveaux honneurs l'attendaient. Il y reçut une ambassade de l'Empereur d'Orient, Anastase Ier, qui lui envoyait le titre de Consul, avec une robe de pourpre, en sorte que, ce jour-là, on lui donna le nom de Patrice et d'Auguste. (Cf. Rohrbacher, ouv. cit., p. 23, 1ère col.)
Le victorieux roi des Francs écrivit une lettre circulaire aux Evêques d'Aquitaine pour les avertir de réclamer tout ce qui aurait pu être enlevé, par ses soldats, aux Eglises, aux clercs, aux vierges consacrées à Dieu, aux veuves, contre les ordres qu'il avait donnés en commençant les hostilités. Clovis apparaît alors, non plus comme un guerrier barbare en quête de riches butins, mais comme un missionnaire désireux de pacifier et de civiliser ; il a conscience de ses respon-sabilités de chef chrétien et comprend qu'il doit donner à tous, amis et ennemis, l'exemple de la vertu et de la charité. Il fit plus encore. Après ses conquêtes, Clovis donna l'ordre de travailler au rétablissement de la discipline. Il fit rassembler, dans ce but, un Concile à Orléans, sur le conseil de saint Remy et de saint Melaine (en juillet 511) et marqua aux Evê-ques les articles sur lesquels il convenait de faire des règlements. Ceux-ci constituent un code de lois civiles et morales d'une haute portée. Trente-deux prélats les ratifièrent et ils envoyèrent à Clovis la lettre suivante :
«A leur seigneur et très glorieux Roi Clovis, fils de l'Eglise catholique, les évêques assemblés en concile par son ordre,
«Comme c'est l'ardeur de votre zèle pour le culte de la religion catholique et de la foi qui vous a porté à faire as-sembler ce Concile, où nous puissions traiter ensemble, comme il convient à des évêques, de plusieurs points néces-saires, nous vous envoyons les réponses que nous avons jugé à propos de faire aux articles que vous nous avez pro-posés. Si vous jugez ces règlements dignes de votre approbation, l'accord d'un si grand roi avec tant d'évêques en assurera l'observation avec une plus grande autorité» (Labbe. Tome 4-1.404).
Voici quel fût le gouvernement du premier roi chrétien des Francs ; les évêques lui conseillaient de gouverner de ma-nière à se faire aimer et à respecter les lois morales. C'est l'union féconde des pouvoirs civil et religieux, unis en vue du bien de tous, mais chacun d'eux gardant ses prérogatives et demeurant dans les limites de sa juridiction. L'effet d'une telle entente fut prodigieux ; toutes les populations des Gaules aspirèrent, dès lors, à devenir Francs et obligèrent, du même coup, les Burgondes et les Wisigoths à se montrer plus humains.
Certains historiens ont attribué à Clovis, après sa conversion, plusieurs assassinats sur des membres de sa famille, en vue d'assurer la tranquillité de son règne. (Cf. Rohrbacher, d'après Grégoire de Tours, ouv. cit., p. 27, 1ère col.).
Aujourd'hui, ces faits sont révoqués en doute et les travaux d'auteurs dignes de foi ont révélé que «les princes qu'on dit avoir été assassinés sont peu ou point connus ; des vies de Saints, contemporains de Grégoire de Tours, où ces faits sont relatés, expliquent autrement la chose ; elles disent que ces princes assassinés étaient simplement des subalternes révoltés contre Clovis pour se soustraire à son autorité et arrêter, dans le Nord, la propagation de l'Evangile ; Clovis mar-cha contre eux, les vainquit et usa des droits de la guerre». (Cf. Mons. Fèvre, livre 43 de Rohrbacher, op. cit., p. 27, ren-voi a)
II est probable, toutefois, que dans l'âme du royal converti, l'élément barbare ne fût pas complètement absorbé par l'élément chrétien et il est exact que le vainqueur de Tolbiac ait levé facilement la hache sur la tête de qui lui résistait. Mais, il est certain, également, que certains historiens ont tenté de discréditer Clovis dans un but sectaire ; d'autres (dont M. Augustin Thierry) ont voulu ironiser, dans le dessein d'amoindrir le sens profond de la conversion de Clovis et d'en mi-nimiser les conséquences.
En tout état de cause, il reste établi que Clovis se montra toujours le zélé défenseur de la foi et le bienfaiteur de l'Eglise ; les lettres du Pape, des Evêques contemporains ne laissent aucun doute à cet égard.


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:14

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 1 / 5)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE CINQUIEME : AUTHENTICITE DU PACTE DE REIMS

Plusieurs auteurs, et non des moindres, reconnaissent qu'il y eût bien, en la nuit de Noël 496, un "Pacte" conclu entre le Christ et les Francs.
Nous disons bien : Pacte conclu entre le CHRIST et les Francs, car il ne s'agit rien moins, en l'occurrence, que de l'avènement du Règne du CHRIST-ROI, sur la France, et, par elle, sur les autres nations.
Certains penseront, sans doute, qu'une telle manière de présenter l'histoire est, pour le moins, excessive et que notre époque, heureusement libérée des influences d'un passé, désormais révolu, n'a que faire de semblables égarements.
Le grand dommage est qu'ils se trompent.
Rien n'est plus opportun, de nos jours, et aucune entreprise humaine ne saurait remplacer ce qui constitue le fonde-ment même de l'Unité française.
«II n'y a pas de question plus capitale que celle de la Royauté sociale du Christ. C'est pour le monde une ques-tion de vie ou de mort»
...A commencer par la France, le fait est évident...
Recherchons, tout d'abord, s'il y a eu vraiment "pacte" ? Ce mot signifie : convention, accord entre deux parties contractantes qui acceptent de remplir des engagements déterminés l'une envers l'autre. Les bases et les modalités de l'accord varient suivant les circonstances, mais le fond est toujours constitué par une entente préétablie entre les signa-taires ; le plus souvent, des sanctions sont prévues en cas de dénonciation injustifiée de l'une ou l'autre des parties.
Or, à la base du Pacte de Reims, on trouve la promesse d'assistance mutuelle entre le Ciel et le peuple franc ; le pro-logue, et surtout le "décret" de la loi salique, d'une part, la ratification de saint Remy et les promesses en faveur de notre peuple, qu'il prononça alors qu'il était visiblement inspiré du Saint-Esprit, d'autre part, constituent la base du contrat.
Les bénédictions et les malédictions que, toujours sous la même inspiration divine, le prélat de Reims consigna dans son "Testament" , tiennent lieu de "sanctions". Clovis, au nom de ses Francs consentants, s'est engagé publiquement à rester fidèle au Dieu de Tolbiac et à défendre l'Eglise romaine contre tous ses ennemis, dans la mesure du possible s'en-tend. De sorte que, du côté céleste, il y a bien eu "élection" et du côté franc "acceptation" dans la joie et l'enthousiasme. Les faits miraculeux qui se sont produits lors de la célébration du baptême tiennent lieu de "signature" divine.
Ici, une question se pose : comment se fait-il que de tels faits soient tombés dans l'oubli, au point de ne plus faire fi-gure que de légende respectable, à laquelle on ne prête qu'une attention curieuse ?
Qu'importent aux Français du XXe siècle les inspirations et les miracles de saint Remy, les promesses de bénédictions ou de malédictions divines datant de quinze siècles ? Qu'avons-nous à attendre de ces réminiscences d'un passé, glo-rieux, mais démodé ? Nous sommes si loin, moralement et matériellement, de l'état d'esprit qui présida aux événements de Reims en 496 ! Les historiens n'ont-ils pas brodé, au gré de leur imagination, sur les faits de la nuit de Noël, qui déci-da du sort de la France ?
Il convient d'éclairer son jugement en recherchant avec soin, dans l'Histoire, des preuves suffisantes qui établissent la véracité de ces récits et l'authenticité du Pacte de Reims. Plusieurs historiens se sont attachés à cette tâche délicate et nous citerons deux noms d'auteurs, dont les travaux méritent de retenir l'attention, M. Godefroid KURTH, Professeur à l'Université de Liége, et M. A.-L. de la FRANQUERIE.
Le premier a écrit plusieurs éditions remarquablement documentées sur Les origines de la civilisation moderne, dans lesquelles il fait mention du baptême de Clovis et des événements prodigieux qui l'ont accompagné. A l'occasion du qua-torzième centenaire de la conversion des Francs, M. Kurth joignit ses travaux à ceux d'un grand nombre de ses confrères et composa un ouvrage intitulé Clovis , édité par la Maison Mame.
Quant à M. de la Franquerie, il a fait revivre sous nos yeux, non seulement les événements de 496, mais toute notre Histoire nationale, à la lumière des grâces et des dons surnaturels dont Dieu s'est plu, au cours des siècles, à gratifier no-tre pays. Son ouvrage, La Mission divine de la France, très sérieusement documenté, met parfaitement en relief la mis-sion extraordinaire confiée à la France, depuis le baptême de Clovis.
En 1896, lors du quatorzième centenaire des événements de Reims, la France entière a organisé des pèlerinages à la cathédrale du baptême de Clovis et du sacre des souverains français. Toutes les classes sociales, tous les âges et tou-tes les corporations se sont alors succédés à Reims pour renouveler les promesses baptismales de la Patrie ; un "Bulle-tin" spécial relata ces cérémonies grandioses et le Pape Léon XIII accorda un jubilé national aux pèlerins. Les Français de 1896 croyaient, par conséquent, à la véracité des faits de 496, puisqu'ils acceptaient «de formuler le jour le Noël l'acte solennel de Rénovation des promesses baptismales des Francs» .
Nous avons, à la Bibliothèque nationale, notamment, d'innombrables textes, manuscrits, gravures représentant ou re-latant le baptême de Clovis, l'apparition de la Sainte Ampoule, la guérison des écrouelles par les rois de France.
On peut consulter de nombreux ouvrages dont les auteurs offrent des garanties de sincérité suffisantes pour qu'on y prenne intérêt.
Citons entre autres : l'Histoire de France, de Grégoire de Tours ; les Chroniques, de Guillaume de Vaugis ; la Vie de saint Remy, œuvre présumée d'un clerc de l'Eglise de Reims ; la Vie de Saint Remy, d'Hincmar, Archevêque de Reims ; les Lettres de Saint Avit ; les Vies de Saints, contemporains de l'apôtre des Francs ; l'Epitome de Frégédaire ; le Gesta Regum Francorum ; ainsi que les livres d'auteurs modernes dont les travaux s'appuient sur les écrits des chroniqueurs de l'antiquité.
Citons également les œuvres de Migne, de Philippe Labbe, de Rohrbacher, de Darras, de Frantz Funck-Brentano, etc...
Pour apprécier le caractère d'authenticité du Pacte de Reims, il suffit de consulter les écrits d'historiens qui ont sérieu-sement étudié la question ; les récits qui agrémentent le présent ouvrage ont été empruntés jusqu'ici, de préférence, aux auteurs anciens ou à leurs traducteurs ; demandons maintenant à quelques personnalités modernes leur opinion relative à la véracité des faits de 496.
La maison Firmin-Didot a édité, en 1895, un livre : La France chrétienne dans l'Histoire, œuvre de nombreux collabo-rateurs spécialement documentés. Le Cardinal Langénieux en a écrit la Préface, dont voici un extrait : «Le peuple franc a été, au 5è siècle, l'élu de la Providence dont le Christ laisse pressentir l'avènement en signifiant à Israël sa réprobation (Math. XXI, 46). Nul autre, depuis, n'a reçu une destination plus marquée. Nul autre n'a réalisé, comme lui, le type histo-rique de la nation apôtre. Nul autre n'a pu confondre avec autant de vérité ses propres annales avec l'Histoire, ni reven-diquer avec plus de fierté la gloire d'avoir fait, par le monde, les "Gestes de Dieu".
De M. de Maricourt, Secrétaire de la Société des Fastes Eucharistiques :
«II y a lieu de remarquer la frappante analogie entre l'hymne franc et les hymnes de Josué et de Néhémias, célé-brant les grandeurs du peuple d'Israël et les faveurs dont Dieu l'a comblé... C’est que les hymnes d'Israël, comme l'hymne des Francs, précèdent le pacte solennel d'un peuple avec le Tout-Puissant...
«...C'est bien un pacte, c'est-à-dire une convention passée entre deux parties contractantes, pour l'échange réci-proque de certains avantages déterminés...
«...Donc, il y a pacte, et pacte juré ; et comme la durée de ce pacte n'est pas spécifiée dans le texte de la rédac-tion, il est juré pour toujours et ne peut être annulé que par la renonciation officielle, légale, solennelle, de la seule des deux parties contractantes qui soit sujette aux variations et aux défaillances, la nation des Francs, jusque là toujours liée par le pacte salique conclu entre le Christ et nos Pères.
«Ce pacte ne lie pas seulement la France, mais encore toute la chrétienté, dont les Francs allaient être les fonda-teurs et les chefs» .
De M. Arthur Loth, du journal La Vérité, 1895 : «Nous avons, avec Dieu, une alliance plus ancienne et plus forte... L'année 1896 est une année d'espérance ; elle nous rappelle les origines providentielles de la France... elle nous rappelle notre antique loi salique, notre vraie Constitution nationale - plus vieille de quatorze cents ans que la Constitution républi-caine de 1875 - où il est dit dans le Prologue que la France a été constituée par Dieu : auctore Deo condita, et où la voix du législateur et du peuple salue Jésus-Christ de cette acclamation : Vive le Christ qui aime les Francs !
«Elle nous rappellera cette prophétie de saint Remy, où sont prédites les destinées de la nation française, avec leurs alternatives de succès et de revers, de triomphes et de châtiments, selon qu'elle sera fidèle ou rebelle à ta foi catholique. Et la prophétie s'est trouvée vérifiée...
«Au baptistère de Reims, par la voix prophétique de saint Remy, un pacte a été conclu entre le Ciel et le chef de la nation franque ; notre Histoire en témoigne. Le pacte s'est exécuté ; le royaume des Francs a duré des siècles, comme il avait été annoncé. Il a prospéré tant qu'il a été fidèle à sa foi ; il a déchu en y manquant...»
De M. de la Morlière, Rédacteur au Bulletin des Fêtes du XIVe centenaire du baptême de Clovis et de la France :
«Pour bien saisir, dans leurs grandes lignes, les causes qui ont produit les événements les plus remarquables de la période qui va s'étendre de 1270 à 1445, il est nécessaire de quitter le terre à terre des aperçus humains et de se rapprocher de Dieu, qui voit tout d'ensemble.
«Un pacte juré en 496, sur le baptistère de Reims, a lié la France à un "Roi perpétuel", qui est le Christ, réelle-ment et substantiellement présent et vivant sur nos autels, le Christ-Hostie.
«C'est le pacte fondamental de la nation».
Demandons maintenant l'avis de ceux qui ont bénéficié d'une façon particulière du Pacte de Reims : les Papes.
Nous avons cité la lettre du Pontife Anastase, félicitant Clovis à l'occasion de son Baptême et exprimant la joie et la confiance du successeur de Pierre envers la fille aînée de l'Eglise. Nous donnons plus loin des extraits de lettres ou d'al-locutions émanant de Pie X, de Léon XIII.
Saint Grégoire le Grand, le correspondant de Brunehaut, reconnaissait, au début du VIIe siècle, les prérogatives divi-nes accordées au peuple franc :
«Autant la dignité royale élève l'homme au-dessus des autres hommes, autant la royauté des Francs l'emporte sur tous les Etats».
«Au treizième siècle, Grégoire IX disait de notre pays : De même qu'autrefois la tribu de Juda reçut, d'en Haut, une bénédiction toute spéciale, parmi les autres fils du patriarche Jacob, de même le Royaume de France est au-dessus de tous les autres peuples, couronné par la main de Dieu lui-même, de prérogatives et de grâces extraordinai-res».
Nous pourrions citer un nombre considérable de textes de ce genre ; mais l'authenticité du pacte se prouve aussi par les faits. Aucune œuvre missionnaire n'a rayonné sur le monde sans être passée par la France et il est remarquable de constater que les initiatives généreuses, aux lendemains féconds, ont presque toutes germé sur notre sol.
Est-ce simple coïncidence ou la marque d'une prédilection divine que tant d'ordres religieux célèbres soient nés chez nous : l'Abbaye de Cluny (910), la Chartreuse (1090), l'Abbaye de Clairvaux qu'illustra Saint Bernard (12e siècle), l'Ordre de Saint Dominique, à Toulouse (1216), la Compagnie de Jésus, providentiellement établie par Saint Ignace (1540), la Congrégation de Saint-Maur (17e siècle), l'Oratoire (1611), les Lazaristes (1624) et les Filles de la Charité (1617), tous deux fondés par Saint Vincent de Paul ; les Oblats de Marie-Immaculée (1816), les Maristes (1823), etc...
Dans le domaine intellectuel, nous retrouvons la même sève chrétienne qui active l'éclosion de véritables centres d'instruction et d'éducation, destinés à rayonner sur le monde entier : depuis les premières écoles confessionnelles éta-blies par Charlemagne. L'Université de Paris, fondée à la fin du XIIe siècle, devint la principale école de théologie du monde ; on y enseignait, en outre, l'Ecriture Sainte, le droit canonique, la médecine, l'arithmétique, la géométrie, l'astrolo-gie, la musique, la dialectique, la rhétorique et la grammaire.
S'agit-il d'une dévotion à faire rayonner ? d'un élan à donner à la ferveur ? C'est encore à la France que sera dévolu cet honneur. La première Croisade fut déterminée par les prédications d'un humble pèlerin d'Amiens, Pierre l'Ermite, qui était allé faire un voyage de dévotion à Jérusalem et qui avait été révolté par la cruauté des Turcs habitant la ville sainte ; croit-on que ce fut par le seul effet du hasard que ses récits aient pu décider le Pape Urbain II à intervenir et à mettre en marche des armées de Croisés, dont la plupart furent des Français ?
Le douzième siècle vit éclore la dévotion filiale, confiante, irrésistible envers la Vierge semeuse de miracles ; saint Bernard en fut le prédicateur inspiré, et de France le culte marial ensoleilla le monde entier... Louis XIII eût une vénéra-tion profonde envers la Madone, qui répondit par la naissance inespérée du Dauphin Louis-Dieudonné...
La France, encore, sera désignée pour diffuser la Médaille de l'Immaculée-Conception, grâce au choix que fit la Vierge de Catherine Labouré comme confidente, en 1830 ; plus tard, c'est à Bernadette Soubirous que la Vierge de Lourdes confiera le message destiné à l'Eglise entière et certifiant qu'elle est véritablement "l'Immaculée".
Au XVIIe siècle, le Sauveur réserve à sa "Fille aînée" le bonheur de faire connaître au monde les trésors de son Sa-cré-Cœur et ce furent les révélations du Christ à sainte Marguerite-Marie, à Paray-le-Monial. Malgré les incompréhen-sions, les lenteurs imputables à tant de causes, le Christ attendra patiemment que sa nation privilégiée soit revenue à de meilleurs sentiments pour établir "son règne dans l'univers entier" ; cependant, d'autres nations se sont déjà consacrées au divin Cœur : l'Espagne, la Colombie.
Mais, ces consécrations n'ont pas eu de retentissement à l'étranger. Le Cœur de Jésus ne sera honoré officiellement chez "les Grands" du monde entier que lorsque la "Cour" de France aura donné l'exemple.
C'est à Tours, en 1851, que fut inauguré le culte de la Sainte Face, dans la chambrette de Léon Dupont, devenu le "Saint homme" de Tours. Et l'on sait les rapports étroits existant entre la dévotion au Sacré-Cœur et la dévotion à la Sainte Face.
Dans le même esprit, la dévotion aux Saintes Plaies du Christ, à laquelle est attaché un déluge de grâces en faveur des pécheurs, a vu le jour dans le monastère de la Visitation de Chambéry.
Marthe de Noaillat consacra, avec son mari, six ans d'activité à obtenir l'établissement de la fête du Christ-Roi (1925).
Peut-être objectera-t-on que ces manifestations de piété partent tout simplement du tempérament français, enclin à la dévotion ? Le croire serait ignorer que ces œuvres, ces fondations, ces initiatives, dont les débuts furent généralement modestes et contrariés, exigent des grâces spéciales et des secours surnaturels, indépendants de la volonté humaine.
Saint Bernard, saint Ignace, saint Vincent de Paul, sainte Marguerite-Marie, ainsi que les autres fondateurs et instru-ments providentiels furent, sans exception, préparés de loin à leur mission particulière.
Non, décidément, il faut voir autre chose que le simple jeu des forces humaines dans le splendide déroulement des faits historiques de notre pays et le débordement de sa foi et de sa culture aux quatre coins du globe.
Il reste à prendre l'avis de celle qui est devenue la plus touchante et pure figure qui honore la liste de nos "héros" : Jehanne d'Arc. L'écrivain rationaliste bien connu, Henri Martin, a déclaré lui-même, dans son Histoire de France, que «Jehanne d'Arc est le point culminant de notre Histoire nationale». Cet écrivain a établi un parallèle qui ne manque pas d'opportunité, entre le Baptême de Clovis et le Sacre de Charles VII, entre Clotilde et Jehanne, c'est-à-dire entre la nais-sance de la France et sa résurrection au XVe siècle.
La guerre de Cent Ans, vue dans la trajectoire du Pacte de Reims, apparaît comme un des châtiments annoncés par saint Remy dans son "Testament". Les derniers Capétiens directs, et surtout Philippe IV le Bel, avaient manqué à leur vocation de "Lieutenants du Christ". (Cf. à la Troisième Partie, Les Sanctions du Pacte de Reims).
La France avait donc péché gravement en oubliant son rôle traditionnel. Jehanne n'a pas craint de le dire avec sa coutumière franchise : «les défaites militaires et les humiliations de l'époque étaient le signe de la colère de Dieu».
Mais, la mission de la douce bergère fut la preuve de la miséricorde céleste en faveur de notre nation prédestinée.
Au lendemain du Sacre de Charles VII, Jehanne sentit que le Roi n'avait pas pleinement conscience de ses respon-sabilités, qu'il ne songeait pas à renouer le Pacte séculaire.
Et voici, d'ailleurs, un fait, pris parmi tant d'autres, qui le prouve. Ce fait n'est connu que depuis 1895 ; il a été retrouvé par le comte Ugo Balzani, dans les archives du Vatican (Cf. de la Morlière, bulletin des Fêtes du 14e Cent., p. 279) ; il est consigné dans le Brevarium historiale rédigé en 1430 par un clerc anonyme français, résidant auprès de Martin V (Léo-pold Delisle, bibliothèque de l'Ecole des Chartes, oct. 1885) et reproduit par le Révérend P. Ayrolles.
«Un jour, la Pucelle demanda au Roi de lui faire un présent. Sa prière fut agréée. Elle demanda alors comme don le Royaume de France lui-même. Le Roi, étonné, le lui donna après quelques hésitations et la jeune fille l'accepta. Elle voulut même que l'acte en fût solennellement dressé et lu par les quatre secrétaires du Roi
«La charte rédigée et récitée à haute voix, le Roi resta un peu ébahi lorsque la jeune fille, le montrant, dit à l'as-sistance : Voilà le plus pauvre Chevalier de mon Royaume.
«Après un peu de temps, en présence des mêmes notaires, disposant en maitresse du Royaume de France, elle le remit entre les mains du Dieu Tout-Puissant.
«Puis, au bout de quelques autres moments, agissant au nom de Dieu, elle Investit le Roi Charles VII du royaume de France : et de tout cela, elle voulut qu'un acte solennel fut dressé par écrit».
Comment un Pacte, né à la faveur d'une conversion miraculeuse, renforcé par le martyre d'une héroïne, qui préféra périr dans les flammes plutôt que de dénoncer sa mission, n'aurait-il plus de valeur et laisserait-il indifférents les héritiers des Francs et les frères de Jehanne ?

AUTHENTICITÉ DES FAITS MIRACULEUX

LA SAINTE AMPOULE
L'authenticité du miracle de la sainte ampoule a fait l'objet de nombreuses controverses.
En tout état de cause, les tentatives de nature à détruire la croyance à l'événement, comme les critiques formulées, ne résistent pas à l'examen ; l'histoire est là pour le prouver.
Les chroniqueurs les plus fidèles et les plus connus des temps anciens font tous mention des faits merveilleux.
Citons entre autres l'annaliste Flodoard (894-966) qui fut architecte de la cathédrale de Reims ; Aimoin, abbé de Fleu-ry (X-XIe siècles), auteur d'une Histoire des Francs depuis les origines jusqu'en 653 ; Froissard, célèbre chroniqueur (1333-1340 environ) ; Godefroy de Viterbe (1120-1191) ; Guillaume le Breton (mort vers 1227) ; Guillaume de Nangis ; Mathieu Pâris, chroniqueur anglais du XIIIe siècle ; et surtout Hincmar, archevêque de Reims (806-822), qui a, plus que tout autre, relaté le fait.
A ces écrivains des temps reculés, des auteurs plus proches de nous ont apporté l'appui de leur conviction.
Le témoignage de l'Eglise est de beaucoup le plus fort et le plus éclatant, parce qu'irrécusable.
Comment admettre, en effet, que saint Remy et ses successeurs aient pu laisser perpétuer une telle fiction et - qui est plus grave - composer des prières et des répons ayant trait à quelque événement d'origine incertaine ? Pour qui connait la prudence de l'Eglise à l'égard des faits réputés d'origine surnaturelle, le doute n'est guère possible.
Mais voici encore un témoignage, postérieur à ceux déjà relatés et qui confirme l'origine miraculeuse de la sainte am-poule.
Le premier reliquaire qui la contenait fut brisé, en 1793, le 6 octobre, par le conventionnel Rhul, sur la place Royale de Reims, contre les marches de la statue de Louis XV. La veille de cette profanation, Philippe Hourel, officier municipal, et l'abbé Seraine, curé de Saint-Rémi, avaient mis en sûreté quelques parcelles du baume. Ces parcelles furent restituées, en 1819, à l'autorité légitime, déposées dans un coffret en argent et replacées dans le tombeau de Saint Remy .
En 1820, Monseigneur de Coucy, archevêque de Reims, commanda un reliquaire qui ne fut terminé qu'au moment du sacre de Charles X ; c'est celui que l'on voit maintenant au trésor de la cathédrale.

LA GUERISON DES ECROUELLES
Nous avons indiqué, au chapitre du "Sacre", que le pouvoir de guérir les écrouelles découlait de la mission providen-tielle des rois de France et du caractère sacerdotal qui leur était conféré par le sacre, selon le rite spécial aux souverains de notre Patrie. Certains auteurs ont ajouté que ce caractère sacré venait lui-même de l'onction faite avec le baume de la sainte ampoule.
D'autres attribuent aux prières de Saint Marcoul le privilège bienfaisant dont ont joui les Rois de France ; ce saint, ap-pelé aussi Marculphe, ou Marcou, né à Bayeux, en 490, mourut à Nanteuil, en 558 ; il fonda le monastère de Nanteuil, diocèse de Coutances. Lors de l'invasion normande, les moines, en 898, transportèrent ses restes à Corbény (Aisne), pe-tite commune qui était une des résidences d'été de Pépin, de Charlemagne et de Charles le Simple. Corbény devint alors un lieu de pèlerinage célèbre, où les Rois de France avaient coutume de procéder au toucher des écrouelles. Sans doute, est-ce cette circonstance qui accrédita l'opinion que le pouvoir guérisseur des monarques leur venait des prières de Mar-coul ?
Il semble qu'il faille plutôt y voir une coïncidence qu'une conséquence. D'ailleurs, voici une relation empruntée au livre : Le Cérémonial du Sacre des Rois de France, tel qu'il fut suivi au Sacre de Louis XIV et remanié pour le Sacre de Charles X (p. 105, Edition Rupella. Charles Millon, 1931. La Rochelle) :
«Jadis, les rois partaient le troisième jour de leur sacre pour Corbény, dans le diocèse de Laon, en pèlerinage à la châsse de Saint-Marcou, qui était invoqué pour les écrouelles, et les malades affluaient lors du séjour royal. Mais, le don de guérison des écrouelles, les Rois de France le possédaient jusqu'à la mort en vertu de leur sacre. On le consi-dérait comme un privilège découlant de l'onction et non comme un miracle. Et c'était pour mieux se préparer à guérir ce mal que les Rois venaient implorer la protection de Saint-Marcou.
«Après avoir entendu la messe et fait ses dévotions, le Roi, accompagné de ses médecins, s'approche des ma-lades qui sont rangés en file sous les arbres et se mettent à genoux quand il s'approche d'eux. Quand le tour d'un de ceux-ci est arrivé, un médecin lui fait pencher la tête en arrière et un capitaine des gardes lui tient les mains jointes. Le Roi touche en étendant le main droite du front au menton et d'une joue à l'autre, faisant le signe de la Croix, en pro-nonçant ces paroles : Le Roi te touche, Dieu te guérisse. Le grand aumônier lui donne ensuite une aumône. Quand ce pieux office est terminé, trois princes présentent successivement des serviettes imbibées différemment pour que le Roi se lave les mains.
«Toutes les relations des sacres signalent les cas de guérison qui ont été déclarés à la suite du toucher royal. Après le sacre de Louis XVI, soit le lendemain, soit dans le courant de l'année, quatre malades firent constater qu'ils étaient guéris. On raconte qu'au Sacre de François Ier un de ces malheureux ayant été guéri sur le champ, le monar-que en fut si content qu'il lui donna cinq sols au lieu de deux».
Le roi devait être en état de grâce et avoir communié le jour même pour pouvoir exercer sa bienfaisante prérogative.
M. Funk-Brentano, Président de l'Institut de France, relate dans un de ses ouvrages comment le moine Ive de Saint-Denis, qui assista à la mort de Philippe le Bel, vit le prince expirant mander son fils aîné dans le but de lui expliquer comment il devait faire pour toucher les malades : «Seul, devant son confesseur, secrètement, il lui enseigna les paroles saintes qu'il avait coutume de prononcer quand il les touchait. Semblablement, il lui dit que c'était à grande révérence, sainteté et pureté qu'il devait ainsi toucher les infirmes, NETTOYE DE CONSCIENCE et de main. (Cf. L'ancienne France, Le Roi, par Funck-Brentano. p. 177)
Ces dispositions montrent avec évidence le caractère surnaturel de ce don.
Au XIVe siècle, les monarques anglais, en qualité de Rois de France - puisqu'ils revendiquaient leur couronne - voulu-rent aussi toucher les infirmes ; mais, ils n'y réussirent pas.
A cette prétention des souverains anglais, la Providence a répondu par l'intervention de Jehanne d'Arc.
A la vérité, ce pouvoir guérisseur vient de plus haut ; son origine est surnaturelle. C'est une faveur exceptionnelle ac-cordée au "Lieutenant du Christ" sur la terre pour affirmer à la face du monde la vocation missionnaire de la nation apôtre dont le roi est le chef.
De même que le Christ, opérant des miracles, a dit au paralytique : «Afin que vous sachiez que le Fils de l'Homme a le pouvoir de remettre les péchés : lève-toi et marche !», de même Dieu permit à nos souverains légitimes de guérir cer-tains malades pour que la foule croie à l'authenticité de la mission des successeurs de Clovis.
Claude de Seyssel, Archevêque de Turin, montre que ce «privilège n'est pas accordé à tel ou tel de nos rois, à titre personnel, mais exclusivement à la fonction de Roi de France, quel qu'en soit le détenteur, dès qu'il est l'héritier légitime de la Couronne et qu'il a été sacré». (Cf. de la Franquerie, op. cit., p. 67)
Non seulement nos Rois pouvaient accomplir ce miracle en France, mais encore à l'étranger. C'est ainsi qu'on vit Jean II, prisonnier à Londres, après la défaite de Poitiers, et François Ier, captif à Madrid, après Pavie, guérir bien des scrofuleux. (Relation Chigi. Comparer, également avec les témoignages de Saint Simon)
Marie-Thérèse, femme de Louis XIV, avait fait disposer une maison à Poissy, où étaient reçus et logés les malades qui venaient souvent de loin, de bien loin, afin de se faire toucher par le Roi ; ils y attendaient le jour fixé pour la cérémo-nie . On cite des Jésuites qui furent envoyés de Portugal, d'Espagne, etc... par leur Compagnie, pour être guéris par les Rois de France.
Les derniers miracles, enregistrés avec le plus grand soin, se produisirent au Sacre de Charles X, en 1825. Monsei-gneur Delassus parle, dans ses œuvres, de ces faits remarquables et notamment dans l'Esprit Familial, p. 215 et suivan-tes
Dans la Revue de Philosophie (novembre-décembre 1925, p. 6 et suiv.), le Docteur Robert Van der Elst, dans la Ma-gistrale critique qu'il fait de M. Bloch, Les Rois thaumaturges affirma la guérison des scrofuleux et conclut
«Le fait ne s'explique donc que par une cause transcendante et cette cause, c'est la prédilection marquée par Dieu envers la dynastie des Rois de France.
«Est-ce parce qu'ils sont Rois ? Non, certes, car les rois des autres pays ne sont pas favorisés du même prestige. Est-ce parce qu'ils ne sont pas tous Saints ? Non, pas davantage, car ils le sont tous très inégalement et quelques-uns ne le sont pas. Qu'y a-t-il donc, en eux, qui justifie cette sorte d'alliance entre leur race et Dieu ?
«Eh, c'est précisément la vocation de leur règne; ils sont Rois pour concourir au règne de Dieu. Ils sont de la race élue pour cette fonction ; ils reçoivent ce privilège à la façon d'une grâce, sans doute imméritée, comme toute grâce, mais motivée par leur devoir sur le sens duquel le peuple est ainsi renseigné. C'est ce que rappelle le traité de "Regimive Principum", commencé par saint Thomas, achevé sans doute par Tolomée. De ce point de vue, pour l'es-prit humain, affamé de justes rapports et non de probabilités infiniment discutables, une claire relation s'établit entre les deux ordres de faits inégalement patents : d'une part, la destinée de la France, surnaturellement soumise, dans l'intention de Clovis, aux fins de l'Eglise et parfois honorée, comme au temps de Jeanne d'Arc, d'une libération miracu-leuse ; d'autre part, le privilège des Rois, qui n'est qu'un moyen de leur influence et un motif de leur confiance en Dieu, subordonnées elles-mêmes aux fins que ce privilège signifie».
Ces miracles sont attestés dans la Bulle de canonisation de saint Louis (11 août 1297) : le Souverain Pontife Boniface VIII, prend soin de distinguer les guérisons que faisaient le Saint Roi, en vertu de sa Sainteté, et ceux qu'il faisait de par sa dignité de Roi de France.
Benoit XIV a écrit :
«Citons, par exemple, le privilège qu'ont les Rois de France de guérir les écrouelles, non par une vertu qui leur est innée, mais par une grâce qui leur a été accordée gratuitement, soit lorsque Clovis embrassa la foi, soit lorsque Saint Marcoul l'obtint de Pierre pour tous les Rois de France. (Cf. de la Franquerie et Monseigneur Delassus)
La Bibliothèque Nationale renferme un grand nombre d'ouvrages, anciens et modernes, où sont traités ces faits prodi-gieux. Dans L'Histoire de Saint Louis, Guillaume de Nangis nous dit : «Le Roi pieux adopta un usage particulier. Ses pré-décesseurs se bornaient à toucher le mal en prononçant quelques paroles appropriées - paroles saintes et catholiques - mais sans faire aucun signe de croix ; saint Louis ajouta à ces paroles le signe de la Croix, pour qu'on attribuât la guéri-son à la vertu de la croix et non à la dignité royale».
On peut consulter aussi : Le Sacre et couronnement de Louis XIV, Roy de France et de Navarre, dans l'Eglise de Reims, le septième juin 1654. (1720, à Paris, chez Jean-Michel Garnier ; p. 146 à 155, Le Toucher des Malades)
Voici encore quelques extraits du Sacre de Louis XV, tirés du livre de Funck-Brentano (Ancienne France, p. 179) :
«Le jeune Roi était dans sa treizième année...
«...Le 29 octobre, après avoir entendu la messe dans l'Eglise de Saint-Rémi, Louis XV passa dans le grand parc de l'Abbaye. Aux deux côtés des longues allées, les malades scrofuleux et paralytiques étaient rangés en file, au nombre de deux mille et plus.
«Les huiles venaient de sanctifier l'enfant royal, qui s'arrêta devant les malades et, à chacun, lui posant le revers de la main contre la joue, il dit : Le Roi te touche, Dieu te guérisse.
Dans ses Mémoires, le Marquis d'Argenson a écrit qu'ayant entendu dire qu'un bourgeois d'Avesnes, qui avait des écrouelles horribles, avait été guéri par Louis XV le jour de son sacre, il fit faire une procédure et information pour consta-ter le fait, le tout bien légalisé. Puis, il envoya le résultat de son enquête à M. de la Vrillière, Secrétaire d'Etat de la Pro-vince. Celui-ci répondit sèchement que personne ne doutait de ce don qu'avait le Roi. (Mémoires, du Marquis d'Argenson (I, 201)
On retrouve jusque sous la plume des adversaires de la Religion catholique des témoignages en faveur du pouvoir guérisseur des Rois de France.
Dans son Histoire de France, Victor Duruy écrit, de Henri IV :
«Le Roi remplissait, partout et minutieusement, les devoirs d'un bon catholique. A la messe, il édifiait les fidèles; au plus long sermon, il ne montrait pas d'ennui et, le jour de Pâques, il touchait les écrouelles. On n'eût pas trouvé un prince plus orthodoxe». (Histoire de France, Duruy, tome II, p. 171)
Chez un écrivain moderne, aux idées avancées, Jean Giono, nous trouvons ces lignes dans l'ouvrage intitulé : Jean le Bleu (p. 177) :
«Et cependant, j'arrivais chez mon Père et il était en train de réfléchir ; il avait arrêté le travail de ses mains. - A quoi penses-tu ? Il me regardait de ses yeux de velours. - Aux Rois qui guérissaient les écrouelles. - Et alors ? - Et alors, ils guérissaient les écrouelles, voilà tout, et pour ça, ils n'avaient qu'à toucher l'écrouelle du doigt. Des fois, ils pouvaient, d'un lépreux, faire un homme pur. Ils n'avaient qu'à passer la main sur le mal...»


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:15

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 1)

CLAIRE MARTIGUES

DEUXIEME PARTIE


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:16

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 1)

CLAIRE MARTIGUES

DEUXIEME PARTIE

CHAPITRE PREMIER : LES SANCTIONS DU PACTE DE REIMS

LE TESTAMENT DE SAINT REMY

Presque tous les Pactes comportent des sanctions, c'est-à-dire des avantages clairement définis, ainsi que la prévi-sion de peines, en cas de non observation des clauses par une des parties contractantes. Or, le pacte de Reims est dans ce cas.

Ses avantages sont de deux sortes : 1° les faits miraculeux proprement dits : l'apparition de la Sainte Ampoule et le pouvoir accordé aux Rois de France de guérir les écrouelles ; 2° les promesses de bénédictions et de durée du Royaume des Francs, inspirées par le Saint-Esprit à saint Remy.

Ses sanctions consistent : 1° en l'apparent abandon de la France, que Dieu livre à elle-même et à ses ennemis, lors-qu'elle lui est infidèle ; 2° la menace de la désapprobation divine et de châtiments.

Cette menace, comme les promesses de bénédictions, sont contenues dans un document historique : le Testament de saint Remy.
«Ce testament a une importance capitale pour nous, Français ; c'est une véritable vision d'avenir qui prend une autorité toute particulière du fait que le grand Pape, saint Hormisdas, écrivit à saint Remy, lorsqu'il l'institua en ces termes, Légat pour toute la France. (Migne, tome 125, p. 1168. Hincmar. Vita Sancti Remigii, cap. LIV)
«Nous vous donnons tous nos pouvoirs pour tout le Royaume de notre cher fils spirituel Clovis, que par la grâce de Dieu vous avez converti avec toute sa nation, par un apostolat et des miracles dignes du temps des Apôtres».

Voici ce testament :
«Que le présent testament que j'ai écrit pour être gardé respectueusement intact par mes successeurs les Evê-ques de Reims, mes Frères, soit aussi défendu, protégé, partout, envers et contre tous, par mes très chers fils, les Rois de France, par moi consacrés au Seigneur, à leur baptême, par un don gratuit de Jésus-Christ et le grâce du Saint-Esprit.
«Qu'en tout et toujours, il garde la perpétuité de sa force et l'inviolabilité de sa durée...
«Mais, par égard seulement pour cette race royale qu'avec tous mes frères et co-évêques de la Germanie, de la Gaule et de le Neustrie. j'ai choisie délibérément pour régner jusqu'à la fin des temps, au sommet de le majesté royale, pour l'honneur de la Sainte-Eglise et la défense des humbles.
«Par égard pour cette race que j'ai baptisée, que j'ai reçue dans mes bras, ruisselante des eaux du baptême ; cette race que j'ai marquée des sept dons du Saint-Esprit, que j'ai ointe de l'onction des Rois, par le Saint-Chrême du même Saint-Esprit,
«J'ai ordonné ce qui suit :

1 - MALÉDICTIONS

«Si, un jour, cette race royale que j'ai tant de fois consacrée au Seigneur, rendant le mal pour le bien, lui devenait hostile, envahissait ses églises, les détruisait, les dévastait :

«que le coupable soit averti une première fois par tous les évêques réunis du diocèse de Reims ;
«une deuxième fois par les Eglises réunies de Reims et de Trêve ;
«une troisième fois par un Tribunal de trois ou quatre Archevêques des Gaules ;
«Si à le septième monition il persiste dans son crime, trêve à l'indulgence ! Place à la menace !
«S'il est rebelle à tout, qu'il soit séparé du Corps de l'Eglise, par la formule même inspirée aux Evêques par l'Es-prit-Saint ; parce qu'il a persécuté l'indigent, le pauvre au cœur contrit ; parce qu'il ne s'est point souvenu de la miséri-corde ; parce qu'il a aimé la malédiction, elle lui arrivera et n'a point voulu la bénédiction, elle s'éloignera.
«Et tout ce que l'Eglise a l'habitude de chanter de Judas le traître et des mauvais évêques, que toutes les Eglises le chantent de ce roi infidèle.
«Parce que le Seigneur a dit : Tout ce que vous avez fait au plus petit des miens. c'est à moi que vous l'avez fait, et tout ce que vous ne leur avez pas fait, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait.
«Qu'à la malédiction finale on remplace seulement, comme il convient à la personne, le mot épiscopat par le mot royauté !
«Si les archevêques de Reims, mes successeurs, négligent ce devoir que je leur prescris, qu'ils reçoivent pour eux la malédiction destinée au prince coupable : que leurs jours soient abrégés et qu'un autre occupe leur siège».

2 - BÉNÉDICTIONS

«Si Notre-Seigneur Jésus-Christ daigne écouter les prières que je répands tous les jours en sa présence, spécia-lement pour la persévérance de cette race royale, suivant mes recommandations dans le bon gouvernement de son royaume et le respect de le hiérarchie de la Sainte-Eglise de Dieu,

«Qu'aux bénédictions de l'Esprit-Saint déjà répandues sur la tête royale, s'ajoute la plénitude des bénédictions divines.
«Que de cette race sortent des Rois et des Empereurs qui, confirmés dans la vérité et la justice pour le présent et pour l'avenir, suivant la volonté du Seigneur, pour l'extension de la Sainte Eglise puissent régner et augmenter tous les jours leur puissance et méritent ainsi de s'asseoir sur le Trône de David, dans la céleste Jérusalem, où ils régneront éternellement avec le Seigneur. Ainsi soit-il.

L'authenticité indiscutable de ce document capital pour notre histoire a été prouvée par l'Abbé Dessailly, de l'Acadé-mie de Reims, dans un ouvrage fondamental et décisif sur la question : L'authenticité du Testament de saint Remy, publié au siècle dernier chez Dumoulin, à Paris. (Cf. A.L. de la Franquerie, La Mission Divine de la France, au chap. Le Testament de saint Remy.

Ce testament n'est que la répétition du serment fait par Dieu à David ; cette constatation nous conduit à penser que le peuple franc est prédestiné à continuer la mission qui a été dévolue au peuple juif, dans l'Ancien Testament. Il nous reste à considérer comment l'application de ces sanctions se vérifie, au cours des siècles. sans qu'il soit suffisant d'en attribuer l'opportunité au hasard.


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:17

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 2)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE DEUXIEME : DE CLOVIS AUX CROISADES

En feuilletant notre Histoire, il nous est facile de constater que notre pays est prospère et victorieux, tant qu'il reste fidèle à la vocation de défenseur de la Foi et de la Sainte Eglise, mais sévèrement puni dès qu'il s'écarte de sa ligne de conduite providentielle.

Nous avons vu comment Clovis est parvenu à unifier les Gaules, d'une manière qui déconcerte les raisonnements humains.

Jusqu'au neuvième siècle, il n'y eut point, chez nous, d'hérésie, mais un attachement constant aux principes de la morale chrétienne. Cependant, la décadence des mérovingiens, l'empiètement du pouvoir temporel sur le spirituel, la confiscation des biens de l'Eglise (687 à 751), l'invasion des Arabes, vaincus par Charles Martel à Poitiers (732), paraissaient favorables à une évolution dangereuse des esprits. Or, malgré ces désordres et ces tribulations, la jeune France s'est, en définitive, maintenue dans le droit chemin.

Sous le règne de Charles Martel, l'église franque relâcha beaucoup sa discipline ; mais la victoire remportée par cet intrépide guerrier sur les Arabes, lui mérita la bénédiction divine (la Victoire de Poitiers sauva, à la fois, la civilisation et la religion) : son fils, Pépin le Bref, monta après lui sur le trône, comme étant le prince le plus digne de régner. Le Pape Etienne II vint en personne sacrer le nouveau Roi et, en lui, la seconde branche de la race royale.

«A peine le Souverain Pontife était-il rentré à Rome que le Roi des Lombards assiégea la Ville Eternelle.

«Etienne II fit appel à Pépin : O Francs, il est connu que parmi toutes les nations qui sont sous le soleil, la vôtre est la plus dévouée à l'apôtre Pierre. L'Eglise que lui a confiée Jésus-Christ vous on demande la délivrance». (De la Franquerie, op. cit., p. 88)

Deux fois, Pépin fut obligé de passer les Alpes pour protéger le Pape : en 754 et 756. Il assiégea Pavie, la capitale des Lombards. A la seconde fois, leur roi, Adolphe, se soumit ; il renonça à attaquer Rome et promit de donner au Pape, Ravenne et les autres villes qu'il avait prises aux Empereurs byzantins.

Fulrad, abbé de Saint-Denis, parcourut le pays et reçut des mains des Lombards les clés des villes données au Saint-Siège par Pépin. Les Lombards étaient mécontents, mais n'osaient résister. Cependant, lorsque Fulrad fut rentré à Saint-Denis, ils complotèrent contre Charlemagne et firent de nouveau la guerre au Pape Adrien (772-795). Charlemagne pas-sa les Alpes, prit Pavie, envoya Didier en France et devint Roi des Lombards. Il confirma la donation territoriale que Pé-pin avait faite au Pape. L'Etat Pontifical était solidement établi.
«Charlemagne aimait à se déclarer lui-même :
«Charles, par la grâce de Dieu, souverain des Francs, défenseur et auxiliaire dévoué de la Sainte Eglise dans tous ses besoins». (Histoire de l'Eglise, de l'abbé L. Saltet, p. 93)

Charlemagne fut le plus grand législateur de son temps et peut-être de tous les temps... Rien ne le laissait indifférent ; il s'intéressait à tous les besoins et montrait autant de zèle pour la prospérité de son Empire que pour le développement de la Foi. Il fut vraiment "un homme universel".
Ecoutons à ce propos Monseigneur Fèvre

«Un siècle après la bataille de Poitiers, l'islamisme avait refait ses forces et reprenait ses positions ; la barbarie du Nord, un instant contenue, voulait refluer de nouveau sur l'Occident; la barbarie intérieure, celle des mauvais prin-cipes et des mauvaises mœurs, menaçait de ruiner le travail sanctificateur de l'Eglise.
«Les Wikings normands allaient couvrir la côte européenne, depuis les bouches de l'Elbe, jusqu'a Tanger. L'heure était périlleuse ; un seul orage dans le ciel assombri du huitième siècle pouvait tout compromettre. Mais un Franc se rencontra, homme de génie sublime, le plus grand qui ait porté ici-bas la couronne des rois : Charlemagne. D'un coup d'œil, il comprit son siècle et, pendant un règne de 50 ans, il voulut en cicatriser les plaies, en développer les inspirations, en assurer par des institutions toutes les œuvres d'avenir.

«Cinquante-six expéditions militaires lui permirent d'affaiblir de nouveau l'Islam et de faire pénétrer de nouveau l'Evangile là d'où pouvait revenir la barbarie. Ce fut là sa gloire : elle a été bénie par les Pontifes, chantée par les poè-tes, illustrée par les arts, comme le point décisif de la civilisation...
«En retour, le Pape, par un trait égal de génie et par une institution qui consacrait la vocation providentielle de la France, créa Charlemagne empereur d'Occident...

«L'union de l'Eglise et de l'Empire sauva l'Europe, surtout au Moyen Age. Au milieu du morcellement des fiefs, en présence des passions déchaînées, si nous n'avions eu ce double centre de force et de lumière, le monde fut allé à vau-l'eau, sans moyens de prévenir les déchirements intérieurs, sans possibilité de centraliser les forces éparses et de les appliquer aux grandes entreprises» .

Quand il chevauchait toutes les forêts saxonnes, Charlemagne pensait souvent aux pays ensoleillés d'Orient. Là se trouvait, en Terre Sainte, le Tombeau du Christ, dans les Etats du Calife de Bagdad. Pépin avait eu des relations courtoi-ses avec le calife ; Charles les continua avec soin et envoya des Ambassadeurs à Bagdad. L'un d'eux lui rapporta les clefs du Saint-Sépulcre, en signe de propriété sur ce sanctuaire, que le Calife lui cédait. Charles fit quêter pour les Lieux Saints et devint le protecteur des chrétiens qui y résidaient. Depuis lors, en ce pays, le nom des Francs fut et resta en honneur. (Cf. Histoire de l'Eglise, de Louis Saltet, p. 96)

L'œuvre sociale du Grand Empereur n'est pas moins belle et l'Histoire est prodigue en détails sur l'action civilisatrice de Charlemagne. Parmi les historiens, Godefroi Kurth a écrit sur ce règne splendide un chapitre fort intéressant. Nous y renvoyons nos lecteurs, car il faudrait tout citer. (G. Kurth, Les Origines de la Civilisation moderne, p. 305)

Malheureusement, l'incapacité de Louis le Débonnaire fut préjudiciable à l'Empire franc, qui fut bientôt divisé. On pour-rait croire ici que la Providence a manqué à son serment de bénir notre Patrie qui venait de rendre de «si grands services à la chrétienté».

En vérité, il faut plutôt attribuer à la malice des hommes le triste revirement de notre fortune.

Au lieu de suivre les exemples de leur ancêtre, les fils de Louis le Débonnaire se querellèrent et recherchèrent, non point l'intérêt général et l'extension de la Foi, mais leur intérêt personnel : l'égoïsme a ravagé ce que la grandeur d'âme avait établi.

C'est alors que le titre d'Empereur d'Occident passa du souverain de France à celui d'Allemagne...
En France, la famille Carolingienne, dont les derniers descendants se montrèrent inférieurs à leur tâche, se voit rem-placée sur le trône par la famille de Robert le Fort. Chaque fois qu'un souverain se révèle inapte à tenir son rôle, la Provi-dence suscite un autre prince qui se voit alors comme porté vers la couronne par les événements.

Saint Rémi n'a-t-il pas dit : «Si un jour cette race royale, rendant le mal pour le bien, devient hostile à l'Eglise... que les Jours du monarque soient abrégés et qu'un autre reçoive sa royauté !» (Testament de saint Remy, déjà cité, Malédictions)
Pendant tout le dixième siècle, les descendants de Charlemagne et ceux de Robert le Fort se disputèrent la couronne.

Après Charles le Simple, la famille de Robert régna de nouveau, de 922 à 936, représentée par deux rois successifs ; puis la race carolingienne fournit encore trois rois : Louis IV le Débonnaire, Lothaire et Louis V, de 936 à 987. Mais, alors, les Grands donnèrent définitivement la couronne à un descendant de Robert, Hugues Capet, Duc de France.
Ainsi fut fondée la troisième race de nos Rois. (Cf. Histoire de France, de A. Armmann et C. Coutant, p. 59)

Le nouveau Roi, Hugues Capet, s'assure l'appui de l'Eglise et affirme le principe de l'hérédité mâle en faisant sacrer de son vivant son fils Robert. La piété de ce dernier et la clairvoyance d'Henri Ier, qui fait prévaloir l'ordre de primogéniture mâle, assurent peu à peu au Roi de France un prestige que saint Grégoire le Grand va proclamer au temps de Philippe 1er, quand il écrira que les Rois de France sont «autant au-dessus des autres monarques que les souverains sont au-dessus des particuliers». (A.L. de la Franquerie, op. cit., p. 90)


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:18

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 3)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE TROISIEME : DES CROISADES A LA GUERRE DE CENT ANS

Au dixième siècle, la Féodalité aggrava la confusion des pouvoirs civils et religieux, de la souveraineté et de la pro-priété, d'où naquirent de nouvelles causes de désordres. Suivant les pays, le seigneur, le Roi de France ou l'Empereur d'Allemagne était, en même temps, chef spirituel et temporel. L'investiture laïque était un grand mal. L'Eglise a, seule, le droit et le devoir de choisir et d'examiner les candidats à l'épiscopat. L'investiture a souvent donné de très mauvais évê-ques : gens sans vocation et principalement attachés aux honneurs et à la richesse. Puis la dépendance personnelle de l'évêque vis-à-vis de son Seigneur était humiliante et présentait de graves inconvénients.
De plus, la "simonie" causa de graves dommages, tant au point de vue spirituel que matériel. Il s'ensuivit une déca-dence très marquée des mœurs, appelant prompte réforme.

A ces dangers vint se joindre celui d'une hérésie, venue des bords du Danube ; ses adeptes ont pénétré en Italie, ont traversé les Alpes et sont venus répandre leurs erreurs en France. Ils disaient :
«Ce monde est le domaine du démon ; l'Eglise n'est pas sainte ; le clergé n'a aucune autorité divine. II faut fon-der une nouvelle Eglise sans culte, sans cérémonies, sans reliques. Il faut rejeter les dogmes de l'Incarnation, de l'Eu-charistie, ainsi que l'Ancien Testament». Ces hérétiques ne faisaient que rajeunir une vieille erreur: celle des Mani-chéens, religion d'origine persane, professée par Manès. (Cf. Histoire de l'Eglise, de l'abbé Louis Saltet, p. 113).
Mais le Ciel préparait ses voies et formait, dans l'ombre, ses "instruments".
«C'est à ce moment que la Providence rapprocha deux hommes dont le souvenir est intimement lié aux origines de l'Ordre de Cluny qui, pendant deux siècles, devait briller d'un si vif éclat. Ces deux hommes étaient Guillaume le Pieux, Duc d'Aquitaine, et un pauvre moine, nommé Bernon, qui dirigeait alors deux petits monastères qu'il avait fon-dés quinze ans auparavant, dans la Bourgogne transjurane, à Gigny et à la Balme.
«Le village de Cluny, situé à trois lieues au Nord-Ouest de Macon, devint le berceau d'une grande œuvre».
La petite fondation ne devait pas tarder à prendre de l'importance, à voir se grouper autour d'elle de nombreux prieurs, à s'affilier d'autres abbayes.

Ainsi fut fondé l'ordre clunisien ; ses moines ont exercé une influence considérable sur tous les monastères et le clergé, et, par eux, sur l'Eglise entière. Ainsi, nous verrons toujours en France surgir le remède à côté du mal. A chaque période où les mœurs se relâchent, apparaissent de nouveaux instruments destinés à perpétuer Gesta Dei per Francos.

Ce grand souffle de renouveau chrétien réveilla les consciences endormies par la médiocrité du Xe siècle. Les Français retrouvaient leur zèle patriotique et missionnaire, et répondirent avec enthousiasme au prédicateur de la première Croisade, Pierre l'Ermite.

«Le Royaume de Jérusalem fut fondé. Ce fut vraiment un royaume français ; les Français étaient en grande majorité parmi ses créateurs ; ils reproduisaient en Orient les coutumes de France et c'est en langue française qu'étaient écrites les Assises de Jérusalem, «les lois du nouveau Royaume». (Histoire de France du Brevet Élémentaire, de Armmann et Coutant)

Tandis que les croisés guerroyaient au loin, la réforme de l'Église faisait de grands progrès en France. Une entente croissante régnait entre l'Eglise et notre pays ; le clergé était, de nouveau, étroitement uni au Roi qu'il aidait dans l'œuvre de l'Unité nationale. Le rôle de Suger fut bienfaisant ; la royauté et le gouvernement avaient un air familial ; la France retrouvait ses traditions.

A l'extérieur, le Roi s'entendait très bien avec le Pape ; au XIIe siècle, six papes vinrent se réfugier en France, chassés d'Italie par des troubles graves. Il nous reste des preuves magnifiques de la vie profonde qui refleurit à cette époque : les cathédrales.

Le règne de Philippe-Auguste marque la fin de la tutelle allemande sur la Papauté ; cette tutelle n'avait pas été heureuse et il était temps que, de nouveau, le roi de France reprit son rôle de protecteur du Saint-Siège.

Frédéric Barberousse, alors empereur d'Allemagne, considérait le Roi de France comme "un roitelet". Il voulut imiter Charlemagne et se rendre maître de l'Italie et de Rome ; en 1159, il ne reconnut pas le Pape Alexandre III et fit nommer un anti-Pape : Pascal III. Alexandre se réfugia en France (1162-1165). Enfin, l'Empereur fut battu et la paix conclue à Venise, en 1177.

La Providence conduisit les événements de telle sorte qu'il devint évident que le Protectorat de la Papauté devait revenir à la France. Ici se produisit un fait significatif sur l'opportunité d'une entente entre le Pape et le Roi : Philippe-Auguste n'hésita pas à s'opposer à la politique pontificale à l'occasion de la succession impériale :

«En 1198, malgré les avertissements lumineux de Philippe-Auguste, le pape fait triompher la candidature de Othon de Souabe, qui, à peine élu, se retourna contre son bienfaiteur. Alors, le Souverain Pontife, humblement, re-connaît son erreur et fait appel au Roi de France : Ah, si nous avions pénétré aussi bien que vous le caractère d'Othon, il ne nous aurait pas trompé. Le fils impie persécute sa Mère... Qui peut, désormais, avoir confiance en lui ! Nous vous parlons à notre honte, car vous nous aviez bien dit de nous métier de cet homme». (André Rousseaux : La Politique religieuse de la Monarchie)

«Ainsi l'Histoire montre que si, dans le domaine spirituel, le Successeur de Pierre jouit de toutes les lumières du Saint-Esprit, il n'en est plus de même dans les questions temporelles : C'est le Roi de France qui, sur ce terrain, en bénéficie, car c'est lui qui a mission - de par la volonté divine - de les régler et qui reçoit d'en-haut grâce à son Sacre - les lumières et les grâces qui lui sont nécessaires à ce sujet». (A.L. de la Franquerie, op. cit. p. 93)

Vers la fin du règne de Philippe-Auguste, la protection divine va se manifester ostensiblement ; ce fut, d'abord, la conquête de la Normandie et des domaines de Jean Sans Terre : le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Poitou (1203-1204). Puis l'éclatante victoire de Bouvines sur les coalisés (1214).

«Les Français ont à lutter contre un ennemi trois fois supérieur. Ils fléchissaient d'abord sous le nombre ; mais vers trois heures, du fond de la plaine ensoleillée, apparaît, déployée, la Sainte Oriflamme ; une force mystérieuse s'échappe de ses plis ; sa vue déconcerte, puis épouvante les ennemis. Ils cèdent, brisent leurs lignes et, bientôt, fuient de toutes parts... En ce jour, naquit la grande Patrie française». (Chanoine de Roquetaille, Les Grands Pèleri-nages de France : Saint-Denis).

«Pour longtemps, le péril allemand est écarté ; l'Eglise et la France sont sauvées. Philippe-Auguste a bien mérité de l'une et de l'autre. A son fils incombera une autre tache : détruire l'hérésie albigeoise, dont les conséquences reli-gieuses et politiques peuvent être considérables, puisqu'elles aboutissent à un malthusianisme avant la lettre et à l'ex-tinction de la race. Louis VIII la combat hardiment et meurt au retour de l'expédition». (de la Franquerie, op. cit. p. 94).
La gloire de Philippe-Auguste est grande ce prince a rendu de grands services à la France, dont il refit l'unité et la puissance territoriale, ainsi qu'à l'Eglise qu'il a délivrée définitivement de la protection trop pesante des empereurs allemands.

SAINT LOUIS

Ces grands services rendus à la cause de la civilisation ont attiré sur notre Patrie une nouvelle bénédiction : ce fut saint Louis. Sa gloire si pure attendrira toujours le cœur de nos compatriotes.

«Ce qui a fait la puissance de saint Louis et la grandeur de la France sous son règne, ce fut l'éminence de ses vertus chrétiennes. il est le roi très chrétien par excellence et, à ce titre, celui qui a le mieux accompli, en sa personne, les promesses du baptême de Clovis». (La France chrétienne dans l'Histoire : Livre sixième, chap. 1er, de H. Wallon)
L'incomparable figure de Louis IX est un enseignement vivant, extrêmement riche et d'autant plus attachant que ce Prince est un modèle unique dans l'histoire de nos Rois. La beauté de ce règne est toute spirituelle et tellement impré-gnée des parfums célestes de la grâce qu'elle place son "héros" sur une hauteur inattaquable et lui donne une gloire qui n'est déjà plus celle de ce monde...

Les historiens qui se sont penchés sur cette vie exemplaire sont tous d'accord pour en montrer la pure et délicate harmonie. Bon fils, époux modèle, père sage et prudent, souverain bienfaisant, à la fois Roi et Père de son peuple, chré-tien parfait, la seule ombre projetée sur cette existence étonnante fut celle de la défaite aux Croisades ; or, de cet appa-rent échec, lui est venu le triomphe, non point celui des armes, mais celui des cœurs.

«Saint Louis, après de si grands revers, fut reçu en France comme en triomphe. On vénérait en lui un confesseur de la foi, presque l'égal d'un martyr. L'ascendant qu'avant la croisade il avait exercé dans ses Etats et au dehors ne pouvait, dès lors, que s'accroître ; ceux qui l'avaient suivi dans la Croisade, témoins de son héroïsme et sauvés par son dévouement, l'entouraient de leur vénération... Aussi, voyait-il s'étendre autour de lui cette paix qui lui était si chère...» (La France chrétienne dans l'Histoire : l. 6, chap. 1er, de H. Wallon, p. 295)

M. Goyau, dans L'Histoire Religieuse, met en relief le caractère nouveau du zèle missionnaire :
«Saint Louis, en 1270, sur la plage pestiférée de Tunis, consentit à un autre dénouement que la prison, il fit ac-cueil à la mort. On reparlera beaucoup de croisade, quatre ans après, au Concile de Lyon ; ce seront des paroles sans lendemain, auxquelles répondra, en 1291, la chute de Saint-Jean d'Acre, dernier lambeau du Royaume de Jéru-salem.
«Saint Louis avait fait sienne l'idée de croisade ; il était mort pour cela ; mais il avait secondé parallèlement l'aspi-ration franciscaine vers l'apostolat de l'infidèle (saint Louis était tertiaire franciscain). Entre l'idée qu'il avait prolongée et l'aspiration qu'il aidait à faire éclore, le monde chrétien devra choisir : la guerre systématique est une mauvaise pré-face pour les essais de conversion. Le monde chrétien optera pour les missions et saint Louis, parce qu'animé de l'esprit franciscain, aura été un précurseur». (Histoire Religieuse de la Nation Française, p. 266, de G. Goyau)

SAINT BERNARD - SAINT DOMINIQUE - SAINT FRANÇOIS

Il serait injuste de passer sous silence l'œuvre entreprise par ces "héros" de la sainteté que furent saint Bernard, saint François d'Assise et saint Dominique. Leur influence s'exerça à l'heure voulue pour orienter les chrétiens vers une perfec-tion morale plus affinée.

En choisissant le royaume de France comme instrument, il est manifeste que Dieu n'a pas eu en vue seulement la prospérité matérielle, mais encore et surtout la sanctification des peuples.

Or, le moment était venu de travailler les âmes avec les armes spirituelles et d'élever le cœur des guerriers vers l'idéal des conquêtes surnaturelles.

Ce renouveau de spiritualité ajoute un parfum très doux à l'époque où vivait saint Bernard, parfum qui annonçait la prochaine manifestation de la particulière protection de la Vierge sur notre Patrie : Marie, Reine de France, allait, grâce à Bernard, prendre le premier contact officiel avec son Royaume préféré.

Saint Bernard et Louis VII organisèrent une nouvelle Croisade, à l'appel du Pape Eugène III. Cette expédition échoua, mais le Roi de France, rentrant d'Orient, rapportait au Puy la statue de la "Vierge Noire". Les pèlerinages s'organisaient à mesure que les miracles abondaient, ce qui attirait de nouvelles foules.

Le pèlerinage du Puy connut une immense vogue au Moyen Age ; les Rois de France avaient coutume de s'y rendre, dans le but de recommander leur Royaume à la Vierge ; la protection de la Mère de Dieu n'a jamais manqué à notre pays.
Cependant, les puissances du mal cherchaient à faire échec à l'œuvre de Dieu, qui s'annonçait de si merveilleuse façon ; nous constaterons toujours, aux époques de renouveau chrétien, une offensive plus marquée des suppôts de Sa-tan ; car, en définitive, tout aboutit, ici-bas, à une lutte incessante, plus ou moins sensible, suivant les âges, entre le Bien et le Mal.
Nous avons déjà parlé de l'hérésie venue des bords du Danube et qui a réussi à former beaucoup d'adeptes ; ceux-ci avaient encore des descendants à l'époque de saint Bernard. Pendant deux siècles, ces erreurs avaient couvé «comme des épidémies, de divers côtés, en France ; la principale était celle des Albigeois ; saint Bernard avait essayé de les évangéliser, mais sans grand succès». (Cf. Histoire de l'Église, de l'Abbé L. Saltet, p. 159).

Une soixantaine d'années après la mort de saint Bernard, saint François d'Assise et ses frères mineurs donnèrent aux hommes le spectacle de la véritable "vie évangélique". Le monde a revu les premiers jours du christianisme.

Saint François était Italien ; mais il aimait tant la France qu'il songea à l'évangéliser lui-même. Ses historiens racontent que lorsqu'il «prêchait sous l'inspiration du Saint-Esprit, il parlait Français» .

Saint Dominique, Espagnol, est venu en France au début du XIIIe siècle, pour prêcher aux Albigeois ; il fonda, en 1216, un monastère et un nouvel ordre religieux, à Toulouse. Ses disciples ont pris le nom de Frères prêcheurs.

Qui peut dire tout le bien qu'ont réussi à accomplir les Frères Mineurs de Saint-François et les Frères prêcheurs de Saint-Dominique, non seulement en France, mais dans le monde entier ?

Mais, il nous faut parler maintenant d'une autre forme d'institution qui a contribué à donner à la France une influence mondiale incomparable : l'Université.

L'UNIVERSITE DE PARIS

Au Moyen Age, l'Eglise possède presque le monopole de l'enseignement ; ceci s'explique par un fait : le clergé est le seul corps savant. Ce monopole se justifie par une idée : la théologie est la reine des sciences et la foi le guide de la rai-son ; aussi, pendant des siècles, les seules Ecoles que l'Europe ait connues ont été des Ecoles épiscopales ou monasti-ques.
Au treizième siècle, sous l'inspiration et avec l'aide de l'Église, sont nées partout les Universités. Mais, cette institution si originale, c'est la France qui en a donné un des premiers exemples et le plus illustre. L'Université de Paris a été, durant tout le Moyen Age, la principale Ecole de théologie du monde.

«La Gaule, écrivait le légat pontifical, Eudes de Châteauroux, est le four où cuit le pain intellectuel du monde en-tier».
L'Université de Paris est issue de l'école épiscopale de Notre-Dame ; on y enseignait la théologie, l'Ecriture Sainte, le droit canonique, la médecine et ce que l'on appelait les sept arts libéraux : l'arithmétique, la géométrie, l'astrologie, la musique, la dialectique, la rhétorique et la grammaire.

De l'Université dépendaient des Collèges, établissements qui offraient à certaines catégories d'étudiants : le vivre, le couvert et, bientôt même, par la suite, l'enseignement, quand chaque collège se fut assuré une ou plusieurs chaires magistrales.

Un grand nombre d'Universités se créèrent aux treizième et quatorzième siècles, en France et à l'étranger ; mais la plupart d'entre elles laissaient de côté la théologie. On savait que, sur ce terrain, la lutte était impossible et ce privilège convenait parfaitement à la Fille aînée de l'Eglise.

C'est ainsi que les Universités étrangères, instituées sur le modèle de celle de Paris, recevaient d'elle leurs doctrines, leurs programmes, leurs méthodes. La multiplication même des établissements rivaux fut pour Paris un moyen indirect de domination .

Des noms célèbres illustrèrent la liste d'élèves de l'Université de Paris, dont saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure.
Ainsi, on voit que, peu à peu, la France s'est transformée harmonieusement ; après le regroupement territorial et une fois la fusion des races accomplie, l'œuvre maîtresse du perfectionnement moral s'est ébauchée, puis précisée. Le caractère franc se cisela et perdit sa rudesse native sous l'influence bienfaisante des enseignements de l'Eglise romaine.

A mesure que les âmes se purifiaient, les intelligences éprouvaient le besoin de s'instruire davantage, l'idéal s'élevait, l'esprit dominait la matière. Aux sciences religieuses, auxquelles Pape et Roi s'efforçaient de laisser la première place, se joignirent les autres branches du savoir humain. On ne peut nier que ce soit l'Eglise qui ait favorisé l'extension des sciences profanes et qu'elle ait été, vraiment, la "Mère des sciences".

Cette remarque n'est pas inutile à notre époque où tant d'esprits sectaires se sont appliqués à représenter la religion comme une cause "d'obscurantisme" et d'affaiblissement de la personnalité humaine. Rien n'est plus faux ; il suffit, pour s'en convaincre, de relire l'histoire des siècles écoulés.

Si les hommes ont souvent dévié de la ligne droite et raisonnable offerte à leurs recherches ; si la science n'a abouti, parfois, qu'à de tristes résultats, si l'ignorance s'est révélée comme un danger public, il faut en accuser la malice humaine, mais certainement pas l'Eglise.

Il est temps de remettre les choses au point et d'expliquer aux générations qui montent que, si la France est universellement connue, aimée et admirée, cela vient, certes, de son incontestable prestige dans tous les domaines, mais que ce prestige lui est venu de son attachement à la vérité et de sa participation généreuse à l'œuvre de civilisation chrétienne, sous l'impulsion de ses Rois. Ceux-ci acceptaient leur mission, sous l'égide maternelle de l'Eglise et la sauvegarde de la religion .

La France n'a pas réalisé seule sa grandeur... celle-ci a toujours été en fonction directe de la soumission filiale de notre Patrie aux enseignements qui émanent de la chaire de Saint-Pierre.
Il fait bon s'en souvenir...


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Message par Her Dim 20 Mar - 0:19

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 4)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE QUATRIEME : DE LA GUERRE DE CENT ANS A LA RENAISSANCE

Jusqu'ici, les rois de France sont toujours restés fidèles à leur vocation ; il y eut bien, aux périodes de décadence mé-rovingienne et carolingienne, des souverains plus ou moins capables, mais nul conflit ne s'était élevé entre la Papauté et la Royauté.
Pour son malheur et celui de la France, Philippe le Bel va, soudain, le premier, rompre la tradition en se montrant in-juste et violent à l'égard du Successeur de saint Pierre et même rebelle à son autorité.
La sanction d'une telle faute ne tardera pas à se manifester et ce sera la Guerre de Cent Ans.
Philippe le Bel, épris de domination et avide d'argent, était entouré de légistes discutables. Ses méthodes de gouver-nement suscitèrent alors, à Rome, des plaintes répétées.
Le Pape Boniface VIII aimait la France et ne voulait pas faire tort au roi ; mais, en la circonstance, il fit montre d'une très grande fermeté dans ses remontrances. Philippe le Bel eut le tort de lui résister ouvertement.
Telle fut l'origine d'une malheureuse et redoutable querelle qui dressa, à l'époque, l'une contre l'autre, les deux puis-sances, dont la destinée est de s'unir et de se compléter.
Les légistes de Philippe agirent de telle sorte qu'ils voulurent contraindre le Pape à comparaître devant un concile pour y être jugé.
Philippe IV envoya Nogaret en Italie pour se saisir du Pape et le ramener en France. Boniface fut pris et maltraité, puis délivré par le peuple romain il mourut d'émotion peu de temps après (1303).
La lutte ne se termina que sous Clément V, élu Pape en 1305, par la volonté de Philippe le Bel. Le Pontife, malade, n'osa pas résister au roi et vint se fixer à Avignon. La Papauté devait y résider pendant 70 ans.
Ce fut alors le grand schisme d'Occident ; la division religieuse du monde chrétien pendant 40 ans (1378-1417) ; il y eut deux Papes, celui de Rome et celui d'Avignon (1378-1409). Ensuite, pendant huit ans, il y en eut trois, celui d'Avignon, celui de Rome et celui de Pise. Chaque Pape avait ses partisans ; l'Eglise était partagée entre trois obédiences qui s'ex-communiaient mutuellement. (Cf. Histoire de l'Eglise, par Abbé L. Saltet, p. 174 et suiv.)
Ecoutons M. de La Franquerie évoquer cette phase de notre histoire.
«Sans doute, les erreurs et l'ambition démesurée de Boniface VIII avaient pu impatienter légitimement Philippe le Bel ; mais le petit-fils de saint Louis, le Fils aîné de l'Eglise, se devait à lui-même et devait à ses ancêtres et au monde chrétien de se défendre par d'autres moyens.
«Le crime du Roi est patent ; c'est le premier depuis neuf cents ans. Il est national ; tous les Corps de l'Etat l'ont approuvé. Le châtiment va être exemplaire.
«Le Roi meurt jeune et accablé de remords ; ses trois fils vont lui succéder sur le trône sans laisser d'héritier. La couronne passe à la branche des Valois. Voilà le châtiment royal.
«Que ses jours soient abrégés et qu'un autre reçoive sa royauté», avait dit saint Remy...
«Pourtant, Philippe le Bel a manifesté publiquement son repentir ; les recommandations qu'il fit à son fils sur son lit de mort et qui constituent son testament en sont la preuve : Premièrement, aimez Dieu, craignez-le, respectez l'Eglise, soyez-en le protecteur, soutenez votre Foi : soyez un champion invincible du ciel...
«Pesez, oui, pesez ce que c'est que d'être Roi des Français, et alors montrez-vous tel que Dieu soit glorifié en vous et vos sujets consolés par la certitude d'avoir un bon Roi. Souvenez-vous que vous serez Roi de France et hono-rez en vous-même la dignité royale». (de la Franquerie; op. cit. p. 110-111)

JEANNE D'ARC
Il faut renoncer à expliquer, humainement, l'épopée de la Pucelle. Il ne suffisait pas que les "voix" aient notifié à Jeanne la volonté divine ; il convenait, en outre, que des signes précis accréditassent sa mission aux yeux du Souverain.
Premièrement, Jeanne reconnaît Charles dissimulé parmi les seigneurs et lui expose sans hésitation le but de sa vi-site : «Je suis venue avec mission de par Dieu, de donner secours à vous et au Royaume. Et vous mande par moi, le Roi des Cieux, que vous serez sacré et couronné à Reims et que vous serez lieutenant du Roi des Cieux, qui est Roi de France».
La Pucelle demande ensuite à Charles de l'entretenir en particulier ; elle lui révèle la Prière que, dans son angoisse, il avait adressée à Dieu. Voici cette prière
«Adonc, Seigneur, mon Dieu, est-ce que, à cause de la conduite de ma Mère, je ne serais pas, ainsi que je l'ai cru, l'héritier légitime du trône et de la Couronne de France ? S'il en est ainsi, inspirez-moi, Seigneur, auquel cas je suis décidé à rendre le Royaume à qui il appartient et à quitter le pouvoir pour me retirer en royaume ami !
«Au contraire, si je suis réellement fils du Roi et légitime héritier de la Couronne je vous prie et demande de combattre pour moi et m'aider à recouvrer mon Royaume.
«Si les malheurs de la France sont arrivés à cause de mes péchés, qu'il vous plaise, Seigneur, de me punir tout seul, tout en m'épargnant rude prison et mâle mort , mais si ces malheurs sont la conséquence des péchés du peuple, veuillez bien apaiser votre colère et pardonner».
On devine l'impression produite sur le Dauphin par la révélation de cette supplication mentale, connue, jusqu'ici, de lui seul... Cette impression ne put qu'être confirmée par l'attitude victorieuse que tint la Pucelle durant les longs interrogatoi-res qu'elle dut subir ; puis, par la découverte de l'épée miraculeuse de Fierbois, enfin par la délivrance inespérée d'Or-léans...
Nous ne relaterons pas l'épopée de la Pucelle ; nous ferons simplement remarquer la différence frappante qui existe dans la suite des événements, avant et après le Sacre de Reims.
Jeanne, lorsqu'elle parlait de sa mission, affirmait simplement deux choses, savoir : qu'elle était envoyée pour faire le-ver le siège d'Orléans et pour conduire le Roi à Reims en vue de son Sacre. Ce programme est celui qui lui fut montré par les Messagers célestes ; il réussit de merveilleuse façon.
Il est évident que la mission de la bergère de Domremy porte un caractère hautement surnaturel, que l'on y reconnaît le doigt de Dieu. «La France, comme nation sauvée par Jeanne d'Arc, est donc une nation consacrée par Dieu et voulue de Dieu pour l'accomplissement de ses desseins parmi les peuples rachetés». (Mgr Fèvre : Dissertations sur le 44e Livre de l'Histoire de Rohrbacher, p. 166)
M. de La Franquerie nous parle d'une prophétie de Jeanne d'Arc, bien faite pour nous redonner confiance à l'heure actuelle : «Le samedi 10 mars, lors de son procès au cours de l'interrogatoire de Cauchon, Jeanne a dit que la couronne de France durera mille ans et plus. – «Jeanne a prédit que la France accomplirait, pour le salut de la chrétienté, un ex-ploit grandiose qui dépasserait tout ce que l'univers a vu jusqu'ici. Le Monde sera donc un jour le témoin de cette entre-prise merveilleuse qui surpassera les Croisades et Lépante. Et pour l'accomplir, il faut bien que le France se relève et re-prenne sa noble épée de Dieu». (de la Franquerie, p. 122 op. cit. d'après les chroniqueurs de France)


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Message par Her Mar 22 Mar - 14:06

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 5)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE CINQUIEME : DE LA RENAISSANCE A LA REFORME

La France venait d'être sauvée de la domination anglaise ; on pouvait croire que Charles VII et surtout ses succes-seurs profiteraient des leçons du passé et se conduiraient en véritables protecteurs de l'Eglise. Tout au contraire, la poli-tique française allait contrecarrer la politique romaine.

Les premières difficultés apparurent à l'occasion du Concile de Bâle (1431-1449). Ses membres étaient animés des meilleures intentions ; ils voulaient réformer l'Eglise, détruire l'égoïsme et faire revivre le véritable esprit chrétien ; mais leur erreur fut de vouloir se placer au-dessus du Pape en ne lui laissant qu'un rôle secondaire.

En 1438, le Pape Eugène IV et le Concile envoyèrent alors, chacun de leur côté, des ambassadeurs à Charles VII pour savoir de quel côté se rangerait le roi de France.

C'est ici que celui-ci abandonna son rôle de défenseur de la Papauté, se plaça au-dessus du Pape et du Concile en publiant un Edit réglementant la vie de l'Eglise de France. Ce fut la Pragmatique Sanction de Bourges (1438), par la-quelle le roi prétendait régir des affaires religieuses qui n'étaient pas de son ressort.

Lorsque Charles VIII entreprit les guerres d'Italie, ce ne fut pas, cette fois, dans le but de défendre le Saint-Siège... aussi, l'expédition ne lui réussit pas... Il mourut sans enfant, en 1498. Avec lui, s'éteignait la ligne directe des Valois, qui régnait depuis 1328.

Louis XII fut plus ambitieux et plus maladroit encore... de plus, il se heurtait au belliqueux Jules II et l'on vit Souverain et Pape se combattre avec une égale ardeur, ce qui ne réussit ni à l'un, ni à l'autre. Jules II mourut en 1513 ; quant à Louis XII, il dut signer les traités d'Orléans et de Londres (1514), qui lui enlevèrent toutes ses conquêtes. Veuf d'Anne de Bretagne, il se remaria avec la jeune sœur du Roi d'Angleterre ; mais il mourut quelques mois plus tard, ne laissant qu'une fille... La royauté, une fois de plus, passa à une autre branche, celle des Valois-Angoulême.

François Ier, plus habile et plus généreux que ses prédécesseurs, renoua les relations avec le Saint-Siège. La victoire de Marignan marqua la fin de la Sainte-Ligue, que le Pape Jules II avait formée contre l'armée française de Louis XII. François, victorieux, fit des avances au Pape ; tous deux se rencontrèrent à Bologne (1515). II fut décidé que la Pragma-tique Sanction serait cassée et qu'un accord interviendrait entre le Pape et le Roi au sujet de l'Eglise de France, surtout pour la nomination des évêques et des abbés.

Du fait de la suppression de la Pragmatique, la France cessait de nier officiellement l'autorité souveraine du Pape dans l'Eglise ; le gallicanisme recevait un coup terrible ; le Parlement et le clergé français ne voulaient pas du Concordat, mais le Roi eut la sagesse de l'imposer (1518). L'opposition du clergé dura près d'un siècle ; mais celle des légistes de-vait se montrer plus opiniâtre, puisqu'elle dura jusqu'à la Révolution.

Il n'est pas douteux que cette période de la Renaissance ait beaucoup contribué à déchristianiser les âmes. En res-suscitant l'art païen, on réveillait l'esprit qui l'avait animé ; en exaltant ses divinités, on en vint à oublier les préceptes de la morale chrétienne.


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Message par Her Mer 23 Mar - 8:35

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 6)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE SIXIEME : DE LA REFORME A LA REVOLUTION

«Au seizième siècle, comme au cinquième, l'unité chrétienne était rompue en Europe : les protestants, ainsi qu'autrefois les ariens, menaçaient de tout côté l'Eglise catholique, presque partout réduite à la défensive, trahie par la plupart des gouvernements ; n'eussent été les promesses du Christ, Rome eut, à bon droit, désespéré de l'avenir. Depuis longtemps, l'Europe orientale s'était détachée d'elle ; l'Europe septentrionale venait de lui déclarer la guerre ; même l'Espagne et l'Italie étaient incertaines ; de l'attitude de la France dépendaient humainement les destinées de l'Eglise ; que ce noble et grand royaume mit au service de la Réforme son génie intellectuel, sa puissance politique, ses forces militaires, c'en était fait, sans doute, du catholicisme en Europe.
«Au temps des derniers Valois, comme au temps du fondateur de la monarchie franque, notre pays allait être le champ clos où l'erreur et l'orthodoxie devaient se livrer la décisive et suprême bataille ; sous Henri IV, comme sous Clovis, la vérité triompha et la France fut, une fois de plus, l'instrument dont Dieu se servit pour en conserver l'empire ébranlé. Le protestantisme ne fut pas détruit, mais sa marche en avant fut à tout jamais arrêtée». (La France chré-tienne dans l'Histoire, Mgr Baudrillart, livre 7, ch. 1, p. 341).
Cependant, l'état des esprits était des plus inquiétants ; la Renaissance avait ouvert le champ à l'émancipation intel-lectuelle, la lutte entre les Papes et les Rois avait produit le plus fâcheux effet ; la réforme des gens d'Eglise n'aboutissait pas. Il est alors surprenant que les théories de Luther et de Calvin, qui triomphaient partout, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, n'aient pas eu davantage d'extension en France. Sans doute, l'âme française était-elle profondément reli-gieuse, mais il faut bien reconnaître qu'une protection particulière de la Providence a sauvé la France de l'hérésie protes-tante.
Ce n'est pas en vain, on l'oublie trop souvent, que la France est aussi le Royaume de Marie, «qui a terrassé toutes les "hérésies"».

HENRI IV

Avec Henri de Navarre, c'est un descendant direct de saint Louis qui aspire au Trône ; avec lui apparaît la branche des Capétiens-Bourbons qui fera la grandeur de la France jusqu'à la Révolution. Notre Patrie inaugure, ici, l'ère de son apogée.
Mais un obstacle s'opposait au sacre d'Henri de Navarre, ce prince était protestant ; le peuple était trop profondément attaché à ses traditions pour accepter un souverain qui ne partageait pas sa foi ; aussi, Henri de Navarre dut-il s'incliner.
On ne voit pas, d'ailleurs, comment un roi protestant aurait pu, sincèrement, se dire le Père de tous ses sujets et sur-tout le protecteur de l'Eglise romaine, ces deux prérogatives inséparables de la couronne de France.
Aussitôt après sa conversion, Henri IV montra qu'il avait compris la portée de son geste et la grandeur de son rôle ; ce ne fut pas son moindre mérite. Il sut se comporter en digne successeur de saint Louis ; son premier soin fut de pacifier son royaume, au spirituel comme au temporel, contre les ennemis du dedans et ceux du dehors. Le bon peuple de France allait enfin connaître une nouvelle période de paix.
La paix religieuse que la sage tolérance d'Henri IV sut donner à tous permit aux catholiques de "vivre leur religion".
Par suite des guerres, l'éducation, surtout celle des filles, avait été négligée ; c'était l'œuvre la plus pressante ; les ins-truments ne manquèrent pas.
Vers 1605, les Ursulines viennent s'installer en France ; les écoles populaires sont organisées ; dans leurs nombreux collèges, les Jésuites établissent les méthodes de l'enseignement classique. En 1606, Jeanne de Lestonnac, nièce de Montaigne, fonda, à Bordeaux, l'Institut des religieuses de Notre-Dame.
Henri IV favorisa l'essor colonial de la France ; il essaya de créer une Compagnie des Indes et envoya Champlain au Canada.

LOUIS XIII

Le règne de Louis XIII ouvre une ère nouvelle.
Les dernières insubordinations huguenotes sont réprimées par Richelieu.
Une vie surnaturelle intense va bientôt se manifester partout en France et s'étendre au monde entier.
C'est alors qu'apparaîtra, dans son admirable diversité, l'effusion des dons du Saint-Esprit, à l'occasion des transfor-mations profondes qui marquent cette époque.
L'œuvre qui s'imposait, toute la première, était celle des Séminaires.
Pour l'accomplissement de cette tâche ardue, de saints prêtres vont conjuguer leurs efforts.
Saint Vincent de Paul fonde la Congrégation des Prêtres de la Mission, ou Lazaristes ; en 1624, il établit des retraites ecclésiastiques et crée des séminaires. Tour à tour, le Cardinal de Bérulle fonde, en 1611, la Congrégation de l'Oratoire, tandis que, en 1642, M. Olier créait la Compagnie de Saint-Sulpice, pour la formation du clergé.
Richelieu favorisera et soutiendra efficacement toutes ces entreprises.
L'œuvre de saint Vincent de Paul ne se limite pas aux besoins du clergé ; elle s'étend aussi aux déshérités de la vie et on peut dire que son époque inaugure, dans l'Eglise, une nouvelle forme de charité sociale.
La sanctification des âmes est, ensuite, comme le couronnement de toutes ces œuvres.
Facilitée par les écrits de saint François de Sales, cette réforme du meilleur de l'homme ne devait pas tarder à porter des fruits abondants. Toute la société est profondément travaillée ; des retraites sont prêchées dans tout le pays ; la fer-veur se fait plus vive ; des femmes du monde joignent leur activité à celles des religieuses pour les soins à donner aux malades, la visite des hôpitaux. L'Introduction à la Vie dévote, ce chef-d'œuvre de saint François de Salis, était le livre de chevet de bien des âmes généreuses, chez les humbles comme chez les gens de qualité.
Beaucoup iront plus loin dans la vie de perfection et de renoncement.
Madame Acarie appelle à Paris les Carmélites de sainte Thérèse et entre avec ses trois filles au Carmel, où viennent bientôt les rejoindre les filles du Garde des Sceaux, M. de Marillac. C'est encore Jeanne de Chantal qui fonde l'ordre de la Visitation, appelé à connaître un renom éclatant.
Bref, la réforme des esprits, attendue depuis si longtemps, se précisait avec une ampleur et un éclat dont le rayon-nement allait s'étendre bien au-delà de nos frontières.
Il faut renoncer à décrire, ici, tout ce que fut l'effort missionnaire de la France, au Levant, en Afrique et en Amérique.
Il serait trop long aussi d'énumérer toutes les œuvres, congrégations, pieuses confréries, séminaires, etc... qui furent fondés sous le règne de Louis XIII.
Le caractère particulier de la piété de ce siècle est le merveilleux développement de la dévotion à Marie ; le roi fut le dévot fervent de la Madone et la France doit à sa pieuse initiative d'être placée sous la maternelle protection de Marie, Reine de France.

FONDATION DE NOTRE-DAME DES VICTOIRES ET INSTITUTION DE LA PROCESSION DU 15 AOUT
Il est du plus haut intérêt de rappeler, ici, cet instant mémorable de notre histoire ; ses bienfaits surnaturels subsistent encore de nos jours, malgré les ombres qui l'entourent.
Les protestants ayant fait alliance avec l'Angleterre et formant comme "un Etat dans l'Etat", dont la capitale était La Rochelle, Richelieu sentit le danger d'une telle situation et résolut de réduire les huguenots à la condition des autres ci-toyens ; il fallait, pour cela, leur ôter leurs privilèges politiques. Mais le Roi, sentant que la lutte serait dure et ne voulant pas voir se renouveler les guerres de religion, décida de confier la chose à la Providence, par l'intercession de la Vierge médiatrice. Louis XIII fit un double vœu, si la victoire venait couronner l'entreprise :
1° de fonder une Eglise à Notre-Dame des Victoires si, par sa faveur, il était victorieux des protestants, mettant la cou-ronne de France sous sa puissante protection
2° que tous les ans, par tout le Royaume, l'on ferait des processions, le jour de l'Assomption de la Vierge.
Le 9 décembre 1629, le Roi exaucé exécute son vœu et pose la première pierre de Notre-Dame des Victoires. Sur cette pierre, une inscription latine est gravée en lettres d'or :
«Louis XIII par la grâce de Dieu, Roi très chrétien de France et de Navarre, vaincu nulle part, victorieux partout, au souvenir de tant de victoires qui lui sont venues du Ciel, spécialement de celle qui a terrassé l'hérésie, a érigé ce temple aux Pères Augustins déchaussés du Couvent de Paris en monument insigne de sa piété et l'a dédié à la Vierge Marie. Mère de Dieu, sous le titre de Notre-Dame des Victoires, l'an du Seigneur 1629, le 9 du mois de dé-cembre de son règne le XVe».
Cependant, une très grande tristesse remplissait le cœur des époux royaux : le Ciel ne leur avait pas donné d'héritier... Se souvenant des promesses de saint Remy, ayant conscience de n'avoir pas trahi sa mission de "Lieutenant du Christ", Louis XIII, fort de son bon droit aux bénédictions célestes, fit un acte de foi et persévéra dans sa prière en vue d'obtenir un fils.
Sa confiance fut récompensée ; dans ce temps-là :
«La Vierge, tenant un enfant, apparaît à un religieux Augustin de Notre-Dame des Victoires, le frère Fiacre.
«Mon enfant, lui dit-elle, n'ayez pas peur, je suis le Mère de Dieu, ce n'est pas mon fils, c'est l'enfant que Dieu veut donner à la France !» .
«Les apparitions se renouvelant, l'autorité religieuse intervient et reconnait l'exactitude des faits. La Reine connaît la merveilleuse nouvelle. Le 5 septembre 1638, naît Louis XIV qui reçoit au baptême le nom de Louis-Dieudonné, le Grand Roi qui donna son nom à son siècle et porta à son apogée la gloire de la France». (de la Franquerie, op. cit. p. 331)
La reconnaissance royale fut à la hauteur du don reçu et, cherchant ce qui pourrait le mieux prouver à la Vierge son amour et traduire la joie populaire, Louis XIII eut l'inspiration sublime de vouer, non seulement sa personne, mais encore son Royaume, à la Puissante Reine, qui venait de donner un prince héritier à la France.
«Le 10 février 1638, alors que la Reine était enceinte depuis trois mois, Louis XIII publia un Edit dans lequel il exposa tous les motifs de sa reconnaissance envers le Ciel , il écrivit notamment :
«A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très Sainte et très généreuse Vierge pour pro-tectrice spéciale de notre Royaume nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses ennemis que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur. il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire.
«Et afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés à ce sujet, pour monument et marque immor-telle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand Autel de l'Eglise ca-thédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne en ses bras celle de son précieux Fils descendu de la Croix et où nous serons représentés aux pieds du Fils et de la Mère, comme leur offrant notre couronne et notre sceptre» (pour les détails relatifs à ces faits, lire de la Franquerie, op. cit. p. 134).
Le désir royal a été respecté et chaque année, dans toutes les paroisses, la procession dite "du Vœu de Louis XIII" a lieu à l'issue des Vêpres de l'Assomption de la Sainte Vierge, le 15 août.

LOUIS XIV

Le règne de Louis XIV, malgré quelques erreurs et maladresses regrettables, a été, dans l'ensemble, la période la plus brillante de l'Histoire de l'Eglise en France.
«La force du sentiment chrétien, l'étroite alliance de l'Eglise et de l'Etat, des chefs-d’œuvre de littérature et de sciences religieuses, donnent alors à la France catholique un éclat incomparable
«Louis XIV était très dévoué à l'Eglise et c'est sous son règne que l'union entre le clergé du Royaume et le Roi très chrétien a été définitivement scellée. Mais ces avantages immenses ont été accompagnés de quelques inconvé-nients ; le principal est l'idée exagérée que Louis XIV s'est faite de sa puissance et surtout de son droit d'intervention dans les questions religieuses. Il voulait bien servir l'Eglise, mais suivant son idée, à laquelle, d'ailleurs, il tenait tant qu'il s'est efforcé quelquefois de l'imposer aux évêques et même aux Papes. Dans ces conditions, la meilleure volonté du monde pouvait avoir des effets funestes. Chez Louis XIV, cette tendance naturelle à le domination a été encore renforcée par les excitations de ses ministres». (Abbé Saltet, op. cit. p. 241)
Ce portrait du grand Roi, s'il projette une ombre sur sa toute-puissante figure, montre, en même temps, le fond ver-tueux qui subsista toujours chez Louis XIV, malgré quelques désordres au début de sa vie privée.
Ce Roi très chrétien sut revenir de ses erreurs, jusqu'à les rétracter publiquement. Louis sut demeurer "grand" jusque dans ses abaissements et digne dans les revers qui assombrirent sa vieillesse.
«Vous voyez mon état ! Dieu me punit, je l'ai bien mérité !», dira Louis XIV à Villars, lorsqu'il lui confia sa dernière armée. Cette humble reconnaissance de la justice divine est peut-être l'un des traits les plus saisissants de cette per-sonnalité puissante. Alors que, dans son entourage, tout conspirait pour le faire trébucher à force de l'élever, Louis XIV sut trouver, dans la foi ancestrale, le remède et le contrepoids salutaires, qui ont fixé à jamais ce souverain dans l'attitude d'un véritable "Lieutenant du Roi du Ciel".

LOUIS XIV ET LE REGNE DU SACRE-CŒUR

Un événement surnaturel d'une exceptionnelle grandeur, aux conséquences incalculables pour l'avenir de la France et du monde entier allait survenir durant le règne de Louis XIV.
A la Visitation de Paray-le-Monial, sœur Marguerite-Marie Alacoque fut favorisée, le 27 décembre 1673, de l'apparition du Christ laissant voir, brillant dans sa poitrine, son cœur de chair «tout embrasé d'amour pour les homme». Le divin Maî-tre se montra ainsi plusieurs fois, toujours sous le même aspect, à sa confidente, à laquelle Il donna un message :
«Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes et pour toi en particulier que ne pouvant plus conte-nir en lui même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen et qu'il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors. Il y a là tout ce qu'il faut pour les retirer de l'abîme de perdition... Je t'ai choi-sie comme un abîme d'indignité et d'ignorance pour l'accomplissement de ce grand dessein, afin que tout soit fait par moi».
Jésus forma peu à peu sa servante et lui dévoila, en des apparitions successives, tout ce qu'il désirait des hommes et de la France en particulier, promettant toutes sortes de bénédictions, si sa volonté était exécutée.
Nous ne parlerons que de ce qui intéresse notre Patrie ; sa qualité de "Fille aînée de l'Eglise", ainsi que le titre de ses Rois "Lieutenants du Christ" la désignaient tout naturellement pour être l'Apôtre de la dévotion nouvelle dans le monde entier. Nous restons ici, plus que jamais, dans la ligne traditionnelle des Gesta Dei par Francos.
Dans les premières apparitions, la dévotion au Sacré-Cœur est constituée en elle-même ; il ne reste plus qu'à l'établir et la propager ; ce sera le rôle de la France dans les années suivantes ; mais certains desseins divins revêtent une forme plus particulière. La Bienheureuse écrivait à ses Supérieures :
«Il désire donc entrer avec pompe et magnificence dans le maison des Princes et des Rois, pour y être honoré autant qu'il y a été outragé, méprisé et humilié dans sa Passion et qu'il y reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti l'amertume de se voir anéanti à leurs pieds».
Or, pour que cette dévotion au Sacré-Cœur se répande dans les cours royales et les palais des grands, il faut néces-sairement que quelqu'un donne l'exemple et se fasse apôtre ; au Successeur de Clovis est réservé cet insigne honneur. C'est dans les apparitions du 17 juin 1689 et du 28 août 1689 que le Sauveur a fait connaître sa volonté au sujet du rôle du Roi de France :
«Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré-Cœur que, comme se naissance temporelle a été obtenue par le dévo-tion aux mérites de ma Sainte-Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu'il fera de lui-même à mon Coeur adorable, qui veut triompher du sien et PAR SON ENTREMISE de celui des grands de le terre».
«Le Sacré-Cœur veut régner dans son Palais, ETRE PEINT DANS SES ETENDARDS ET GRAVES DANS SES ARMES, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte-Eglise».
Le Sauveur, insistant et précisant ses volontés, ordonne à Marguerite-Marie d'écrire ce qu'il lui enjoint à ses Supé-rieurs, qui auront mission de faire aboutir ses demandes :
«Jésus demande la construction d'un édifice où serait le tableau du Sacré-Cœur, pour y recevoir les hommages du Roi et de le Cour. De plus, ce divin Cœur veut se rendre protecteur et défenseur de le personne royale contre tous ses ennemis visibles et invisibles, dont II le veut défendre et mettre son salut en assurance par ce moyen. C'est pour-quoi II l'a choisi comme son fidèle ami, pour faire autoriser la messe en son honneur par le Saint-Siège apostolique et en obtenir tous les autres privilèges qui doivent accompagner la dévotion de ce divin Cœur, par lequel il veut lui dé-partir les trésors de ses grâces de sanctification et de salut, en répandant avec abondance ses bénédictions sur tou-tes ses entreprises qu'il fera réussir à sa gloire, en donnant un heureux succès à ses armes pour le faire triompher de la malice de ses ennemis...»
Le message est précis, mais les intermédiaires chargés de le faire parvenir à Louis XIV semblent être plus hésitants. On n'a pas de preuves absolues que le Roi eût été informé ou suffisamment informé ; le Père La Chaise était tout indiqué pour faire aboutir les desseins
«Mais, comme Dieu a choisi le Père La Chaise pour l'exécution de ce dessein, par le pouvoir qu'il lui a donné sur le cœur de notre grand Roi, ce sera à lui de faire réussir la chose». (Consulter pour détails : Vie et Œuvres de la Bien-heureuse Marguerite-Marie, publication du monastère de la Visitation de Paray-le-Monial)
Que fit, en réalité, le Père La Chaise, devant le peu de succès qu'obtint la demande céleste transmise par Marguerite-Marie ?
A dire vrai, on l'ignore et on ne saurait non plus affirmer, de façon certaine, si Louis XIV a su ou non ce que Dieu at-tendait de lui. Quoiqu'il en soit, rien ne fut fait ; le roi s'éteignit dans la tristesse et laissa la France beaucoup plus affaiblie qu'il ne l'avait trouvée...
Cependant, l'idée d'une consécration royale n'était pas morte, pas plus que celle de porter l'effigie du Sacré-Cœur sur le drapeau. Les initiatives privées se sont efforcées de combler les lacunes et ont abouti à de beaux résultats : érection de la Basilique de Montmartre, autorisation de la Messe en l'honneur du Sacré-Cœur, avec office propre, consécration du genre humain au divin Cœur (premier dimanche de l'année 1915), consécration de la France faite dans les Eglises (11 juin 1915), consécrations militaires privées faites par des aumôniers lors de la guerre de 1914 ; drapeaux portant l'effigie du Sacré-Cœur, exposés dans les églises et chapelles ; l'étendard de Patay, etc... Mais, aucune de ces manifestations de piété n'a le caractère c officiel , demandé par le Sauveur à la France et ne saurait, par conséquent, avoir la même effi-cacité.
Sans doute, aussi, le grand Dauphin, fils de Louis XV, fit, «avec la permission paternelle, dédier un oratoire spécial au Sacré-Cœur, dans la chapelle royale de Versailles», mais il ne régna pas... ,

LOUIS XV

Il est de règle bien établie, dans l'esprit de nos contemporains, d'imputer à Louis XV et à lui seul la décadence de la France, au XVIIIe siècle. Certains auteurs vont jusqu'à prétendre que ce Roi porterait la responsabilité de la rupture du Pacte de Reims.
Rien n'est plus faux. Sans doute, Louis XV eut-il bien des défaillances, et non des moindres ; mais il serait injuste d'y voir l'unique cause des malheurs de la France. La vérité est toute autre.
L'histoire de notre pays, tout comme celle du monde, ne peut se comprendre qu'autant qu'on y cherche et qu'on y voit la lutte perpétuelle entre Dieu et Satan. Si le Prince de ce monde s'acharne à la perte des âmes, ses entreprises n'épar-gnent pas pour autant le gouvernement des Etats. L'Ange déchu frappe à la tête et dirige ses traits les plus mortels contre ceux-là mêmes qui sont investis de la puissance publique.
Les circonstances du moment allaient bientôt favoriser l'accomplissement des desseins sataniques sur la France.
Louis XV avait cinq ans à la mort de Louis XIV.
Le Grand Roi, soucieux de restreindre le plus possible les dangers d'une minorité, et préoccupé par la dangereuse ambition du duc d'Orléans, avait, par testament, pris toutes les mesures susceptibles d'assurer la tranquillité et le bon gouvernement du royaume. Mais, au lendemain de la mort du roi, le duc d'Orléans fit casser le testament royal et prit en mains toute l'autorité. Parvenu alors au faîte du pouvoir, le Régent, débauché et sans convictions religieuses, laissera les incrédules et les libertins préparer le terrain aux Sociétés secrètes et battre en brèche les traditions les plus sacrées.
Jusqu'alors, le Roi, après le sacre, consacrait sa Personne et son Royaume à saint Michel, afin que le Prince des Mili-ces célestes préservât son règne de toute emprise des puissances du Mal.
«Or, pour la première fois, au sacre de Louis XV, encore enfant, cette consécration ne fut pas renouvelée. Dès lors, la porte était ouverte à l'archange rebelle et à ses légions ; les premières Loges maçonniques s'installent en France et, comme l'araignée tisse sa toile, établissent bientôt, dans tout le royaume, un réseau redoutable dont l'activité secrète mi-nera sourdement l'édifice et provoquera son écroulement lors de la Révolution». (La Vierge Marie dans l'Histoire de France, M. de L. de La Franquerie, p. 205)
Les premières nuées annonçant la tourmente révolutionnaire apparaissent alors dans le ciel de France.
Le libertinage et le laisser-aller, favorisés par les Sectes, gagnent de proche en proche, le scepticisme et l'incrédulité sont de mode, la meilleure société est ainsi atteinte dans ses œuvres vives et bientôt corrompue. A la Cour, l'entourage du monarque favorise ouvertement les dérèglements de sa conduite. Dans le même temps, la Maçonnerie s'attaque sournoisement aux dogmes catholiques et aux principales vérités de la foi ; tous les philosophes sont ses adeptes et l'Encyclopédie n'est que la somme de toutes les erreurs qu'elle propage ; elle fait éditer en Hollande, en Angleterre, en Prusse, en pays protestants, une multitude de brochures, de tracts et de livres qui touchent les différentes classes de la société et que des colporteurs à sa solde répandent partout dans le royaume, jusqu'au fond des campagnes, tandis que la presse agit dans le même sens sur les esprits et l'opinion.
La Secte est le meneur de jeu, invisible et secret de cette œuvre de lente décomposition.
Tel était l'état de la France à la mort de Louis XV.

LOUIS XVI

Commencé sous d'aussi sombres auspices, le règne de Louis XVI ne fut ni facile, ni heureux.
L'Histoire nous le présente comme respectueux de la tradition, mais faible et influençable, et ne comprenant pas son époque. Ses contemporains ne l'ont pas davantage compris.
Pour la première fois, depuis Clovis, apparaissait le divorce tragique entre la monarchie et le peuple ; une telle sépara-tion ne pouvait qu'être fatale à la France, en raison même du caractère sacré unissant la nation à son roi.
La France sans souverain est un corps sans tête, parce que c'est essentiellement par son Chef que lui viennent tout secours et toutes bénédictions. S'il est admis que tout autre régime que la royauté peut assurer la paix et donner la pros-périté en d'autres pays, il en va tout autrement pour le nôtre. C'est que la France a une place à part parmi les nations ; une mission spéciale et très haute à remplir, sous peine de déchoir et n'être plus elle-même.
Or, ce rôle, ce n'est pas le Roi, seul, qui doit et peut le remplir, mais le peuple, uni à son Roi. Le monarque de France incarne le "Lieutenant du Christ" en sa personne ; l'union du peuple franc avec le représentant de sa race royale consti-tue le fondement même de notre gouvernement. Cette évidence éclate lorsqu'on se penche sur notre passé. Dans leur rage impie à détruire tout ce qui rappelait l'ancien régime, en déchirant le Pacte de Reims, les révolutionnaires ont tari, du même coup, la source du bon équilibre et de la prospérité nationale.
Il faut, cependant, rendre justice à la plus grande partie de la nation, restée fidèle à la monarchie, en 1789.
Le règne de Louis XVI n'est qu'une suite "d'imbroglios" tragiques ; le Roi, animé des meilleures intentions, mais ne sa-chant pas saisir toutes les nuances de l'évolution populaire et des aspirations qu'elle manifestait, passa son temps à vou-loir le bien de ses sujets, sans pouvoir jamais les contenter... Ses insuccès accrurent son indécision naturelle et il pensa bien faire en confiant à ses ministres le soin d'opérer les réformes que lui-même se sentait incapable d'appliquer.
Mais il était dit que rien ne devait lui réussir...
Si Louis XVI n'a pu préserver son peuple de la tourmente révolutionnaire, sa bonne volonté et, surtout, son sacrifice n'ont pas été vains. C'est souvent le propre des vertus morales de ne porter leur fruit qu'après coup, lorsque la tempête et les ouragans de fureur sont calmés.
A près de deux siècles de distance, il fait bon se remémorer la grandeur de cette figure royale et son infortune, pour lui rendre justice.
Si Louis XVI ne fut pas un roi brillant, aux réalisations audacieuses, il eut, néanmoins, le rare mérite de comprendre sa vocation de "Lieutenant du Christ", et de rester fidèle à l'idéal de sa lignée.

LOUIS XVI LIEUTENANT DU CHRIST

On laisse trop volontiers dans l'ombre la beauté morale du petit-fils de Louis XV, ainsi que le côté brillant de son règne.
M. de La Franquerie met très judicieusement en relief certaines améliorations d'ordre politique et diplomatique obte-nues sous le règne de Louis XVI :
«- le système de décentralisation qui commençait à donner une prospérité inconnue jusqu'alors ;
- les sages réformes de l'Assemblée des notables de 1783 qui rendaient la Révolution absolument inutile, celle-ci n'ayant éclaté, au dire des révolutionnaires et de leurs apologistes, que pour obtenir ces mêmes réformes ;
- l'admirable réorganisation de notre artillerie et de notre marine ;
- nos victoires éclatantes sur l'Angleterre, qui lui arrachèrent le sceptre des mers ;
- la magnifique action pacificatrice de notre diplomatie, qui faisait la loi en Europe». (de La Franquerie, op. cit. p. 144).
Par ailleurs, il est indéniable que Louis XVI fut un roi vertueux et qui aima passionnément son peuple ; avant de mourir, il déclarait à Malesherbes :
«Depuis deux heures, je recherche dans ma mémoire si durant le cours de mon règne, j'ai donné volontairement à mes sujets quelque juste motif de plainte contre moi. Eh bien, je vous le jure, comme un homme qui va paraître de-vant Dieu, j'ai constamment voulu le bonheur de mon peuple et je n'ai pas fait un seul vœu qui lui fut contraire».
Quand Louis XVI monte sur le trône, la Maçonnerie, par l'intermédiaire de Turgot, cherche à dissuader le Roi de se faire sacrer, afin de séculariser la Royauté chrétienne. N'ayant pu y parvenir, elle fait afficher sur les murs de Reims la menace suivante : «Sacré le 11 - Massacré le 12» et d'Alembert écrit au Roi de Prusse son dépit de voir que la philoso-phie «n'est pas encore assez puissante pour empêcher cette cérémonie».
La secte redoubla d'efforts, ainsi que nous l'avons exposé dans un précédent ouvrage (France, il faut revivre) ; un plan odieux fut ourdi pour amener la mort du couple royal. Malheureusement, le Roi ne voulut pas croire au danger ; quand il s'en aperçut... il était trop tard !
«Que n'ai-je cru, il y a onze ans, tout ce que je vois aujourd'hui, dit Louis XVI, en 1792, à un ami fidèle ; on me l'avait, dès lors, tout annoncé !» (de La Franquerie, op. cit. p. 153)
La rage satanique était d'autant plus excitée que le souverain entendait remplir généreusement la mission dévolue au Roi de France : se faire l'apôtre du Sacré-Cœur et réaliser les demandes divines adressées à Louis XIV. Lorsque le Saint-Siège, en 1765, eut accordé la messe du Sacré-Cœur sur les instances réitérées des évêques, des fidèles et même des rois, la réalisation des désirs divins n'était pas complète, tout au moins en ce qui concernait la France : le Sauveur avait demandé au "Fils aîné de son Sacré-Cœur" de lui consacrer sa personne et son royaume dans un édifice construit tout exprès pour abriter le tableau de ce divin Cœur. Il désirait, en outre, voir l'effigie sacrée peinte sur les éten-dards et gravée dans les armes royales, précisant bien le rôle du Roi de France : «De plus, ce divin Cœur l'a choisi (le Roi) comme son fidèle ami pour faire autoriser la messe en son honneur par le Saint-Siège apostolique, et en obtenir TOUS LES AUTRES PRIVILEGES dont il veut accompagner cette dévotion». (lettre de Marguerite-Marie, relatant une apparition datant de 1689)

Le 16 février 1790, Louis XVI prononça le vœu suivant, à Notre-Dame de Paris, en présence de la Reine, de Madame Elisabeth, de Madame Royale, du petit Dauphin et de plusieurs dames de la Cour :
«Je promets d'ériger et de décorer à mes frais une chapelle dédiée au Sacré-Cœur et qui servira de monument éternel de ma reconnaissance et de ma confiance sans bornes dans les mérites infinis et dans les trésors inépuisa-bles de grâces qui sont renfermés dans ce Cœur sacré».
Il était déjà trop tard pour réaliser ces desseins ; le peuple avait emprisonné son souverain qui ne pouvait s'exprimer qu'au conditionnel :
«Si je recouvre ma liberté, je promets solennellement :
«De révoquer le plus tôt que faire se pourra les lois qui me seront indiquées soit par le Pape, soit par un Concile. soit par quatre Evêques choisis parmi les plus éclairés et les plus vertueux de mon Royaume, comme contraires à la pureté et à l'intégrité de la Foi, à la discipline et à la juridiction spirituelle de la Sainte-Eglise catholique et romaine et, notamment, la constitution civile du clergé.
«De rétablir sans délai tous les Pasteurs légitimes et tous les bénéfices institués par l'Eglise, dont ils ont été in-justement dépouillés par les Décrets d'une puissance incompétente :
«De prendre, dans l'intervalle d'une année tant auprès du Pape qu'auprès des Evêques de mon Royaume toutes les mesures qu'il faudra pour établir en suivant les formules liturgiques, une fête solennelle en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus.
«D'aller, moi-même en personne... et de prononcer un acte solennel de la consécration de ma personne, de ma Famille et de mon Royaume au Sacré-Cœur de Jésus, avec promesse de donner à tous mes sujets l'exemple du culte et de la dévotion qui sont dûs à ce Cœur adorable» (de La Franquerie, op. cit. p. 156)
Louis XVI tenait absolument à ce que la France fut informée de son vœu royal ; il prit soin de l'écrire lui-même, le 21 juin 1792 ; l'original en fut confié à M. Hébert, Supérieur Général des Eudistes, confesseur du Roi.
On devine quelle fureur ces projets royaux devaient exciter chez l'adversaire. La mort du Roi devenait inévitable, après une profession de foi aussi explicite. Et c'est pourquoi des auteurs sérieux n'ont pas hésité à donner à Louis XVI le nom de "Roi-martyr".
Dans l'allocution qu'il prononça au Consistoire du 11 juin 1793, le Pape s'exprima en ces termes :
«Le Roi très chrétien, Louis XVI, a été condamné au dernier supplice par une conjuration impie et ce jugement s'est exécuté. La Convention nationale n'avait ni droit, ni autorité pour le prononcer...
«Et qui pourra jamais douter que ce monarque n'ait été principalement immolé en haine de la Foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catholiques ?...
«...Ah ! France, toi que nos prédécesseurs appelaient le miroir de la chrétienté et l'inébranlable appui de la Foi, toi qui, par ton zèle pour la croyance chrétienne et par la piété filiale envers le Siège apostolique, ne marches pas à la suite des autres nations, mais les précède toutes, que tu nous es contraire aujourd'hui. De quel esprit d'hostilité tu pa-rais animée contre la véritable religion.
«Combien la fureur que tu lui témoignes surpasse déjà les excès de tous ceux qui se sont montrés. jusqu'à pré-sent ses persécuteurs les plus implacables... !
«Ah ! encore une fois, France, tu demandais un Roi catholique ; tu disais que les lois fondamentales du royaume ne permettaient point de reconnaître un Roi qui ne fut pas catholique et c'est précisément parce qu'il était catholique que tu viens de l'assassiner».
Ici, il serait injuste, et ce serait offenser la vérité, que de passer sous silence une page glorieuse de notre histoire. L'oubli n'a pu la recouvrir entièrement de son ombre, malgré les efforts concertés d'adversaires irréductibles.
Il s'agit de la lutte héroïque soutenue, pendant longtemps, par les Vendéens et les Chouans.
Les manuels d'histoire en font encore mention, mais la plupart des récits laissent de côté - quand ils ne s'attachent pas à en ternir l'éclat - tant d'actions sublimes, inspirées par une admirable fidélité à Dieu et qui rachètent hautement les exactions sans nombre et les crimes répétés qui ont ensanglanté cette période de l'histoire.
Pour le peuple de Vendée - Gensonné l'avait dit à la Constituante - la religion restait la plus forte et pour ainsi dire l'unique habitude de la vie. Les prêtres constitutionnels, souvent, y avaient été installés malgré les municipalités. Les missionnaires de Grignion de Montfort - les mulotins, comme on les appelait - régnaient sur l'âme vendéenne. La Convention passait pour l'ennemie de Dieu, et quand elle mobilisa les gars de Vendée, ceux-ci s'armèrent, mais contre elle.
Le 11 mars 1793, dans l'histoire politique et militaire de la France, un nouvel élément surgit : la Vendée. Sous la garde des emblèmes du Sacré-Cœur, depuis longtemps familiers à la piété vendéenne, s'ébranla, non point tout d'abord pour ramener un roi, mais pour ramener sur les autels le Dieu des insermentés et pour sauver leurs têtes, une façon de croi-sade, essentiellement religieuse et populaire. Loin d'être déchaînée par les nobles, elle s'en fut les chercher dans leurs manoirs. L'exacte incarnation de la Vendée fut le premier commandant en chef de l'insurrection, Cathelineau, un homme qui n'était pas "né", qu'aucun passé politique ne classait comme "blanc", qui, en mettant debout toute une province, n'as-pirait qu'à la liberté de prier» .
Sur le même sujet, citons encore M. de La Franquerie :
«Avant que d'en arriver à la révolte armée, les vendéens avaient d'ailleurs épuisé tous les autres moyens de ré-sistance. Soumis et même favorables au nouveau pouvoir, ils ne lui devinrent contraires que lorsqu'il fallut, pour lui obéir, désobéir à Dieu.
«Si la Révolution n'a été que le déchaînement des pires instincts, des passions les plus viles et les plus déshono-rantes, de la haine la plus infernale, elle provoqua par contrecoup la plus magnifique explosion d'héroïsme, de vertus et de foi, poussée jusqu'au martyre, chez la plupart des contre-révolutionnaires. Parmi ceux-ci, Vendéens et Chouans sont au premier rang». (id.)


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Message par Her Mer 23 Mar - 8:35

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 7)

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE SEPTIEME : DE LA REVOLUTION A LA IIIe REPUBLIQUE

On pourrait, certes, épiloguer longuement sur les différentes phases de cette période et faire ample moisson d'amères leçons, sans pour autant méconnaître la grandeur et la gloire, dont notre Patrie reste auréolée tout au long de cette même période.
Mais il importe plutôt de savoir ce qu'il en fut alors du Pacte de Reims et ce qu'il advint de la France et de sa destinée immortelle. A cette double question, l'histoire va répondre.
Tout ce qui a été dit, jusqu'ici, du Pacte de Reims, montre combien la cause de la France est intimement liée à celle de l'Eglise, pour que les malheurs qui ont affligés l'Eglise n'aient pas eu leur répercussion dans notre vie nationale.
Jamais, dans sa longue histoire, l'Eglise de France n'avait traversé une crise pareille à celle que fit éclater la Révolu-tion. Ni l'invasion des Barbares, ni les siècles de fer du Moyen-Age, ni les guerres du protestantisme ne nous présentent une telle catastrophe, immense et soudaine, dans laquelle parurent sombrer, avec la royauté, avec la situation sociale et politique du clergé, l'unité catholique et la religion elle-même.
Les philosophes et les intellectuels ont voulu, délibérément, ignorer que, dans quelque domaine que ce soit, l'homme est impuissant à créer, qu'il s'agisse de la nature, des lois scientifiques, des lois morales. Bon gré, mal gré, il lui faut s'ap-puyer sur l'œuvre créée, bien avant lui, par Dieu, Créateur et Souverain Maître de toutes choses, dont il règle le cours.
C'est pourquoi, dans tous les domaines, nous assistons toujours à la faillite des grands desseins humains, chaque fois qu'ils sont conçus et exécutés sans Dieu ou contre Dieu.
Et c'est ici que se vérifie la parole du psalmiste :
Si Dieu ne ledit la Maison
C'est en vain que travaillent les b6tisseurs.
Si Dieu ne garde la ville
C'est en vain que veille le gardien (Ps. 126)
La parole du Christ Lui-même revient alors à l'esprit : Qui n'est pas avec moi est contre moi, Qui ne ramasse pas avec moi, dissipe (Luc, XI, 23)
Mais qu'en est-il donc du Pacte de Reims ?
...Nous avons renié nos traditions, déchiré nos Constitutions de Peuple élu de Dieu...
Phénomène unique dans l'Histoire du Monde, la France est le seul pays où l'on s'est efforcé, en haut lieu, de faire ou-blier aux citoyens leur sublime origine de prédestinés et de Soldats du Christ, que les autres nations leur ont toujours en-viée.
Clemenceau l'a bien dit dans une déclaration lapidaire, qui éclaire le drame dont les épisodes se poursuivent
«Depuis la Révolution, nous sommes en révolte contre l'autorité divine, avec qui nous avons, d'un seul coup, ré-glé un terrible compte, le 21 janvier 1793».
Qu'en est-il, maintenant, de la France ?
Remontons rapidement le cours de l'histoire... quelques événements, aux arêtes saillantes, vont nous renseigner.

L'EMPIRE
L'élément dominant qui, tout de suite, sut profiter pleinement des avantages nouveaux fut la Bourgeoisie.
Gabriel Hanotaux en trace un tableau saisissant :
«La classe bourgeoise, animée d'ambitions refoulées, entraînée par l'ardeur de la lutte, par la propagande des hommes de lettre, monte à l'assaut de l'ordre social, confondant dans une même invective les maux dont elle souffre elle-même et ceux dont souffrent les autres : tyrannie, désordre, privilège, gaspillage, banqueroute ; ce vieil édifice, dont elle fait partie, elle n'en voit plus que les lézardes et elle accepterait de se détruire elle-même pour l'abattre...
«Elle s'inspire, tantôt de l'Evangile, tantôt de Plutarque, de Voltaire, tantôt de Joseph de Maistre, d'Adam Smith, de Karl Marx, ayant en elle une possibilité de croyance pour tous les dogmes». (Histoire Politique de la Nation Fran-çaise, G. Hanotaux, p. 3)
L'influence de Rousseau prévalut d'abord ; mais sa philosophie, moins froide et moins sectaire que celle de Voltaire, n'offrait à ses admirateurs que des bribes d'un déisme romantique qui n'allait pas tarder à les entraîner vers le matéria-lisme. Puisque Dieu était introuvable dans ces chemins sans issue, le peuple se prit d'enthousiasme pour la déesse à la mode, la Liberté. L'union nationale se fit autour de cette Reine du jour.
Bonaparte apparut alors sur la scène politique ; il fut vraiment "l'homme du jour" et le sentit bien, lorsqu'il osa dire dans la journée de Brumaire, en plein Conseil des CINQ CENTS : «Ecartez-vous, je suis le dieu du jour».
Ces paroles laissaient présager l'épopée extraordinaire de ce génie qui, selon les circonstances, signera le Concordat et emprisonnera le Pape, prétendra se mettre avec Dieu, à la condition que ce soit lui seul qui commande.
Nous en avons quelques exemples frappants, de cette politique autoritaire.
Son geste audacieux et résolu, à la cérémonie du sacre, lorsqu'il prit la couronne des mains du Pape, faisait présager qu'il entendait rester le Maître indiscuté, face à l'Eglise et à Dieu Lui-même.
Plus tard, en réconciliant la France avec le Saint-Siège, par le Concordat, Napoléon manifestera sa volonté de faire de l'Eglise catholique l'auxiliaire de son gouvernement et sa politique prouvera qu'il entendait bien agir ainsi, sur les cons-ciences, par l'Eglise.
Ce même besoin d'agir sur les esprits, on le retrouve encore dans l'attitude observée par Napoléon à l'égard des au-tres cultes.
On, sait qu'il voulut contraindre le Pape à conclure une alliance militaire avec lui, contre tous les ennemis de l'Empire, au nom de la Justice et de l'Indépendance. Pie VII refusa. Nous savons ce qui advint alors, l'annexion des Etats Pontifi-caux à la Couronne, le 17 mai 1809, et l'arrestation, dans son propre palais, du Pontife Romain, le 6 juillet, puis sa déten-tion à Savone, où il devait rester près de trois ans, avant d'être transféré à Fontainebleau. (1812-1814)
Enfin, l'Empereur entreprit de laïciser l'Université.
Ces abus de pouvoir répétés ne pouvaient porter chance à Napoléon ; aussi, malgré tout son génie, ses conquêtes et son prestige, il ne fera jamais œuvre de "Lieutenant du Christ" et, finalement, il sera précipité du faîte de sa grandeur, pour avoir voulu rechercher sa propre gloire, au mépris des traditions chrétiennes de la France, plutôt que la gloire de Dieu.
Les châtiments du Ciel vont se manifester, la campagne de Russie s'achève par un désastre irréparable et Waterloo lui apprend que le "dieu du jour" n'était que le "dieu d'un jour". C'est à Fontainebleau qu'il abdiquera, au lieu même où il avait retenu captif le Vicaire du Christ, celui-là même qu'il aurait dû servir et défendre en vertu du Pacte de Reims.

LA RESTAURATION
Après la brutale secousse que fut pour la France l'effondrement de l'Empire, la Restauration apparut à certains comme une planche, de salut et l'aube de la paix. Mais, par un enchaînement de faits et de circonstances contraires, ces espérances furent déçues.
Louis XVIII, indécis et hésitant en politique étrangère, le fut tout autant en politique intérieure.
On sait que les Souverains alliés, et Talleyrand, entendaient établir la Restauration, à la condition que le Roi, accep-tant de fléchir sur la rigidité de son principe héréditaire, consentit à souscrire au "Pacte Constitutionnel" voté par le Sénat impérial. Mais, en même temps qu'il acceptait la Charte de 1814, Louis XVIII y joignait un préambule ambigu, affirmant qu'il renouait la "chaîne des temps", alors qu'en réalité cette constitution rompait avec le passé.
«Sous l'influence des écrits de Chateaubriand, le Génie du Christianisme, en particulier, les esprits étaient orien-tés vers les grandeurs du passé, évocatrices d'un rêve d'idéalisme et de grâce attendrie».
«On cherchait dans la foi un refuge contre les orages du présent...» (Histoire de la Nation Française, G. Hano-taux)
Mais le sectarisme révolutionnaire veillait et lorsque Louis XVIII voulut corriger ce que l'édifice concordataire de 1801 présentait de trop hardi, la réaction s'éleva violente ; plus de deux mille volumes de Voltaire et de Rousseau furent alors imprimés et diffusés. Bientôt, la question de l'Enseignement allait aggraver la situation - les lycées, laïcisés, n'avaient plus la confiance des familles - ; le Roi promit de rétablir la liberté de l'enseignement en la fondant sur le droit des pères de famille, mais ce projet n'aboutit pas, et ce fut l'une des causes de la fin de la Restauration.
Ces considérations, tirées de la nature des faits, pourraient être discutées ou bien contestées, mais voici qui relève de plus haut que les œuvres humaines : le témoignage de Dieu.
L'esprit d'indécision de Louis XVIII allait, en effet, se manifester de nouveau, dans une circonstance exceptionnelle.
Par la voix d'une âme consacrée, la Révérende Mère Marie de Jésus, religieuse au couvent des Oiseaux, le Christ Lui-même allait offrir au Roi de renouer le Pacte de Reims. Depuis le mois d'août 1822, le Sacré-Cœur insistait auprès de sa confidente pour que les désirs qu'il avait exprimés à Louis XIV fussent enfin satisfaits ; le 21 juin 1823, le Christ dit à sa servante :
«La France est toujours bien chère à mon divin cœur et elle lui sera consacrée ; mais il faut que ce soit le Roi lui-même qui consacre sa personne, sa famille, son royaume à mon divin Cœur : qu'il lui fasse élever un autel, ainsi qu'on en a élevé un, au nom de la France, en l'honneur de la Sainte Vierge.
«Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu'elle sera consacrée à mon divin Cœur et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle». (Les Grands desseins du Sacré-Cœur de Jésus et la France, R. P. Lemius, p. 40 et sv.)
Le Sacré-Cœur prit soin d'indiquer le messager qui devait transmettre ce message au Roi, ce qui fut fait ; mais ni Louis XVIII, ni Charles X ne se décidèrent à accomplir le geste demandé. (de La Franquerie, op. cit. p. 181)
Le règne de Charles X ne fut pas plus décisif.
Son successeur, Louis-Philippe, fit de trop larges concessions aux idées avancées de l'époque ; il fait plutôt figure de Chef de parti que de Roi de France ; à l'inverse de ses prédécesseurs, attachés aux traditions, Louis-Philippe s'en sépara avec désinvolture. Le type du "Roi-citoyen" n'est pas figuré dans la Loi salique et cette nouveauté cadrait mal avec les exigences du Pacte de Reims.
L'occasion était unique pour les forces explosives de la Révolution ; mal contenues par les échecs de la Restauration, elles allaient prendre désormais un essor tel que la France entière devait, pour longtemps, en être meurtrie. Dès lors, les "Malédictions" du grand Evêque consécrateur vont entrer en jeu, pour rappeler au peuple ses antiques promesses et ten-ter de le faire réfléchir...
Les malédictions atteignirent surtout la famille royale.
Dangers à l'intérieur, dangers à l'extérieur, le choléra (1832), les crises ministérielles, les émeutes, dix-huit attentats contre la vie du Roi ; intrigues des Républicains, menaces des socialistes, conspiration des bonapartistes, bruits de guerre européenne, à propos de la Question d'Orient (1840), mort accidentelle du Duc d'Orléans, fils aîné du Roi (1842), abdication et exil de Louis-Philippe (1848)… tel sera le bilan funeste de cette période de l'histoire.
Ecoutons M. de La Franquerie évoquer cette époque
«Quant à la monarchie de juillet, son origine même la voue à l'échec et à l'athéisme politique. Fonder une monar-chie sur la violation du droit monarchique est inconcevable; c'est ce qu'a fait Louis-Philippe. Le Gouvernement du "Roi-citoyen" inaugure une politique antireligieuse ; le catholicisme, de religion d'État, tombe au rang de religion de la majorité des Français. L'Etat accorde aux pasteurs protestants et aux rabbins un traitement les mettant ainsi illégiti-mement sur le même pied que les Prêtres catholiques. Une fois de plus, avant de châtier, le Christ va rappeler sa mission à la France. Le 20 novembre 1843, il dit, dans une apparition à Marie LATASTE, Sœur coadjutrice du Sacré-Cœur :
«Le premier Roi, le premier souverain de France, c'est Moi. Je suis le maître de tous les peuples, de toutes les nations, de tous les Royaumes, de tous les Empires, de toutes les dominations : je suis particulièrement le Maître de la France...
«J'élève ses Princes au-dessus des autres Princes quand ils sont fidèles à écouter ma voix. Je bénis ses popula-tions plus que toutes les autres populations de la terre, quand elles sont fidèles à écouter ma voix...
«...J'ai choisi la France pour la donner à mon Eglise comme sa Fille de prédilection... Eh bien, ma Fille, je le dis à l'honneur, à la gloire de votre patrie, pendant des siècles, la France a protégé mon Eglise ; elle a été mon instrument plein de vie, le rempart indestructible et visible que je lui donnais pour la protéger contre ses ennemis. Du haut du Ciel, je la protégeais, elle, ses rois et leurs sujets...
«...Quel esprit de folle liberté a remplacé dans son cœur l'esprit de la seule liberté véritable, descendue du Ciel, qui est la soumission à la volonté de Dieu ?
«Je lui ai suscité des Rois, elle en a choisi d'autres à son gré... N'a-t-elle point vu que je me sers de sa volonté pour lui faire lever les yeux vers moi ?...
«...Mais, en vérité, je vous le dis, l'impiété sera renversée, ses projets dissipés, ses desseins réduits à néant à l'heure où elle les croira accomplis et exécutés pour toujours.
«...Oui, ma fille, au souffle qui sortira de ma bouche, les hommes, leurs pensées, leurs projets, leurs travaux dis-paraîtront comme la fumée au vent. Ce qui a été pris sera rejeté ; ce qui a été rejeté sera pris de nouveau. Ce qui a été aimé sera détesté et méprisé ; ce qui a été méprisé et détesté sera de nouveau estimé et aimé.
«...Priez pour la France, ma Fille, priez beaucoup... (de La Franquerie, op. cit. p. 181 et suiv.)
Ces prédictions voient leur accomplissement aujourd'hui et indiquent clairement ce que sera "l'ordre nouveau" que nous attendons tous...
Pour en revenir au temps de Louis-Philippe, le danger qui menaçait l'âme de la France devenait chaque jour plus pressant. Après le Sauveur, ce fut la Sainte Mère, Marie Reine de France, qui vint attirer l'attention de tous sur les périls du moment.
En 1846, la Vierge apparut à deux petits bergers de la Salette en les priant de transmettre un message à la nation en-tière :
«Je ne peux plus retenir le bras de mon Fils !
«Depuis le temps que Je souffre pour vous et vous n'en faites pas cas

LA SECONDE REPUBLIQUE
Il n'entre pas dans notre propos de rechercher, ici, les qualités et les défauts de la forme républicaine des gouverne-ments. C'est là une question d'un ordre particulier, dont nous entendons laisser la discussion à de plus savants auteurs.
Mais ce que nous croyons devoir dire, c'est, qu'en ce qui concerne la France, l'équivoque n'est pas permise.
En France, la République est "fille de la Révolution" et, dès lors, radicalement opposée, par sa nature même et ses principes, au Règne du Christ-Roi, dont, seul, le roi légitime est le "Lieutenant", ainsi que l'a défini et proclamé Jeanne d'Arc tout au long de sa vie, tant par ses actes que par ses paroles, jusqu'au sein des flammes de son bûcher.
Mais c'est ici, sans doute, pendant la période que nous allons examiner, que se dévoile, avec le plus de netteté, le ca-ractère d'authenticité du Pacte de Reims.
Là encore, le Ciel fait irruption dans l'histoire et livre son témoignage... Ce ne sera pas le dernier...
En effet, à la Mère Marie de Jésus, à Marie Lataste et à tant d'autres confidentes, le Christ, Seigneur des Seigneurs et Roi des Rois, parlant de la France, a dit :
«Je lui ai suscité des Rois, elle en a choisi d'autres à son gré...»
«Quel esprit de folle liberté a remplacé dans son cœur l'esprit de la seule liberté véritable, descendue du Ciel, qui est la soumission à la volonté de Dieu».
Ces paroles du "Céleste Roi des Francs" expliquent tout : nos gloires et nos revers. La France, qu'on le veuille ou non, n'est pas une nation comme les autres ; elle a accepté, au baptistère de Reims, une mission qui lui crée des obligations et des devoirs, lui mérite des bénédictions ou des malédictions, selon qu'elle-même en décide ; son sort est entre ses mains ; sa grandeur ou sa ruine dépend de sa seule volonté.
Nos Pères paraissent l'avoir oublié, lors de l'abdication de Louis-Philippe. Le peuple de France avait alors toute lati-tude pour choisir son destin et revenir à la foi de ses ancêtres, de façon officielle. Il préféra, semble-t-il, opter pour la voie nouvelle qu'on lui présentait comme l'aurore de la "liberté", mais qui n'était qu'une fausse liberté s'insurgeant contre la vo-lonté divine, exprimée par le Pacte de Reims.
C'est alors que les malédictions de saint Remy vont s'abattre sur le peuple lui-même.
Lamartine en fut, semble-t-il, l'instrument, en quelque manière, nous allons voir comment.
En effet, placé entre les partisans de la régence de la duchesse d'Orléans, les représentants du parti républicain, d'une part, les aspirations bonapartistes renaissantes et l'écho de la voix populaire, d'autre part, cette voix qui réclamait son émancipation totale, Lamartine préféra laisser à la nation le soin de décider elle-même de son destin.
Aussi, les signes avant-coureurs d'une époque troublée ne vont-ils pas tarder à se manifester.
Dès la formation de l'assemblée constituante, issue du suffrage universel (4 mai 1848), les agitateurs socialistes commencèrent leur tapage et donnèrent un avant-goût des fruits de cette liberté tant convoitée.
Le 15 mai, sous la conduite de Blanqui, Barbès et de quelques autres "leaders" socialistes, des groupes excités enva-hissent l'assemblée ; le 23 juin - c'est plus sérieux - l'insurrection socialiste éclate à propos de l'affaire des Ateliers natio-naux.
Le 10 décembre 1848, c'est enfin l'élection présidentielle ; Louis Napoléon jure solennellement de rester fidèle à la République et de défendre la Constitution. L'histoire nous apprend comment il a tenu ces promesses.
Un fait est certain, la France, engagée dans la voie contraire à sa vocation, allait connaître une suite d'épreuves inin-terrompues.
Le Prince-Président commence par opposer ses vues personnelles à celles de la Constituante, qui se sépare pour faire place à l'assemblée législative, animée d'un esprit tout différent.
Tandis que ces bouleversements occupaient l'opinion publique, la minorité "bien pensante" se regroupait et tentait de s'organiser dans l'intention de maintenir ce qui pouvait être sauvé.
A cette entreprise, des écrivains de marque ont travaillé ; ce fut un premier succès pour l'idée catholique, après l'effa-cement du. dix-huitième siècle, d'être représentée par des hommes remarquables, tels que Joseph de Maistre, Monta-lembert, Lacordaire, Ozanam, auxquels s'ajoutaient des écrivains en renom, tels que Blanc de Saint-Bonnet, le Cardinal Pie, Mgr Delassus et Louis Veuillot.
Leurs efforts ne purent empêcher le cours des événements, la France allait vers l'expiation.

NAPOLEON III
Napoléon III passa sa vie à trahir toutes les causes qu'il s'était engagé à défendre.
Il est vrai que les singuliers conseils donnés par sa mère, l'astucieuse Hortense, n'étaient point faits pour donner à Louis-Napoléon une idée très nette et élevée de ses devoirs de Chef d'Etat : «Ne rebutez personne, sans vous donner absolument à aucun. Accueillez tout le monde, même les curieux, les hommes à projets, les conseilleurs. Tout cela sert. Soyez un peu partout, toujours libre, toujours prudent et ne vous montrez ouvertement qu'a l'heure opportune».
«L'ambition était son ressort unique, sa passion exclusive, sa mission, sa destinée. Il allait au pouvoir fatalement, les yeux fermés, sans peur ni scrupule, le voulant plus encore pour la possession que pour l'usage». (G. Hanotaux. Histoire polit., p. 448)
Ses lettres même le trahissaient ; il écrivait, en mars 1859 :
«Quoique je dise le contraire, j'ai profondément gravés dans le cœur les tortures de Sainte-Hélène et les désas-tres de Waterloo ; voilà trente ans que ces souvenirs me rongent le cœur ; ils m'ont fait affronter sans regret la mort et la captivité; ils me feraient affronter ce qui est plus encore, l'avenir de mon pays. Quoique ce soit déjà beaucoup que de demander à un homme qui a le pouvoir en mains de modérer pendant des années une grande et noble passion, elle peut encore se contenir si on ne blesse pas sans cesse tout ce que j'ai de plus sacré, la gloire et la grandeur de la France».
En dépit de ces affirmations, Napoléon III a suivi une politique à double portée, confuse et contradictoire, qui a conduit la France à Sedan.
L'idée maîtresse de la politique de Napoléon III a été le projet de libération de l'Italie ; mais c'est ici, peut-être, qu'ap-paraît le vrai visage de ce Prince.
On sait qu'en décembre 1848, c'est-à-dire au temps de la seconde république, Louis-Napoléon, allant contre le vœu de l'assemblée constituante, avait envoyé une armée, en Italie, pour rétablir le Pape dans ses Etats. Plus tard, en 1858, nous le verrons comploter avec Cavour contre le Pape, qu'il abandonnera finalement. Pie IX perdra alors la partie cen-trale de ses Etats.
On peut dire qu'après avoir trahi les intérêts de la France, l'Empereur avait trahi sa "mission providentielle" de Souve-rain, en ce sens qu'après avoir soutenu la Papauté, il l'avait abandonnée à son sort malheureux.
Cet aspect de l'histoire, la Très Sainte Vierge en avait parlé clairement, le 19 septembre 1846, alors que Louis Bona-parte était encore ignoré et absent de la scène politique.
Ce jour-là, aux deux petits bergers de la Saiette, Marie, Reine de France, dans un long discours empreint de la plus grande tristesse, avait dit :
«Que le Vicaire de mon Fils, Pie IX, se méfie de Napoléon ; son cœur est double et quand il voudra être à la fois Pape et Empereur, bientôt Dieu se retirera de lui ; il est cet aigle qui, voulant toujours s'élever, tombera sur l'épée dont il voulait se servir pour obliger les peuples à l'élever».
«Cœur double, en effet, Napoléon III l'est bien, quand, le 18 août 1849, il osera dire à Pie IX que le pouvoir tem-porel ne pourra être rétabli que si le Pape accorde des réformes dans l'esprit des "Droits de l'Homme" ; cœur double quand, en 1856, excluant le Pape du concert européen, il y fait entrer le Sultan pour juger du droit de la Papauté au pouvoir temporel ; cœur double, en 1860, quand il répond à Cavour qui lui demande d'envahir les Etats pontificaux : «Faites vite» ; cœur double, enfin, quand, en 1870, voulant "être à la fois Pape et empereur" il menace le Pontife Su-prême de retirer ses troupes de Rome pour empêcher le Concile du Vatican de décréter l'infaillibilité pontificale» (de La Franquerie, op. cit. p. 186)
Or, on sait que le Concile du Vatican, commencé le 8 décembre 1869, a dû interrompre ses travaux le 20 octobre 1870, la guerre franco-allemande, d'une part, et la prise de Rome par les Piémontais ayant amené son interruption forcée.
Un parallèle saisissant apparaît à qui sait lire l'histoire, quand on rapproche les différentes phases de l'évacuation, par les troupes françaises, des Etats pontificaux et l'avance des allemands en France, en 1870. Depuis le 4 août 1870, jour de l'annonce officielle du retrait de Rome des zouaves pontificaux, jusqu'au 1er février 1871, où la Chambre italienne dé-clare fait accompli, la dépossession temporelle du Pape, nos malheurs et notre défaite coïncidèrent avec chaque étape du calvaire des armées pontificales. Et ce premier février 1871, qui consommait la prise de possession par l'armée ita-lienne des Etats du Pape a vu notre armée de l'Est, avec 80.000 hommes, passer en Suisse et les Prussiens, reprenant Dijon, déclarer la défaite de la France, définitive.
Le roi de Prusse, Guillaume Ier, a reconnu lui-même la grande loi des châtiments infligés à la France, quand notre Pa-trie est infidèle à sa mission : «Je n'ai pas vaincu les Français - dira-t-il - Dieu me les a livrés». (de La Franquerie, op. cit. p. 186)
Les avertissements les plus solennels n'avaient cependant pas manqué à Napoléon III et l'histoire a retenu l'entrevue mémorable du 15 mars 1869, au cours de laquelle le Cardinal Pie, évêque de Poitiers, fit à l'empereur le procès de la po-litique séculaire qui a exclu de ses conseils N. S. Jésus-Christ et le Pape, son Vicaire sur la terre.
Nous n'en citerons que l'essentiel.
L'empereur, manifestement troublé par les paroles du grand évêque, en vint à lui dire
«Mais Monseigneur n'ai-je pas fait suffisamment mes preuves de bon vouloir en faveur de la religion ! La Restau-ration elle-même a-t-elle fait plus que moi ?»
L'évêque se trouvait amené à sa grande thèse, celle des rapports nécessaires de la religion et des gouvernements, et du règne de Jésus-Christ dans la société. Il répondit :
«Je m'empresse de rendre justice aux religieuses dispositions de Votre Majesté et je sais reconnaître, Sire, les services qu'elle a rendus à Rome et à l'Eglise, particulièrement dans les premières années de son gouvernement. Peut-être la Restauration n’a-t-elle pas fait plus que vous ? Mais, laissez-moi ajouter que ni la Restauration, ni vous, n'avez fait pour Dieu ce qu'il fallait faire, parce que ni l'un ni l'autre vous n'avez relevé son trône, parce que ni l'un ni l'autre vous n'avez renié les principes de la Révolution dont vous combattez cependant les conséquences pratiques, parce que l'évangile social dont s'inspire l'Etat est encore la déclaration des droits de l'homme, laquelle n’est autre chose, Sire, que le négation formelle des droits de Dieu. Or, c'est le droit de Dieu de commander aux Etats, comme aux individus. Ce n'est pas pour autre chose que N.S. est venu sur le terre. Il doit y régner en inspirant les lois, en di-rigeant les conseils, en réglant les actions des gouvernements comme des gouvernés. Partout où Jésus-Christ n'exerce pas ce règne. Il y a désordre et décadence».
Et comme l'évêque montrait comment la Constitution, accordant aux autres cultes une égale protection, protégeait pa-reillement l'erreur et la vérité, l'empereur l'arrêta :
«Mais encore, lui dit-il, croyez-vous que l'époque où nous vivons comporte cet état de chose et que le moment soit venu d'établir ce règne exclusivement religieux que vous me demandez ? Ne pensez-vous pas, Monseigneur, que ce serait déchainer toutes les mauvaises passions ?...
«Sire, - lui répondit l'évêque - quand de grands politiques comme votre Majesté m'objectent que le moment n'est pas venu, je n'ai qu'à m'incliner, parce que je ne suis pas un grand politique. Mais je suis évêque et comme évêque je leur réponds : le moment n'est pas venu pour Jésus-Christ de régner, eh bien ! alors, le moment n'est pas venu pour les gouvernements de durer» (Histoire du Cardinal Pie, T. I, livre III, ch. II, p. 697-699).
Cette sentence du Cardinal Pie n'a, hélas, rien perdu de son caractère d'actualité... et fut rappelée par certains au moment où la France s'apprêtait à approuver pour la cinquième fois une Constitution sans Dieu.

LA TROISIEME REPUBLIQUE
Après la chute du second empire, l'Assemblée Nationale, élue en février 1871, confia à Thiers le pouvoir exécutif et organisa une république provisoire ; il fallait, avant tout, réprimer la sanglante insurrection de la Commune.
Pour un temps, les différents partis s'unirent, mais les divisions reprirent de plus belle lorsqu'il s'agit de donner à la France un gouvernement définitif.
Pour bien comprendre le mouvement des idées de cette époque agitée et confuse par certains côtés, il faut savoir comment les choses se sont passées. En voici le résumé.
En 1871, la France, consultée sur la paix seule, élit une Assemblée qui se révèle royaliste. Elle n'accepte pas la révo-lution parisienne du 18 mars - la commune - et laisse le gouvernement sévir contre le parti révolutionnaire parisien (1871).
Elle n'accepte pas davantage les essais de restauration monarchique. La droite renverse Thiers, républicain (1873), confie le pouvoir à Mac-Mahon et à un gouvernement "d'ordre moral" qui combat les républicains, impose une constitu-tion monarchique, où le mot République n'est introduit que par surprise (1875), exige le renvoi d'un ministère qui a la confiance de la nouvelle chambre, ce qui entraîne la dissolution de celle-ci (1877). Le pays élit alors une majorité républi-caine. On sait comment Mac-Mahon fut contraint de se soumettre (1877), puis de se démettre (1879).
Ces revirements successifs de l'opinion s'expliquent quand on sait que l'adversaire veillait de tous côtés et même de loin. Nous avons un exemple frappant de cette vigilance des puissances occultes dans la lettre que Bismarck - franc-maçon notoire - adressait à son ambassadeur à Paris, le comte d'Arnim, le 16 novembre 1371. En voici le passage es-sentiel.
«Nous devons désirer le maintien de la République, en France, pour une dernière raison, qui est majeure : la France monarchique était et sera toujours catholique , sa politique lui donnait une grande influence en Europe, en Orient et jusqu'en Extrême-Orient. Un moyen de contrecarrer son influence au profit de la nôtre, c'est d'abaisser le ca-tholicisme et la Papauté, qui en est la tête. Si nous pouvons atteindre ce but, le France est à jamais annihilée. La mo-narchie nous entraverait dans cette tentative , la République nous aidera.
«J'entreprends, contre l'Eglise catholique une guerre qui sera longue et peut-être terrible... On m'accusera de persécution et j'y serai peut-être conduit , mais il le faut pour achever d'abaisser la France et établir notre suprématie religieuse et diplomatique, comme notre suprématie militaire.
«Eh bien ! je le répète, ici encore, les républicains nous aideront : ils jouent notre jeu ; ce que j'attaque par politi-que, ils l'attaquent par fanatisme antireligieux. Leur concours nous est assuré !»
«Entretenez dans les feuilles radicales françaises à notre dévotion la peur de l'épouvantail clérical, en faisant propager les calomnies ou les préjugés qui ont fait naitre cette peur. Faites aussi souvent parler, dans ces feuilles, des dangers de la réaction, des crimes de l'absolutisme. des empiètements du clergé. Ces balivernes ne manquent jamais leur effet sur les masses ignorantes».
«Oui, mettez tous vos soins à entretenir cet échange de services mutuels entre les républicains et la Prusse ! C'est la France qui en paiera les frais» (Cité par Gaudin de Vilaine, au Sénat, le 6 avril 1911. Voir Journal Officiel du 7 avril 1911).
Singulier destin que celui de la nation choisie pour la défense de l'Eglise, qui apporte ainsi concours, de façon indi-recte, mais savamment dirigé, on le voit, aux adversaires de Dieu et de son Eglise, et parmi ceux-ci à ses vainqueurs de la veille.
A relire ces lignes, aujourd'hui, on serait tenté de penser que les vues de Bismarck ont été suivies et n'ont pas cessé, en quelque manière, d'être appliquées chez nous.


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Le Pacte de Reims et la Vocation de la France Empty Re: Le Pacte de Reims et la Vocation de la France

Message par Her Mer 23 Mar - 8:50

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / 8 )

CLAIRE MARTIGUES

CHAPITRE HUITIEME : PERIODE CONTEMPORAINE : DE LA IIIe REPUBLIQUE A NOS JOURS

Ce n'est pas chose aisée que d'évoquer cette période de notre histoire, en se gardant de vouloir porter, sur les hommes et leurs œuvres, un jugement absolu. Le trait dominant qui nous parait devoir être mis en lumière est bien plutôt de savoir ce qu'il en est du Pacte de Reims et ce qu'il advint de la France. Pour le bien comprendre, il est nécessaire d'évoquer brièvement la recrudescence de l'activité de la Franc-Maçonnerie pendant la période considérée.

On ne dira jamais assez la constance avec laquelle la Secte s'est appliquée à réaliser son programme corrupteur et anti-français. En voici quelques aperçus.

Au convent des loges maçonniques de l'Est, en 1892, le F∴ Beauquier déclarait
«Il est nécessaire que nous ayons avec nous les éducateurs de l'enfance: les instituteurs. Nous n'aurons la Ré-publique à jamais fondée que lorsque, dans chaque village, on trouvera un maitre d'école franc-maçon, curé laïque, qui puisse être opposé à l'autre, pour combattre utilement son influence». (Cité dans un article de Paul Lesourd, L'Ins-tituteur d'hier et la Maçonnerie. Voix françaises, 23 mai 1941).

Jaurès déclarait :
«Résolument, tyranniquement au besoin, la République doit substituer à l'enseignement chrétien, un enseigne-ment rationaliste, matérialiste».

Viviani avouait :
«On nous parle de neutralité scolaire, mais il est temps de dire qu'elle n'a jamais été qu'un mensonge diplomati-que et une tartuferie de circonstance. Nous l’invoquions pour endormir les scrupuleux et les timorés : mais maintenant, il ne s'agit plus de cela ; jouons franc-jeu. Nous n'avons jamais eu d'autres desseins que de faire une Université anti-religieuse et antireligieuse d'une façon active, militante, belliqueuse». (op. cit. idem)

Parallèlement à ces visées, tendant à déchristianiser l'individu dès l'enfance, apparaît ensuite, en 1884, le vote de la loi "Naquet", introduisant le divorce dans notre législation.

Nous voyons aujourd'hui les fruits amers de cette laïcité qui rejette toute contrainte morale ; le plus monstrueux de ces fruits : l'égoïsme, va jusqu'au crime envers l'enfant conçu ou à naître.
Nous ne contestons pas, pour autant qu'il y ait toujours eu et qu'il y ait encore, au sein de la Franc-Maçonnerie, des Maçons patriotes, ce qui s'explique par le libéralisme propre aux idées maçonniques et qui ne fait qu'augmenter la confu-sion.

L'ambition des ennemis de la civilisation chrétienne visa plus loin et plus haut, et, utilisant à rebours les dons mission-naires de la nation, entendirent porter au monde entier les réformes appliquées chez nous.

Dans cet ordre d'idées, un ouvrage édité un peu avant 1940, Franc-maçonnerie rouge, dévoile certains faits significatifs ; son auteur, M. Albert Vigneau, ancien dignitaire de la Grande Loge de France, révèle en effet «que les S.F.I.O. et même les communistes se trouvent, à leur insu, noyautés par la Franc-maçonnerie». (op. cit. A.L. Vigneau : Franc-Maçonnerie rouge, p. 98)

C'est encore le F. Alban Chaligny qui déclare, certain jour :
«Il est absolument nécessaire que notre recrutement soit très large, en même temps qu'éclectique, afin que nous puissions pénétrer dans les milieux sociaux les plus divers». (op. cit. A.L. Vigneau : Franc-Maçonnerie rouge, p. 99)

Dans un autre ouvrage de M. Vigneau, La F.-M. dans l'Etat, on lit encore : «Or, c'est sur le peuple qu'on s'appuie pour mener le combat jusqu'à la victoire. Donc, il convient de l'associer à la cause et pour l'associer, il n'est pas de meilleur moyen que d'ouvrir la porte du Temple à ceux qu'on appelle les travailleurs». (op. cit. A.L. Vigneau : Franc-Maçonnerie rouge, p. 131

Les partis politiques ne suffisent plus au zèle combatif des Loges, les autres groupements, en particulier les syndicats, furent alors pressentis et ainsi s'explique l'œuvre de la C.G.T., de même que la permanence des désordres sociaux sur-venus dans le monde du Travail, depuis le début du siècle jusqu'à l'époque actuelle.

A son tour, l'Armée n'a pas échappé à l'emprise de la Secte et cela depuis "l'affaire des Fiches", jusqu'à la naissance, en 1928, du groupe "MUNDIA", dont les membres n'hésitaient pas à préconiser, même en cas de guerre défensive, la pa-ralysie de la défense nationale par l'action maçonnique.
Le fait éclaire singulièrement la défaite de 1940.

Aujourd'hui encore, un puissant effort de renaissance maçonnique se poursuit inlassablement, malgré certaines appa-rences trompeuses et, à dire vrai, dans le conflit d'idées qui submerge les esprits et crée la division partout, c'est DIEU Lui-même et son CHRIST que l'adversaire combat à force ouverte et c'est l'Eglise que l'on voudrait abattre à tout jamais.
En bref, tout démontre que l'objectif final actuellement poursuivi ne tend rien moins qu'à arracher de l'âme de la France son passé religieux qui a fait sa gloire et sa grandeur.

Ici, ne craignons pas de dire que l'un des traits les plus marquants, illustrant le sens caché de la lutte engagée, est sans conteste le vote, dans les conditions que l'on sait, de la Constitution se référant aux "Principes de 1789" et procla-mant la France "laïque et républicaine". Par ailleurs, les vives controverses suscitées par les travaux sur la loi de l'ensei-gnement libre sont encore un aspect de cette même lutte.

C'est ici que les paroles du Cardinal PIE à Napoléon III reviennent à l'esprit et revêtent un singulier caractère d'actuali-té.
Voici, d'ailleurs, qui éclaire le débat : la voix des Papes. Écoutons là attentivement et méditons ses appels.

LA VOIX DES PAPES

Après Grégoire XVI, c'est Léon XIII, proclamant à la face du monde entier, par l'encyclique Immortale Dei, du 1er no-vembre 1885, sur la constitution chrétienne des Etats, le droit de Dieu à gouverner. les peuples et les nations. Ce docu-ment faisait suite à l'encyclique Humanum Genus, sur la Secte des Francs-Maçons, parue en 1884.

Si ces textes, de portée générale, n'évoquent en rien le Testament de Saint Remy, il n'en demeure pas moins vrai que l'un comme l'autre projettent une vive lumière sur les desseins arrêtés de l'adversaire en ce qui concerne la France chré-tienne et l'on comprend mieux encore les causes intimes de la déchristianisation de notre patrie.

Mais voici qui est plus précis et non moins formel, et nous vient du successeur de Léon XIII, saint Pie X.

On sait qu' «à chaque réception de pèlerins français, le saint Pontife revenait sur la nécessité pour un peuple qui veut vivre, de respecter, d'aimer, de vénérer ses traditions et son passé, et de toujours rester dans la voie tracée par les ancê-tres. C'était à dessein qu'il suppliait les Français d'avoir toujours présent à la mémoire le Testament de saint Remy et la mission divine de Jeanne d'Arc».

«Vous direz aux Français qu'ils fassent leur trésor des Testaments de saint Remy, de Charlemagne et de saint Louis, qui se résume dans ces mots, si souvent répétés par l'héroïne d'Orléans : Vive le Christ qui est Roi de France» .
«Bien aveugles et de parti-pris furent ceux qui ne comprirent pas. Ces directives étant contraires aux désirs et aux intérêts des libéraux et des démocrates, ceux-ci firent la conjuration du silence ; opposèrent la force d'inertie à la volonté du saint Pontife, qui laissa à plusieurs reprises éclater la douleur que lui causait une telle attitude» (op. cit. idem, p. 217-218).

Benoit XV ne modifia en rien la ligne de conduite tracée aux catholiques par son prédécesseur.
A Monseigneur Marty, désireux de dissiper toute équivoque sur la conduite politique des Français à l'égard du régime,
Benoit XV répondit :
«La base de l'action catholique est toujours le terrain religieux. Pas de ralliement. Sous Léon XIII, il a paru né-cessaire de dissiper certains préjugés tendant à établir l'incompatibilité du catholicisme et de la forme républicaine. La démonstration a été suffisamment faite. Il n'y a pas à y revenir» (op. cit. La Mission divine de la France, p. 218).

C'est enfin Pie XII, de vénérée mémoire, alors qu'il n'était encore que le Cardinal Pacelli, s'adressant aux Français du haut de la chaire de Notre-Dame, le 13 juillet 1937, prononça l'inoubliable discours, dont voici quelques extraits.
«A la France d'aujourd'hui, qui l'interroge, la France d'autrefois va répondre en donnant à cette hérédité son vrai nom : la vocation.
«Les peuples. comme les individus, ont leur vocation providentielle comme les individus, ils sont prospères ou misérables, ils rayonnent ou demeurent obscurément stériles, selon qu'ils sont dociles ou rebelles à leur vocation.
«Saint Remy, qui versa l'eau du baptême sur le tête de Clovis ; saint Martin, moine, évêque, apôtre de la Gaule ; saint Césaire d'Arles et tant d'autres, se profilent avec un relief saisissant sur l'horizon de l'histoire, dans cette période initiale qui, pour troublée qu'elle fût, portait cependant en son sein tout l'avenir de la France».
Et le Légat Pontifical, s'adressant à la France entière, par delà les voûtes du saint lieu, de lancer cette impérieuse ex-hortation :
«Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation !
«Jamais heure n'a été plus grave pour vous en imposer les devoirs, jamais heure plus belle pour y répondre. Ne laissez pas passer l'heure, ne laissez pas s'étioler des dons que Dieu à adaptés à la mission qu'il vous confie ; ne les gaspillez pas, ne les profanez pas au service de quelque autre idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous».

Et le futur Pape de lancer alors cet avertissement solennel et d'allure prophétique :
«...écoutez la voix qui vous crie : Priez, Orate Fratres ! sinon, vous ne feriez qu'œuvre humaine, et, à l'heure présente, en face des forces adverses, l'œuvre purement humaine est vouée à le stérilité, c'est-à-dire à le défaite ; ce se-rait la faillite de votre vocation !»

Plus loin, dans son discours, et comme pour animer le zèle des cours généreux, Eugène Pacelli, évoquant la lutte engagée, prophétisera le triomphe de Dieu :
«Nous sommes à une heure de crise... à la vue d'adversaires, dont le force et l'orgueilleux défi ne le cèdent en rien au Goliath de la Bible, les pusillanimes peuvent gémir d'avance sur leur inévitable défaite, mais les vaillants, eux, saluent dans la lutte, l'aurore de la victoire : ils savent très bien leur faiblesse, mais ils savent aussi que le Dieu fort et puissant se fait un jeu de choisir précisément la faiblesse pour confondre la force de ses ennemis» .

Ces paroles prophétiques d'hier semblent avoir été écrites pour notre temps.

Mais la France est restée sourde au solennel avertissement de Celui qui, bientôt, allait être élevé sur le trône de Pierre. Aussi, les châtiments annoncés par saint Remy n'allaient pas tarder à se réaliser de nouveau et ce fut la défaite de 1940, la plus retentissante de notre histoire.

La France, livrée à son tragique destin, est-elle alors, pour autant, abandonnée de Dieu ?

Un nouveau témoignage de la patience et de la miséricorde divines semble attester le contraire, si l'on veut bien ad-mettre que Dieu parle encore à son peuple, de la manière qu'Il Lui plait d'adopter.

Ce témoignage d'En Haut n'est autre que le radio-message de Pie XII, adressé aux familles françaises, le 17 juillet 1945, à l'occasion de la consécration de la France au Sacré-Cœur.

En cette circonstance mémorable, le Pontife Romain renouvelait alors, en quelque manière, l'avertissement et les ap-pels du passé, quand il disait :
«...Les destinées de votre patrie sont entre vos mains, mais à la double condition que, fiers de votre appartenance au Christ et conscients de la force qu'elle vous confère, vous vous montriez imperturbablement fidèles à cette appartenance et que vous usiez vaillamment de cette force».

Et Pie XII, soulignant avec force le sens profond de notre consécration au Cœur de Jésus, «c'est le Pacte entre Lui et vos familles», dira-t-il, nous met en garde contre le danger du moindre abandon, quand il dit encore :
«...Il n'y aurait qu'une vaine complaisance d'amour-propre ou plutôt une humiliante contradiction à prendre cons-cience de votre force, si vous n'en usiez aussi pour la défense la conquête des droits du Cœur de Jésus, qui sont aussi vos droits, les droits de votre famille et de votre patrie.

Et le Pape de conclure par ce pathétique appel :
«Au nom de vos familles et de la France, préparez et procurez l'avènement du règne de Dieu et du Cœur de Jé-sus, dans votre patrie, la reconnaissance de sa divine majesté, la sanctification du dimanche et des fêtes, l'exercice du culte public, la pratique de la justice et de la charité sociale, de la fraternité chrétienne entre tous les Français par leur réconciliation mutuelle dans le calme et l'ordre, en un mot, dans la paix».

Mais Pie XII ne manquera pas de rappeler, une fois encore, la vocation de la France et ce sera la conclusion de sol message :
«Vous venez de proclamer, une fois de plus, que vous croyez à la vocation chrétienne de la France.
«Il est fidèle, l'Auteur de cette sublime vocation.
«Que par vous, familles chrétiennes consacrées au Cœur de Jésus, la France, de son côté, soit fidèle à y répon-dre !

On remarquera l'insistance avec laquelle le Pape, traçant la ligne de conduite à suivre, souligne l'impuissance des seuls moyens humains et met en valeur la primauté de la prière.
«Orate Fratres, Priez», disait-il en 1937, «sinon vous ne feriez qu'œuvre humaine... vouée à la stérilité».

Citons ces paroles qu'il prononçait, dans une autre circonstance, aux heures sombres de la défaite, en décembre 1940 :
«...La prière est une force qui faisant, par des voies mystérieuses, quasiment violence au Ciel, agit doucement, irrésistiblement, sur la volonté des hommes» (Actes de S.S. Pie XII, 1940)

On sait encore avec quelle flamme celui qui fut le Pape du Verbe et le Pape de Marie, faisant écho à la voix de l'Auguste
Mère de Dieu, s'adressant à la France, au siècle dernier, et, plus tard, au monde entier, à Fatima, en 1917, a re-commandé le recours à la prière, en particulier la prière du Rosaire, si cher à Marie.

Dans l'encyclique du 15 septembre 1951, Pie XII disait en effet :
«...Nous n'avons aucune hésitation à affirmer publiquement quelles espérances nous plaçons dans le Rosaire pour guérir les maux qui affligent notre siècle».
«Ce n'est pas par la force, ni par le puissance humaine, mais par le secours divin, que l'Eglise, forte comme Da-vid avec sa fronde, pourra affronter l'ennemi infernal». (idem, encyclique sur le Rosaire, 15 septembre 1951).

DIEU N'A PAS ROMPU LE PACTE

La tentation serait grande, ici, de s'abandonner au noir pessimisme et de croire que les familles françaises auraient, en quelque manière, failli à leur mission. Un tel jugement apparaît trop fragile, eu égard aux obstacles accumulés par un adversaire résolu.

Aussi bien, est-ce vers des perspectives plus élevées – les "horizons du Ciel" - qu'il convient de porter les regards et d'orienter la pensée.

De ces célestes horizons, l'auguste Pontife Pie XII, évoquant inlassablement la vocation de la France, en a parlé de façon imagée, mais combien claire et précise.

Et ce fut le brûlant appel - "flambeau dans nos ténèbres" - du 25 juin 1956, dont l'extrait qu'on va lire montre bien que Dieu n'a pas rompu le pacte d'alliance.

Qu'on en juge plutôt.
«...Levez donc les yeux, fils bien aimés, dignes représentants d'une nation qui se glorifie du titre de Fille aînée de l'Eglise et regardez les grands exemples qui vous ont précédé».
«...S'il arrive que souffle au dehors le vent mauvais, si le mensonge, la cupidité, l'incompréhension trament le mal, s'il vous semble même devenir victimes à votre tour, regardez vos héros réhabilités, vos cathédrales reconstruites et vous vous convaincrez une fois de plus que toujours la dernière victoire est celle de la foi, de la sainte foi que rien ne peut abattra et dont l'Eglise catholique est l'unique dépositaire».
«...Et s'il peut sembler un moment que triomphent l'iniquité, le mensonge et la corruption, il vous suffira de faire silence quelques instants et de lever les yeux au ciel pour imaginer les légions de Jeanne d'Arc qui reviennent banniè-res déployées, pour sauver le patrie et sauver la foi .

Bien avant ces paroles sublimes, en 1911, un autre Pontife, le Pape de l'Eucharistie, le Pape de la Maternité spirituelle de Marie, Pie X - élevé, depuis, à la gloire des autels - avait déjà prophétisé le relèvement de la France.
«...C'était au matin du célèbre Consistoire du 29 novembre 1911 où il remit la baratte cardinalice à deux prélats français NN. SS. Amena et de Cabrières. Pie X avait passé de longues heures en prière dans son oratoire. En rejoi-gnant, peu après. Monseigneur Bisletii, il lui dit : «Oh ! que la Sainte Vierge est bonne ! Elle vient de me consoler grandement en me donnant l'assurance que le France serait sauvée !»
«Et à la fin de son allocution consistoriale, Pie X prononça ces paroles émouvantes qui resteront pour nous une douceur et comme une fontaine d'espérance». (René Bazin)
«Que vous dirai-je, maintenant, à vous Fils de France, qui gémissez sous le poids de la persécution ? «Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts baptismaux de Reims, se repentira et retournera à sa première vocation. Les mé-rites de tant de ses fils, qui prêchent la vérité de l'Evangile dans le monde presque entier et dont beaucoup l'ont scellée de leur sang , les prières de tant de saints qui désirent ardemment avoir pour compagnons, dans la gloire céleste, les frères bien-aimés de leur patrie ; la piété généreuse de tant de ses fils, qui sans s'arrêter à aucun sacrifice, pourvoient à la dignité du clergé et à la splendeur du culte catholique... appelleront certainement sur cette nation les miséricordes di-vines. Les fautes ne resteront pas impunies, mais elle ne périra pas, la fille de tant de soupirs et de tant de larmes. Un jour viendra et nous espérons qu'il n'est pas éloigné où la France, comme Saul sur le chemin de Damas, sera envelop-pée d'une lumière céleste et entendra une voix qui lui répétera : Ma fille, pourquoi me persécutes-tu ? Et sur sa réponse : Qui es-tu Seigneur ? La voix répliquera : Je suis Jésus que tu persécutes. Il t'est dur de regimber contre l'aiguillon, parce que dans ton obstination, tu te ruines toi-même. Et elle, tremblante, étonnée, dira : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Et lui : lave-toi de tes souillures qui t'ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le pacte de notre alliance et va, Fille aînée de l'Eglise, nation prédestinée, vase d'élection, va porter, comme par le passé, mon nom devant tous les peuples et les rois de le terre. (Extrait de l'Echo de la Garde d'Honneur, de janvier 1953).


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Message par Her Mer 23 Mar - 8:51

LE PACTE DE REIMS ET LA VOCATION DE LA FRANCE (Suite 2 / Epilogue)

CLAIRE MARTIGUES

EPILOGUE

Le Pacte de Reims demeure ; réalité toujours vivante et toujours actuelle, dans toutes ses parties.

Sur la trame de l'histoire religieuse de notre pays, le Pacte de Reims se détache en motif principal et premier, tout au-tant, en raison même de sa nature et de sa portée, que les messages adressés par Marie à la France, au siècle dernier. Et, dans cet ordre d'idées, le message donné par la Très Sainte Vierge, au monde entier, en 1917, à Fatima, montre bien, par certains côtés, les liens étroits qui unissent le sort des peuples à la vocation de la France, définie par saint Remy.
Tout se tient. Et nous avons là deux aspects resplendissants de lumière, d'une fresque grandiose, qui se rejoignent et se confondent dans une vue d'ensemble unique, pour éclairer les graves problèmes de notre époque.

Mais encore. le Testament de saint Remy ne fait qu'illustrer, par anticipation et de façon magistrale, la Royauté sociale de N.S. Jésus-Christ sur les nations, les châtiments qu'elles encourent et les miséricordes qui descendront ensuite sur le monde, par son Eglise.

D'une importance souveraine pour la paix du monde et la prospérité de la France, la Royauté sociale du Christ s'impose avec une actualité poignante.
Les signes sont le langage de Dieu, par excellence.
Mais alors, nous faut-il prendre, en valeur absolue, les signes qui nous sont donnés par le Ciel ?

Le Pacte de Reims appartient à cette forme d'expression du langage divin ; la parole des Papes, qui en prolonge les échos par delà le temps et l'espace, le prouve.
Sachons donc les écouter et les Méditer.

En face des graves périls de l'heure présente, au sein de l'épreuve qui dure et dont nul n'entrevoit le terme, la voie nous est tracée : ORATE FRATRES... PRIONS..., nous disait Pie XII.

Dès lors, prenons conscience des causes profondes de nos malheurs et de notre décadence, de leurs répercussions sur l'avenir des peuples et des nations ; que chacun s'incline et consente à prendre le moyen recommandé, avec tant d'insistance, par le Ciel Lui-même : la prière, et spécialement la prière du rosaire, à laquelle les Pontifes Romains nous engagent si vivement, «pour obtenir la fin des maux qui affligent le siècle». (Pie XII, encyclique sur le Rosaire, 15 sept. 1951).

Si nous voulons que la France revive, il lui faut revenir à sa vocation de Fille aînée de l'Eglise.

Tout nous en éloigne, semble-t-il, mais forts des enseignements divins et fermes dans la foi et l'espérance, soyons confiants dans la miséricorde du Dieu Tout-Puissant dont le règne est proche.

LE PACTE DE REIMS

PREMIÈRE PARTIE
I Le Pacte de Reims
II La Conversion
III Le Sacre
IV Clovis Roi des Francs et Apôtre du Christ
V Authenticité du Pacte de Reims

DEUXIÈME PARTIE

I Les Sanctions du Pacte de Reims
Testament de St Remy
II De Clovis aux Croisades
III Des Croisades à la Guerre de Cent Ans
IV De la Guerre de Cent Ans à la Renaissance
V De la Renaissance à la Réforme
VI De la Réforme à la Révolution
VII De la Révolution à la IIIè République
VIII Période Contemporaine
De la IIIè République à nos jours

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